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Procès du « bébé dans le coffre » : Séréna était juste « maintenue en vie »

mardi 13 novembre 2018 par Charles

Elle a d’abord accepté caméras et photographes, presque impassible face à la nuée de journalistes et de curieux qui l’attendaient à son arrivée ce lundi après-midi au palais de justice de Tulle (Corrèze). Mais dès l’évocation des faits par la cour d’assises, elle s’est peu à peu recroquevillée sur elle-même, cachant ses pleurs silencieux derrière sa main et sa chevelure noire. Comme si elle voulait, elle aussi, disparaître aux yeux de tous.
« Aujourd’hui, c’est très dur d’être confrontée à la réalité, au mal que je lui ai fait… », admet d’emblée Rosa-Maria Da Cruz, jugée jusqu’à vendredi pour une inconcevable dissimulation, celle de sa fille Séréna, née clandestinement en 2011 et qui a vécu les deux premières années de sa vie principalement dans le coffre de la voiture familiale. Des carences aux conséquences tragiques pour la fillette qui, à presque sept ans, ne parle pas et présente des séquelles irréversibles.

« Vous avez besoin de la lecture des charges pour réaliser l’impact de vos actes ? », s’étonne pourtant le président de la cour d’assises, lui rappelant que « les faits n’ont pas changé depuis cinq ans », depuis ce 25 octobre 2013, lorsque deux employés d’un garage avaient découvert la petite, baignant nue dans ses excréments, rachitique, désarticulée et à court d’air, dans une odeur nauséabonde. Un coffre toutefois qualifié de « lieu de vie » par le directeur d’enquête, du fait de la condensation due à la respiration de l’enfant - « il y avait plusieurs millimètres d’eau » - et de cette installation insalubre, ces « couches successives de couvertures et de sacs plastiques collés entre eux par la crasse » où s’est développée une véritable « faune » : « larves, mouches, asticots… », énumère-t-il, provoquant la nausée dans le public.
« On était heureux jusqu’à ce que Séréna naisse »
Revenant brièvement sur son parcours, Rosa-Maria Da Cruz évoque pourtant une existence jusque-là « normale » avec son compagnon et ses trois autres enfants, alors âgés de 4 à 10 ans et normalement scolarisés à Brignac-la-Plaine, un petit village de 900 habitants aux confins de la Corrèze et de la Dordogne. « On était heureux », dit-elle, avant de préciser : « jusqu’à ce que Séréna naisse ». « Jusqu’à ce qu’elle ait été découverte, plutôt ? », rectifie le président, pointant l’enjeu de ce procès, et cette confusion entre « naissance sociale au monde et naissance physique ».
Que représentait Serena aux yeux de sa mère ? Était-elle ce « bébé » dont elle a accouché seule, à l’aube, et qu’elle ne voulait pas abandonner, comme elle l’a raconté lors de sa garde à vue ou cette « chose » issue d’un déni de grossesse qu’il fallait « maintenir en vie », comme elle l’expliquera plus tard ? « C’était particulier, ambivalent », se souvient l’enquêtrice de gendarmerie qui l’a longuement auditionnée après les faits, soulignant, déjà, l’existence de contradictions dans son discours. « Tous les jours, elle espérait qu’on découvre son enfant, et tous les jours, elle la cachait un peu plus… », détaille-t-elle. « Par moments, on avait l’impression qu’elle avait senti l’enfant au huitième mois de grossesse. A d’autres, elle disait n’avoir compris que rétrospectivement, à la naissance, qu’elle avait eu des signes. »
L’enquêtrice reste également troublée par le comportement de cette mère, accusée du pire, mais capable de détailler son accouchement, de donner l’heure exacte et le jour, et jusqu’au type de ciseaux avec lesquels elle a coupé le cordon. « Semblait-elle avoir une forme d’affection en parlant de sa fille ? », lui demande Me Rodolphe Costantino, avocat de l’association Enfance et Partage. « Elle disait la prendre dans ses bras, l’appeler par son prénom, lui donner des peluches et des jouets ». « Avait-elle l’image d’une maman ? », poursuit le pénaliste. Réponse embarrassée de l’enquêtrice : « Disons qu’on est tous d’accord pour dire qu’elle l’a maintenue en vie… »


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