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À quelle partie de dominos jouent Jovenel Moïse et Jean-Henry Céant ?

samedi 8 décembre 2018 par Charles

Editorial -

On n’avait jamais cru que l’affrontement allait si vite s’étaler sur la place publique et entraver la bonne marche des affaires de l’État. Jovenel Moïse et Jean-Henry Céant, président et premier ministre qui n’arrivent pas à se faire confiance, jouent une partie de dominos tragique dont l’enjeu est l’avenir du pays, le nôtre, de celui de nos enfants.
Après s’être séparé à contrecœur de son premier ministre Jack Guy Lafontant, le président Jovenel Moïse ne peut choisir son remplaçant comme il le souhaite et hérite de Céant. Tout commence mal dès les semaines qui suivent la nomination du premier ministre. Le président ne demande pas à ses troupes de le soutenir à fond. Céant n’a pas la confiance totale du président. Le soutien est mou. Il a fallu que le premier ministre désigné menace de démissionner quand on veut lui imposer un ministre pour que la mécanique de la ratification se mette en route. Le secteur privé pousse Jovenel Moïse dans ses derniers retranchements, Céant passe avec une très forte majorité, mais avec un cabinet ministériel où il ne pèse guère. Ceux qui croient alors que tout va bien vont vite découvrir que la crise ne fait que commencer.
Quand les manifestations du 17 octobre, du 18 novembre et la grève générale qui s’en suit, ébranlent la chaise de Jovenel Moïse, pour la communauté internationale, le premier ministre tout neuf apparaît comme une alternative viable. Commence à prendre forme l’idée que le président recule, pour faire place à un fusible. Jovenel Moïse se sent alors comme attaqué dans son mandant et il se met à jouer des tours pendables à son premier ministre. Ce sera le discours fait et refait avec deux textes diamétralement opposés. Puis le coup de grâce de la nomination « anbachal » d’un négociateur bis pour doubler le premier ministre qu’il vient de nommer solennellement médiateur. Jovenel avait assigné un beau rôle à Jean-Henry Céant, mais devant les capacités de son PM à rencontrer tous les secteurs, dont ceux qui demandent le départ du chef de l’État, le premier mandataire de la nation se ravise et envoie sur le terrain une équipe de choc dirigée par Gabriel Fortuné. Céant le prend comme un coup de couteau dans le dos. Encore une fois, il pense à claquer la porte.
Jovenel Moïse et Jean-Henry Céant qui n’arrivent pas à se faire une place dans le petit lit de l’exécutif seraient un simple jeu de politiciens sans grande conséquence si le pays marchait bien. Non. Tout va mal. Tout se détériore pendant que les acteurs des premiers rôles jouent à colin-maillard et à la roulette russe. Le dollar s’échange à plus de 77 gourdes ce 7 décembre 2018. Le budget national ne peut toujours pas être présenté. Il n’y a aucune stratégie pour stopper les hémorragies qui dévastent le Trésor public, pendant que le déficit budgétaire est devenu notre premier bailleur de fonds. L’insécurité prend chaque jour un peu plus d’ampleur et étend ses ramifications. Aucun dossier sérieux ne peut être traité dans la sérénité tant les ministres ne savent pas s’ils le seront encore dans l’heure qui suit ou demain matin. Le navire coule, mais les deux chefs de l’exécutif se chamaillent sur la couleur de leur cravate ou s’il faut se coiffer ou pas avant de monter sur le pont.
Depuis la nomination du premier premier ministre de l’ère de la Constitution de 1987, Martial Célestin par Leslie Manigat, il est connu de tous que le chef du gouvernement doit avoir la confiance du président. Toute sa confiance et rester dans son ombre. Il en est ainsi, sauf quand le président est en faiblesse ou a un déficit de légitimité comme ce fut le cas pour Joseph Nérette-Jean Jacques Honorat, Jean-Bertrand Aristide-Robert Malval, Boniface Alexandre-Gérard Latortue, Michel Martelly-Laurent Lamothe, Michel Martelly-Evans Paul.
Certains estiment, après les émeutes de juillet, la chute de Jack Guy Lafontant et les manifestations et les grèves du quatrième trimestre de cette année, que Jovenel Moïse est affaibli. Ils ont vu en Jean-Henry Céant un possible premier ministre fort. Un chef de l’exécutif de substitution. Cela ne semble pas être la lecture du président de la République ni celle de ses alliés qui veulent garder le contrôle sur les leviers de l’Etat. Et force est de constater que le président, pour servir de doublure, doit le vouloir, l’accepter, s’y conformer. Personne ne peut l’y forcer, sauf sa lecture des circonstances. Jovenel Moïse, pour le moment, se croit fort et Jean-Henry Céant se croit indispensable pour le sauver. D’où cette partie de dominos improbable avec des « mi » imbuvables.
Avec deux joueurs qui n’ont pas toutes les pièces en main, le pays est sur pilotage automatique. On continue d’avancer mais personne ne peut certifier que le cap est le bon.

Frantz Duval
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