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Les armes chantent à Carriès, la peur s’installe

dimanche 7 octobre 2018 par Charles

La joie de vivre a fui Carriès, bourg de la commune de l’Arcahaie, à cause des rafales d’armes diurnes et nocturnes et des incursions dans les propriétés d’hommes armés de machettes, d’armes lourdes à la solde de Wilguer Saintélia, un monsieur qui affirme être le propriétaire de tous les terrains de Carriès, selon les dires de la mairesse de l’Arcahaie, Rosemila Petit-Frère.

National -

Carriès se trouve sur la route nationale numéro 1, entre Troufoban et une carrière de sable. Le dos à la montagne et les pieds à la mer, ce quartier au paysage de carte postale abrite des gens humbles, une belle concentration d’hôtels de plage et des maisons huppées. Sur cette partie de la Côte-des-Arcadins, les reflets argentés de la mer, l’horizon orangé au coucher du soleil ne font plus partie de l’actualité des gens. Ils vivent un véritable cauchemar depuis un certain temps à cause des détonations d’armes et des incursions d’hommes armés de machettes, d’armes lourdes.
Ces envahisseurs sont à la solde de Wilguer Saintélia, un monsieur qui affirme être le propriétaire de tous les terrains de Carriès, a confirmé au journal, le vendredi 5 octobre 2018, la mairesse de l’Arcahaie, Rosemila Petit-Frère. Le sieur Wilguer Saintélia dit avoir gagné un procès contre l’État haïtien. Il affirme être le propriétaire des terrains sur lesquels sont construites plusieurs hôtels de plage, dont Wahoo Bay, Wanga Bay et même la plage publique, a poursuivi l’édile de la cité du drapeau, scandalisée par les agissements de ces hommes armés, parmi eux des policiers, qui harcèlent et terrorisent la population.
« J’ai appelé la DGI. Elle a dit que c’est à moi de résoudre le problème. J’ai appelé sans succès le commissaire du gouvernement. C’est le DCPA qui, quand j’appelle, envoie des policiers pour secourir la population. Je ne peux rien faire. Il y a des gens qui habitent ces espaces depuis trente ans. Ce sont des terres appartenant à l’État », a longuement expliqué Rosemila Petit-Frère, prostrée, incapable, à son niveau, de trouver une solution à ce problème d’insécurité foncière, d’insécurité ordinaire aux impacts incalculables pour les résidents, les opérateurs touristiques et plus largement les usagers de cette route stratégique dans le transport de biens et de personnes.
« Je suis dépassée par les événements. Ces individus sont lourdement armés. Ils se cachent dans les mornes. Ils ont déjà incendié des maisons appartenant aux membres de la population », a poursuivi la mairesse de l’Arcahaie, Rosemila Petit-Frère, qui écrase un regret. Elle avait recommandé depuis un certains temps aux occupants des terrains appartenant au domaine privé de l’Etat de payer des impôts pour formaliser leurs rapports avec l’État haïtien. Les conseils du maire n’ont pas été suivis, déplore-t-elle. La situation dure depuis deux ans, mais, ces temps-ci, elle s’est considérablement dégradée, a appris le journal.
« Nous vivons une situation de panique générale. Les riverains ont peur », a confié au journal Jean-Max Bazin, manager général de l’hôtel Wahoo Bay Beach. Son récit, fait de coups de feu sporadiques, de cas de personnes blessées à coups de machette, permet de mesurer le stress qu’il dit être partout. Particulièrement amer vis-à-vis des patrouilles policières qui interviennent et repartent sous prétexte de n’avoir rien vu, Jean-Max Bazin, inquiet, a évoqué, en chiffres, les conséquences de cette situation de tension jeudi soir et vendredi matin, vendredi, sur la fréquentation de l’hôtel. 2 des 26 chambres sont occupées. Aucune réservation en ce début de week-end. Les gens ont peur, a indiqué Jean-Max Bazin.
« C’est une situation désastreuse pour Wahoo Bay et Wanga Bay », a souligné Charles Fombrun, président du conseil régional de la Côte-des-Arcadins qui regroupe six des plus grands hôtels de ce secteur, une zone de destination touristique depuis des décennies. « Nous sommes tous découragés par rapport à cette situation qui ruine tout le monde », a poursuivi Charles Fombrun de Moulins-sur-Mer. Il a souligné que chaque hôtel est confronté à une situation qui est préjudiciable pour les affaires.
Contacté par le journal sur cette situation, le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Clamé Ocname Daméus, a reconnu s’être entretenu avec le chef de la police, Michel Ange-Gédéon, pour que la présence policière soit renforcée dans ce secteur. C’est la première chose à faire, a expliqué le chef de la poursuite, qui dit avoir également instruit des juges de paix de ce ressort d’intervenir, de prendre des déclarations dans le but de lui fournir des informations sur la situation.
Le directeur du domaine de la DGI, Raymond Michel, a expliqué que, selon la loi, le juge doit rendre son jugement sur la base des titres de propriété qui lui sont présentés. Or, ces individus ont des jugements mais pas de titres, a-t-il poursuivi, soulignant que ces individus, sans avoir de titre, affichent « jugement exécuté » sur les murs des maisons de paisibles citoyens et citoyennes. « Le plus souvent, ils disent avoir des jugements contre l’État sans être capable de dire quand le jugement a été rendu », a poursuivi le directeur du domaine, catégorique dans son démenti. C’est faux, ces terres n’appartiennent pas à ces individus qui n’ont pas de titres, a insisté Raymond Michel, interrogé en début de soirée avant que le journal ait eu connaissance d’un regain d’intensité dans l’action des hommes armés. « Je suis à l’hôtel avec mes employés. J’ai entendu beaucoup de coups de feu. Cela s’est calmé un peu avec la pluie », a expliqué Jean Max Bazin.
Le journal a contacté la ministre du Tourisme, Christine Stephenson, qui était au courant que de nouveaux tirs ont été enregistrés à Carriès, vendredi soir. Le ministre de la Justice, le chef de la police, sur instruction du Premier ministre, sont en train de faire le nécessaire. « Il s’agit de pacifier la zone. Il y a des actions sur le long terme à faire. Le problème à Carriès, qui, apparemment est un problème terrien, est en cours de traitement par le ministre de la Justice », a expliqué la ministre du Tourisme soulignant que « des dispositions seront prises avec tous les acteurs concernés pour avoir un dialogue visant à pacifier la zone ».
Le président Jovenel Moïse avait indiqué, lors de la réouverture des tribunaux le 1er octobre, qu’il faut travailler pour résoudre le problème foncier. « Récemment, Mme Odette Roy Fombrun m’a appelé pour me dire qu’elle a reçu un avis de déguerpissement d’une propriété qui lui appartient depuis 80 ans », avait déploré le chef de la nation, indiquant que la dépossession illégale des terres constitue un obstacle sérieux à la paix sociale et au développement économique.
Pour changer la donne, Jovenel Moïse avait fait savoir que son administration travaille sur des textes majeurs, notamment sur le cadastre, pour moderniser le travail des notaires et des arpenteurs. Entre-temps, sur la route nationale numéro 1, à Carriès, un lieu de forte concentration d’hôtels, un lieu de résidence de paisibles citoyens et citoyennes, des hommes armés terrorisent les résidents, la peur s’installe.

Roberson Alphonse
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