MosaikHub Magazine

Moise Jean-Charles assume, c’est un « acte politique calculé et mesuré »

mardi 13 novembre 2018 par Charles

L’ancien sénateur Moïse Jean-Charles assume la montée du drapeau noir et rouge à Vertières le week-end écoulé. Il n’y a pas de hasard dans l’acte posé par le secrétaire général de la plateforme Pitit Dessalines.

National -
« Ce n’est pas une petite décision. C’est un acte politique calculé et mesuré », a-t-il déclaré lundi sur les ondes de Radio Magik 9. Moïse Jean-Charles affirme envoyer un signal pour dire qu’on « n’en peut plus ». « Ce geste sonne la fin du mandat de Jovenel Moïse », a-t-il souligné. Moïse Jean-Charles confirme qu’il s’est déjà entretenu avec l’homme d’affaires Bernard Craan à qui il a demandé de s’adresser aux autres « bourgeois » en vue de pousser Jovenel Moïse à la démission. En cas de refus, ce mouvement les emportera aussi, prévient Moïse Jean-Charles.
Le drapeau noir et rouge hissé le week-end écoulé à Vertières est celui de Jean Jacques Dessalines, explique l’ancien sénateur. Il déplore que, depuis l’assassinat de l’empereur, on « nous a donné le drapeau de Pétion et de Boyer, symbole d’un État de misère, de violation des droits économiques et sociales de la population ». Cet État touche à sa fin, croit le secrétaire général de la Plateforme Pitit Dessalines.

Élu trois fois maire de Milot et une fois sénateur, Moïse Jean-Charles témoigne n’avoir jamais accepté le drapeau bleu et rouge. « Nous n’avions pas la force politique pour imposer le drapeau noir et rouge », souligne-t-il. Désormais, après ce qui s’est passé samedi au Cap-Haïtien, le drapeau noir et rouge va être imposé dans tout le pays, annonce-t-il. Moïse Jean-Charles croit qu’il est temps d’instaurer « l’État dessalinien » qui, précise-t-il, sera un État de service, un État qui est contre la corruption et sensible par rapport aux problèmes des masses populaires. « Ce sera un État solidaire qui mise sur d’autres formes de coopération, qui accorde la priorité à la production nationale et la gestion des ressources naturelles du pays aux nationaux. C’est un État qui se donnera les moyens en vue d’assurer son autodétermination », avance-t-il.
Moïse Jean-Charles rejette toute association de son geste avec le duvaliérisme. « Dessalines n’a jamais été un dictateur. Il a toujours été en faveur du respect des droits des gens. Il a toujours prôné l’égalité entre les hommes », répond l’ancien sénateur. Il pense que c’est « méchant » d’associer son geste au retour du duvaliérisme.
« Je pense que c’est un acte de hardiesse que vient de poser Moise Jean- Charles. Il peut avoir des griefs contre le président Jovenel Moïse, mais ça ne remet pas en cause le drapeau national », a déclaré, de son côté, l’historien Georges Michel. Le drapeau bleu et rouge représente la lutte du peuple haïtien pendant vingt- deux ans contre la dictature des Duvalier, affirme l’historien, indiquant que le drapeau noir et rouge de Dessalines était un drapeau colonial et qu’il rappelle aussi la période dictatoriale.

L’acte posé par Moïse Jean-Charles peut lui coûter « politiquement assez cher ». Il a aussi fait savoir que Dessalines n’est pas la « propriété exclusive » de Moïse Jean Charles. « En tant que père de la nation, il appartient à nous tous », rappelle-t-il.
Moïse Jean-Charles se permet tous les coups pour renverser Jovenel Moïse
« Soyons clairs : l’acte est illégal et inconstitutionnel et ne peut être justifié par une considération politique d’opposition au pouvoir », a confié au journal le leader de UNiR, Jean Clarens Renois. « Sauf qu’il faut le prendre dans le contexte de crise conjoncturelle et structurelle nationale. L’État n’existe pas. Il est méprisé, absent, contesté et impuissant. L’État est dans une situation de délitement inquiétant », a estimé Clarens Renois. « Ce que nous proposons à UNIR, c’est de convoquer au plus vite un dialogue entre toutes les forces pour repenser, refonder la nation à travers un processus inclusif. Il faut agir vite et agir ensemble. Sinon, d’autres viendront diriger à notre place », a prévenu Clarens Renois.
« Hisser un autre drapeau sur le sol haïtien rentre dans un plan de désobéissance civile qui exige une autre forme de lutte dépassée depuis belle lurette. En tant que social démocrate, je considère que c’est un acte incivique. Je le condamne. Les pouvoirs publics sont faibles et incapables de contrer de tels actes malheureusement. Ce qui, une fois de plus, confirme notre situation d’État failli », a confié au journal l’ex-sénatrice Edmonde Supplice Beauzile, candidate à la présidence et numéro un de la Fusion des sociaux-démocrates. « Moïse a utilisé l’effigie de l’empereur Dessalines comme emblème pour sa plateforme politique lors des dernières élections. Aucune instance de l’État, aucune institution politique, n’a jugé bon de déclarer cet acte anticonstitutionnel », a observé Edmonde Supplice Beauzile.
Pour le secteur démocratique et populaire, ce qui compte aujourd’hui, c’est la grande journée nationale de mobilisation du 18 novembre 2018, pour : 1) la réalisation du PROCÈS PETROCARIBE ; 2) la démission du président Jovenel Moïse qui est le principal obstacle à l’aboutissement du procès PetroCaribe 3) L’organisation de la Conférence nationale haïtienne souveraine avec la participation de tous sans distinction aucune pour jeter les bases de l’émergence d’un nouveau projet de société.« Nous demandons à toutes les couches sociales confondues de se concentrer pour faire de cette journée de mobilisation nationale un succès patriotique et populaire. Toutes les autres questions symboliques et de fond seront débattues à la Conférence nationale souveraine », a estimé Me André Michel. Drapeau noir et rouge !
« Et les princes d’Haiti n’écoutent pas...Ils peuvent même se passer de conseils et de conseillers. Le dialogue national est un impératif. L’action de Moïse Jean- Charles à Vertières s’inscrit dans la dynamique de démembrement de l’ordre républicain et de dépérissement de l’État à l’oeuvre depuis 2001 », a posté le journaliste et intellectuel Daly Valet qui un temps avait cheminé aux côtés de Moïse Jean-Charles dans un poste sur sa page Facebook titré Drapeau noir et rouge !.
« Le Nord nous a historiquement habitués à de tels actes "sécessionnistes" et de rejet du principe de l’État unitaire. Si Moïse se réclame de l’idéal dessalinien, c’est cohérent qu’il revendique et s’approprie le drapeau noir et rouge. Qu’il ait pu hisser ce drapeau dans un espace public, c’est de la pure subversion qui remet en cause l’autorité politique du pays et les fondations institutionnelles et constitutionnelle sur lesquelles cette autorité repose et se légitime », a estimé Daly Valet.
« Ceux qui ne comprennent rien à rien interprètent l’action du leader de Pitit Dessalines sous l’angle minimaliste du droit. Ceux qui font l’effort de poser la problématique dans toute sa complexité savent que toute entreprise symbolique de subversion contre l’ordre établi est avant tout un acte politique qui se veut une négation de l’ordre juridique officiel », a écrit Daly Valet.
« Nous ne sommes point à une nouvelle phase révolutionnaire ou prérévolutionnaire de notre histoire. Nous sommes plutôt dans l’indéfini dangereux d’un long moment d’anarchie généralisée, signe distinctif et trait marquant d’un État failli à l’article de la mort. Drapeau dessalinien hissé ou pas », a souligné Daly Valet.
De son côté, le conseiller spécial du président de la République, Guichard Doré, a qualifié cet acte d’incivisme.
« C’est un acte extrêmement grave. Cela nous montre l’incivisme de l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles, ancien conseiller de président, ancien candidat à la présidence », a tancé Guichard Doré, conseiller spécial du chef de l’État. Il a souligné, dans une interview lundi au Nouvelliste, que le drapeau bleu et rouge est le drapeau républicain, symbole de l’union de tous les groupes sociaux.
« Cet acte de l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles montre qu’il ne croit ni dans l’unité nationale ni dans l’intégrité du territoire national. Il est contre la République. Le drapeau, c’est le symbole de l’État haïtien, un symbole de notre souveraineté… », a rappelé le conseiller de Jovenel Moïse.

Roberson Alphonse, Robenson Geffrard, Danio Darius
Auteur


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie