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Si Dessalines savait…

jeudi 18 octobre 2018 par Charles

Editorial -

Si Dessalines avait su qu’il n’y aurait pas de drap pour recouvrir son cadavre, quel aurait été son comportement pendant ses deux années à la tête du pays ?

Nos chefs savent qu’il n’y a pas toujours de draps pour envelopper tous nos morts. Pourquoi ils ne se mettent pas au travail avec plus d’entrain ?
Chaque homme et femme politique en Haïti sait que le drap national ne peut pas couvrir la tête et les pieds de tous ceux qui dorment à la belle étoile. Pourquoi perdons-nous autant de temps dans de vaines querelles ?
Dommage.
Depuis 1804, nous n’avons pas pris la mesure de nos limites ni celle de nos obligations. Nous vivons dans l’espoir chimérique que nos prédécesseurs n’étaient pas à la hauteur et que nous serons meilleurs que ceux que nous voulons remplacer.
C’est rarement le cas. Les moyens et l’intelligence font défaut aux forgerons de notre destin.
Deux cent quatorze ans plus tard, quel que soit le déroulement des jours et mois à venir, nous sommes devant une succession de crises qui se chevauchent. Une crise de confiance, une crise morale. Une crise sécuritaire. Une crise politique. Une crise économique.
L’argent de PetroCaribe dont on demande des comptes a été dépensé entre 2008 et 2018. Il représente trois fois la dette laissée en héritage au pays au départ du régime des Duvalier et les réalisations sont moins visibles que du temps des Duvalier. La mauvaise utilisation du fonds PetroCaribe plonge le pays depuis des mois dans une crise économique sans nom. Comme la cigale, l’Haïti de PetroCaribe a chanté au lieu de travailler.
La crise est politique. Les institutions haïtiennes (l’exécutif, le législatif, le judiciaire, les partis politiques, les institutions de contrôle et compagnie) ne sont pas en mesure de donner des réponses adéquates aux questions de l’heure. Elles se noient dans le bassin de la corruption et des compromissions. On ne peut même pas leur faire confiance pour un audit, un procès ou un changement de Constitution.
À voir les clôtures qui s’élèvent partout, les demandes pour les armes et les munitions qui flambent, les précautions des uns et des autres, les démarches du président pour s’acheter les bonnes grâces des gens d’armes, on comprend que la peur s’étale. La crise sécuritaire est palpable.
Une crise morale nous ronge. La société haïtienne a de moins en moins de voix capables de s’élever pour dire halte-là ou pour indiquer la route à prendre. Nos pasteurs, nos prêtres, nos penseurs, nos bergers délaissent les brebis. Le peuple constate, découvre, subit chaque jour les mauvais exemples des porteurs de lumière. Chacun cherche à sauver sa patate.
La crise de confiance est sans pareille. Le déficit de crédibilité se creuse chaque jour un peu plus. On ne peut pas construire un pays dans de telles conditions. Avant de partir pour de nouvelles aventures ou continuer à croire que le chemin pris est le bon, n’est-il pas temps de faire une pause et de réfléchir à la suite ?
En 1804, Dessalines ne savait pas qu’il n’y aurait pas de drap pour recouvrir son cadavre. En 2018, nous savons très bien que nous ne travaillons pas pour tisser le drap national ni pour édifier un pays meilleur.
Et pourtant, nous continuons à creuser notre propre tombe au prétexte que nous cherchons un trésor.

Frantz Duval
Auteur


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