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Barcelone, victime de son succès touristique, ne veut pas perdre son âme

dimanche 5 juillet 2015

Ils génèrent 14% de la richesse de la ville mais les 27 millions de touristes passant chaque année par Barcelone sont un casse-tête pour la nouvelle maire, Ada Colau, décidée à empêcher la transformation de la cité portuaire en parc d’attractions.

"Tourists go home" : le slogan, sans ambiguité, a fleuri sur les façades des quartiers les plus touristiques de la ville catalane de 1,6 million d’habitants, peinant à absorber cet afflux quasi inexistant avant les jeux Olympiques de 1992.

Aujourd’hui la cité méditerranéenne est devenue la troisième ville la plus visitée d’Europe après Londres et Paris, selon une étude de la société Mastercard datant de 2013.

Avec l’arrivée de l’été les visiteurs se multiplient, s’attroupent dans les ruelles du quartier médiéval et forment des queues interminables devant les bâtiments art nouveau de l’architecte moderniste Antoni Gaudi.
"Barcelone est à la croisée des chemins. Si on ne fait rien, elle pourrait devenir comme Venise d’ici 30 à 40 ans : une ville complètement dédiée au tourisme", avertit Francesc Muñoz, professeur en géographie à l’université autonome de Barcelone.

Cette hyper-spécialisation dans le tourisme est palpable en particulier sur l’avenue emblématique de las Ramblas. Ancien point de rencontre des Barcelonais, la promenade ombragée est à présent envahie de boutiques de souvenirs, d’enseignes à la mode et de restauration rapide.

"Nous sommes en train de perdre son essence. Là où il avait avant des fleurs, il y a aujourd’hui seulement des souvenirs", se lamente Carolina Pallés, travaillant pour le plus ancien fleuriste de las Ramblas, fondé par son bisaïeul en 1888. En face, une pancarte accrochée à un balcon proclame : "Barcelonais, revenez à la Rambla".

"Les clients traditionnels ont renoncé car ils n’ont pas d’espace pour marcher ou déplacer leur chariot de courses", se plaint Xavier Alonso, un poissonnier du marché couvert La Boqueria, dans une rue adjacente, dont le chiffre d’affaires a chuté de 50% en cinq ans.

- Tourismophobie -

Ada Colau, ex-militante antiexpulsions et égérie du mouvement des indignés, veut rendre compatible la vie de ses concitoyens avec le tourisme qui génère 120.000 emplois.
Une cohabitation parfois difficile, comme l’ont prouvé les manifestations d’habitants du quartier populaire de la Barceloneta, coincé entre la plage et le port, contre les excès des jeunes touristes.

"Le boom touristique a été un processus très rapide, sur 25 ans, et la ville ne l’a pas bien absorbé. Ceci a généré une certaine tourismophobie", explique l’expert du secteur Francesc Lopez, ajoutant que la réponse de la mairie a été jusqu’à présent insuffisante.

La première mesure annoncée jeudi par Ada Colau a été le gel pour un an de l’attribution de nouvelles licences hôtelières. Elle touche une trentaine de projets, dont la transformation de la tour Agbar, un des gratte-ciel les plus connus de Barcelone, en un hôtel cinq étoiles de la chaîne américaine Hyatt.

Le fonds d’investissement catalan Emin Capital a déjà investi 150 millions d’euros.

"Barcelone est une référence mondiale en matière de tourisme. Tous les investisseurs veulent venir ici, mais si on crée une insécurité juridique, ils iront ailleurs", avertit son président Jordi Badia.

La ville compte 600 hôtels avec 74.000 chambres et près de 9.600 appartements touristiques déclarés. Mais c’est sans compter ceux loués illégalement
Selon une étude de la fédération patronale hôtelière Exceltur, le nombre de places proposées via des plateformes comme Airbnb dépasserait les 137.000 et beaucoup y voient la cause principale de saturation touristique.

Le président d’Apartur, l’association d’appartements touristiques de Barcelone, Enrique Alcantara, assure au contraire qu’ils contribuent à "redistribuer les bénéfices du tourisme" en logeant des voyageurs dans des zones moins touristiques.

Les négociations pour parvenir à soulager les quartiers saturés s’annoncent longues mais sont nécessaires. "Barcelone est actuellement une icône touristique mondiale. Mais si les problèmes persistent, ils pourraient porter atteinte à son image et finir par nuire au tourisme", estime Francesc Lopez.


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