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Obama-Biden : je t’aime, un peu, beaucoup... bientôt à la folie ?

vendredi 21 août 2020 par Charles

Après lui avoir préféré Clinton en 2016 et s’être peu impliqué, du moins publiquement, dans la campagne cette année, l’ex-président se mobilise pour Biden. De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière

Barack Obama n’a pas fait dans la demi-mesure. Il a prononcé ce mercredi à la convention démocrate un éloge très appuyé de Joe Biden. « Il y a 12 ans quand j’ai commencé à chercher un vice-président, je ne savais pas que c’est un frère que j’allais trouver. Ce que j’admire chez lui, a-t-il dit, c’est sa ténacité, son empathie, sa décence, le fait qu’il traite tous les gens qu’il rencontre avec respect et dignité. » Avant d’insister sur le fait qu’il avait été un partenaire de confiance et fiable. Une manière de rassurer les électeurs hésitants. « Il a fait de moi un meilleur président et il a le caractère et l’expérience nécessaires pour faire de nous un meilleur pays. » Lundi, Michelle, sa femme, avait elle aussi dans son discours vanté ses mérites. « Joe n’est pas parfait et il sera le premier à vous le dire. Mais il n’y a pas de candidat parfait », a expliqué l’ex-première dame. Je connais Joe. C’est un homme profondément décent, guidé par sa foi. Il a été un vice-président formidable. »

De quoi mettre du baume au cœur des pro-Biden, qui trouvaient que depuis le début de la campagne Barack Obama était resté un peu trop silencieux. Les deux hommes se disent pourtant très proches. Rappelez-vous, pendant leur séjour à la Maison-Blanche, les innombrables images les montrant comme deux bons potes en train de rire, de s’embrasser, de manger une glace ensemble… Leur relation avait commencé du mauvais pied. Tout les séparait : leur âge, leur parcours, leur tempérament… Dès le début, la jeune équipe de la Maison-Blanche est exaspérée par les gaffes, les monologues interminables, le côté vieux politicard du vice-président. Lui supporte mal le processus de décision extrêmement lent d’Obama. « Il pesait le pour et le contre jusqu’à l’excès », écrit-il dans son livre, Promise Me, Dad. Il le trouve aussi arrogant et peu arrangeant quand il essaye de négocier avec le Congrès. Mais au fil du temps, les deux hommes apprennent à se connaître, à s’apprécier, et développent une camaraderie qui va se muer en amitié profonde – du quasi jamais-vu dans l’Histoire américaine – au moment de la mort de Beau, le fils de Joe Biden.

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Plus d’Hillary que de Joe
En 2016 cependant, la relation se complique lorsque ce dernier envisage de se présenter à la présidentielle face à Hillary Clinton. Barack Obama, au cours de leur déjeuner hebdomadaire, essaye discrètement de le dissuader. Il fait même venir un de ses stratèges qui démontre, données à l’appui, que Biden n’a aucune chance de gagner les primaires. L’aspirant candidat pige le message peu subtil. « Le président n’était pas encourageant », note-t-il dans son livre.

Est-ce parce que Barack Obama se sent plus proche d’Hillary Clinton, comme lui une intellectuelle, qui connaît les dossiers sur le bout des doigts et est très disciplinée ? « Peut-être qu’il a vu en Clinton son vrai successeur, celle qui confirmerait la révolution qu’il avait amorcée en politique : le premier président noir passant le bâton à la première femme présidente. Biden après tout, malgré ses nombreuses vertus, ne serait qu’un autre mâle blanc en quête du Bureau ovale », écrit Steven Levingston, auteur de Barack et Joe : l’histoire d’un partenariat extraordinaire.

L’entourage d’Obama essaye d’excuser le pied de nez du président en le présentant comme un acte de compassion. Le fils de Biden venait de mourir à 46 ans d’un cancer et Joe était trop mal en point pour se lancer dans une campagne présidentielle épuisante. Mais, en réalité, Barack Obama avait déjà choisi son successeur bien avant le décès de Beau. Sans la bénédiction du président, idole des démocrates, il ne reste plus à Joe Biden qu’à s’incliner, la mort dans l’âme. « Il a montré une loyauté à toute épreuve, je pense, et a défendu et a pris fait et cause pour Obama, même quand il n’était probablement pas d’accord avec ce qu’il faisait », déclare dans une interview au magazine Politico Leon Panetta, l’ancien secrétaire à la Défense. « D’une certaine façon, il a ressenti maintes fois que sa loyauté n’était pas récompensée. »

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Soutien mou
Quatre ans plus tard, Barack Obama, de nouveau, ne semble pas manifester un grand enthousiasme à l’idée d’une candidature Biden. En janvier 2019, lors d’une conférence à Hawaï, il affirme que la politique a besoin de « sang neuf ». Comme il est de rigueur pour un ancien président, il n’apporte son soutien à aucun candidat pendant les primaires. Cela ne l’empêche pas d’en recevoir plusieurs et de leur offrir ses conseils. En coulisses pourtant, il s’active davantage. Il pousse Biden à rajeunir ses conseillers, il organise à son bureau un briefing sur la stratégie de com et numérique de la campagne…

Mais les tensions entre les deux camps sont palpables. Nombre de membres de l’équipe Obama choisissent de rester en retrait ou vont travailler pour des candidats rivaux. David Axelrod et David Plouffe, les deux architectes de la victoire de Barack Obama, écrivent une tribune jugée condescendante dans le New York Times, intitulée « Ce que Joe Biden doit faire pour vaincre Trump ».

La réserve de son ancien patron est d’autant plus marquante que Joe Biden, lui, ne cesse dans tous les meetings électoraux d’invoquer leur lien très fort, parle des succès de « leur » administration et se présente comme son héritier. Juste après l’annonce de sa candidature, il diffuse une pub où l’on voit Barack Obama vanter ses mérites. « C’est un homme extraordinaire avec une carrière extraordinaire dans la fonction publique », clame-t-il. Qu’importe si ces louanges datent de 2017, lors d’une cérémonie de remise d’une décoration à Biden. Lors de la Journée nationale du « meilleur ami », en juin 2019, Joe poste sur Twitter une photo de deux bracelets avec le nom de Barack et de Joe, comme ceux que portent les petites filles, et la légende : « Bon #BestFriendsDay à mon ami @BarackObama. »

Obama, lui, répond par un silence assourdissant. Et David Axelrod se fend d’un tweet moqueur : « C’est une blague, n’est-ce pas ? »

Quand, finalement, la victoire de son ancien colistier aux primaires ne fait plus de doute, l’ex-président enregistre un message de soutien. « Je crois que Joe a toutes les qualités nécessaires pour être président aujourd’hui. » Le camp Biden grommelle que son communiqué il y a quatre ans lors de la victoire d’Hillary Clinton était plus élogieux : « Je ne crois pas qu’il n’y ait jamais eu quelqu’un d’aussi qualifié pour ce poste », avait déclaré Barack Obama à l’époque.

Obama peut-il faire de l’ombre à Biden ?
Depuis, il a participé à quelques galas virtuels de collecte de fonds. Il a filmé aussi une vidéo où il discute à bâtons rompus avec Joe de la gestion calamiteuse de Donald Trump, de l’économie, des brutalités policières… Le but est évidemment de montrer qu’une administration Biden serait bien plus compétente.

Après le discours à la convention où il a fustigé une nouvelle fois Donald Trump, Barack Obama va probablement s’impliquer davantage. Avec un risque : en se montrant trop, il peut faire de l’ombre à son ex-numéro deux. ll n’y a qu’à voir le traitement de star qu’a reçu le couple Obama à la convention. « Le fait de limiter ses interventions et ses apparitions est délibéré et judicieux. Plus il parle, plus il rappelle aux gens qu’il est un meilleur orateur que Biden », estime Michael Cornfield, spécialiste de sciences politiques à l’université George-Washington.

Il reste juste à l’ancien vice-président à gagner les élections, histoire de prouver à Obama que ce dernier a eu tort de ne pas parier sur lui il y a quatre ans.


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