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L’origine du monde en cinq mots

vendredi 3 janvier 2020 par Charles

On se refuse parfois, par pudeur, à prononcer les mots « uterus », « vagin » ou « pénis ». Pourtant, ces mots sont on ne peut plus ordinaires. Connaissez-vous leur drôle d’histoire ? Le Figaro vous propose de le découvrir.
Par Le Figaro
Publié le 23 août 2018 à 01:00, mis à jour le 23 août 2018 à 02:37

Tableau de L’origine du monde, de Gustave Courbet. SEBASTIEN BOZON/AFP
Depuis qu’Adam a croqué la pomme, le monde s’est transformé en verger. De la nudité au jardin d’Éden, a germé sur Terre, un fruit nommé désir. Une passion réservée à la procréation. Une reproduction représentée avec plus ou moins de doigtés par les artistes d’hier. Les Grecs reconnaissaient la beauté ou la laideur d’une statue à ses attributs. C’est ainsi que l’on voyait dans le phallus démesuré du dieu Priape, l’incarnation de sa hideur et dans celui de son père, Dionysos, dieu de la vigne, le symbole de ses excès. La beauté peut être crue, surtout dans le nu.
Au Moyen Âge, le corps devient l’allégorie de la Chute, de la mortalité, donc du péché. On représente des hommes et des femmes le sexe en feu, dévoré par des bêtes en Enfer. La nudité est associée à la faute et plus largement encore. « Dans certaines des scènes de la broderie de Bayeux, des attributs masculins sont dressés. Et donc, ça évoque une scène de viol. Une scène de viol métaphorique. Celle du viol du serment du roi Harold d’Angleterre [qui] avait promis à Guillaume le Conquérant, alliance et succession », raconte l’historien médiéviste Jacques Rossiaud à Rue89. À la Renaissance, le corps devient un moyen de peindre la beauté, c’est-à-dire une certaine idée de l’harmonie anatomique et géométrique, où peut se refléter l’œuvre du divin. Ce, avant que la Réforme vienne apposer des caches sur ce qu’on ne saurait voir.

Le sexe reste fantasmé, donc dérobé, désiré et idéalisé jusqu’à l’avènement du Réalisme. La littérature érotique et libertine est passée par là. Soudain, l’artiste dit des mots avec son pinceau. Plus de mythologie ni de religion. Le corps devient expression et avec lui donc, provocation. Les termes que l’on y devine font rugir et rougir. Y compris de nos jours. Mais qui sait vraiment ce qui se cache derrière ces mots à l’origine du monde ?
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● Une épée dans le « vagin »
Du latin classique vagina, le mot désigne à l’origine la gaine, le fourreau où était enfermée l’épée. Plus généralement entendu dans le sens d’étui, précise Le Trésor de la langue française, il fait son apparition au XVIIe siècle pour désigner « l’entrée du vagin ».
C’est ainsi que certains auteurs, tel Shakespeare dans Les Joyeuses Commères de Windsor, s’amusèrent du double sens du « fourreau » et que les lecteurs purent lire jusque dans la première moitié du XVIIIe siècle, au mot « gladius », soit « épée », la définition suivante : « l’épée à la main, educere e vagina », ce que l’on peut traduire par « l’épée à la main, conduire hors du vagin », Le Dictionnaire latin-françois à l’usage de monseigneur le Dauphin qui renferme les mots des auteurs latins, sacrés et profanes.

● Du sein à « l’uterus »
Du même mot latin, le terme qui désigne aujourd’hui « l’organe creux, musculeux, situé dans la cavité pelvienne de la femme » qualifia originellement le « sein ou ventre de la mère ». Une hésitation pour le moins étrange de la part de nos ancêtres Latins. Mais ne nous arrêtons pas à cette simple définition ! Car si l’uterus a pu aussi être curieusement employé pour parler d’un « flanc d’un bateau », il a surtout été usité pour caractériser « le sein de la terre », c’est-à-dire celui qui est à la source de la vie. D’ailleurs, Le Gaffiot donne pour deuxième sens à uterus : « fruit de la femme, enfant dans le sein de sa mère » et comme troisième signification « ventre, flanc d’un animal ».
● Le « clitoris » de Plutarque
Le petit bouton que l’argot renomma un temps « bonbon » doit son appellation à un mont et plus précisément aux pierres noires qui étaient sur son flanc. Plutarque raconte son histoire dans ses Œuvres morales : « [...] le mont Lilée tire son nom d’un berger naturellement fort superstitieux ; il n’adorait d’autre divinité que la Lune, et célébrait en pleine nuit les mystères de cette déesse. Les autres dieux, irrités du mépris qu’il avait pour eux, envoyèrent contre lui deux énormes lions qui le mirent en pièces et le dévorèrent. La lune changea cet adorateur fidèle en une montagne qui prit son nom. Elle produit une pierre d’une couleur noire , qu’on nomme clytoris. Les habitants du pays la portent comme un ornement. »
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● Le « phallus » de Bacchus
Attesté sous la forme « fallot » au XVIe siècle, le mot est emprunté au latin du même nom, lui-même issu du grec phallos. Il était la « représentation du membre viril que l’on portait dans les fêtes en l’honneur de Bacchus ». Le dieu de la vigne et de la fête ayant un attribut à l’égale de sa démesure. Le « fallot », « membre viril » se transforma à l’aube du XVIIe siècle pour s’orthographier « phalle » avant de prendre sa forme définitive dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
À noter que l’on appela phallus de Hollande, une « sorte de champignon » dans la première moitié du XVIIe siècle.
● Un « pénis » pour peindre
Du même mot latin, le pénis désigna tout d’abord la « queue des quadrupèdes » indique Le Petit Robert. Il fut également employé dans le sens de « brosse à peindre ». Une signification pour le moins étonnante, surtout lorsque l’on sait que le terme latin pouvait déjà être utilisé dans le sens de « membre viril »... Mais après tout, rappelons-nous que le pinceau, issu du latin peniculus, n’est ni plus ni moins qu’un diminutif de... pénis.


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