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Hubert Bonin : « En 1914, l’urgence de la...

samedi 21 mars 2020 par Charles

Hubert Bonin : « En 1914, l’urgence de la guerre conduit à une économie administrée »
Tribune
Hubert Bonin
Historien
Dans une tribune au « Monde », l’historien décrit comment, face à l’invasion allemande, l’Etat français a pris en main le contrôle d’une économie qui suivait jusque-là les canons du libéralisme.

Tribune. A l’automne 1914, alors que le front de la Grande Guerre se stabilise de la Suisse à la Manche, les décideurs politiques et militaires français prennent conscience que commence une « guerre industrielle ». Les grandes offensives récurrentes, censées sortir l’armée de l’enlisement de la « guerre de tranchées », sont de grosses consommatrices de matériels. Il faut plus d’armements, beaucoup plus de cartouches et d’obus, mais aussi de nourriture, d’alcool, de bandages, de produits sanitaires, de chaussures, d’uniformes, de havresacs, et enfin de matières premières pour les produire, de main-d’œuvre pour les fabriquer, de moyens de transport pour les acheminer…
S’invente alors un modèle d’économie mixte, celui de la « mobilisation industrielle », en rupture avec le système économique libéral et décentralisé qui régnait jusqu’alors. Les manufactures et arsenaux publics, les flux de commandes classiques au secteur privé, ne suffisent plus à fournir les munitions et les équipements nécessaires. Il s’agit désormais, au nom de l’urgence nationale face à la menace allemande, de mettre en place un processus rigoureux de coordination de la production, de contrôle des entreprises, des travailleurs et du financement. Entre septembre 1914 et l’été 1915 prend corps une « économie organisée », en improvisant au son du canon, non sans atermoiements et ajustements incessants.
Main-d’œuvre féminine et coloniale mobilisée
Dès septembre 1914, le ministre de la guerre, Alexandre Millerand, convoque hauts gradés et grands patrons de l’industrie. Trois réunions se tiennent à Bordeaux, entre le 20 septembre et le 30 octobre. Parmi les participants, Louis Renault, François de Wendel, les patrons de Schneider, de la Société des grands ateliers de Saint-Nazaire, de la Société des forges et aciéries de la marine et d’Homécourt, ainsi que le président de la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles et Robert Pinot, le secrétaire général du Comité des forges. L’alliance est nouée entre l’armée, la haute administration et les « marchands de canons » par le biais de groupements régionaux ou sectoriels.
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Les réunions se multiplient en octobre et novembre, afin de suivre la mise en œuvre des programmes de production. Des délégués vont en région dénicher des fournisseurs. L’improvisation règne, avec ses incohérences ; il faut entre deux et trois trimestres pour que la machine de guerre monte réellement en puissance. Mais le cap est fixé, et se trouve vite incarné par Albert Thomas, nommé, en mai 1915, sous-secrétaire d’Etat à l’artillerie et à l’équipement militaire.

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