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Affaire Khashoggi : le grand pardon pour « MBS » ?

jeudi 13 décembre 2018 par Charles

Si, avec Trump et d’autres chefs d’Etat, le prince saoudien ne manque pas d’alliés, nombreux sont ceux qui doutent de la pertinence de ce soutien, explique, dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».

Chronique. Mohammed Ben Salman est pardonné. L’« affaire Khashoggi » serait promise à l’oubli, bientôt engloutie dans les eaux sombres du Bosphore ? La CIA accuse pourtant le prince héritier d’Arabie saoudite d’avoir été le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Paisible dissident saoudien résidant aux Etats-Unis, ex-proche de la cour des Saoud, Khashoggi a été tué le 2 octobre à Istanbul par un gang tout juste débarqué de Riyad. Le président de la commission des affaires étrangères du Sénat américain, Bob Corker, républicain pondéré, observe : « Tout désigne le prince héritier. »
Mais la realpolitik commanderait, au nom de la stabilité du Moyen-Orient, de ranger ce regrettable incident au rang des inévitables bavures de la vie internationale. Le dernier et préféré des fils du roi Salman, 82 ans, a prouvé qu’il était l’homme fort du royaume. Agé de 33 ans, il serait destiné à régner au plus vite et pour un demi-siècle. Autant s’y faire, il est « too big to fail », disent les experts – trop important pour être mis en danger. Qui plus est, il n’y aurait pas d’alternative : « MBS » a fait le ménage dans la maison des Saoud. En deux ans, il a assuré son pouvoir, économique et politique, comme le raconte fort bien Christine Ockrent dans son dernier livre (Le Prince mystère de l’Arabie, Robert Laffont, 288 p., 20 euros).
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Le Moyen-Orient est suffisamment chaotique pour qu’on ne favorise pas, en plus, une guerre de succession en Arabie saoudite. Elément important, « MBS » a séduit Donald Trump. Contrairement à Barack Obama, le président américain entend redonner aux Saoudiens les premiers rôles dans la politique moyen-orientale des Etats-Unis : être le pivot du monde arabe sunnite face à l’Iran ; faire accepter aux Palestiniens le futur plan de paix de Jared Kushner, « M. Gendre » à la Maison Blanche ; maintenir la pression sur le prix du baril de pétrole.
« Un allié vraiment spectaculaire »
On n’accusera pas Trump d’hypocrisie. Les Etats-Unis ont noué en 1945 une relation-clé avec le pouvoir saoudien. Et, comme le rappelle l’expert américain Thomas W. Lippman, « ils n’ont jamais subordonné leur politique saoudienne ni à la question des droits de l’homme [dans le royaume] ni au sort d’un individu ». A l’aune de ces considérations, le crime d’Istanbul ne pèse guère – même s’il a été commis par certains proches de « MBS ». Avec l’élégance qui le caractérise, Trump a aussi fait valoir, en surgonflant les chiffres, que Riyad, par ses commandes, soutenait l’emploi dans les industries de la défense aux Etats-Unis.


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