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Détournement de franchise, une autre veine ouverte du Trésor public…

mardi 27 mars 2018 par Charles

L’État traîne sa sébile, quémande l’appui budgétaire. Pourtant, en franchise douanière, droits concédés, elle a donné plus de 40 milliards de gourdes ces cinq dernières à des ONG, des missions diplomatiques, quelques entreprises apportant peu de valeur ajoutée et octroyé des miettes à l’agriculture, au tourisme, deux secteurs, clame-t-on, porteur de l’économie.

National -

L’administration Moïse/Lafontant joue des coudes en vue d’obtenir, d’ici avant la fin de l’exercice 2017-2018, 36 millions de dollars américains d’appui budgétaire de l’Union européenne. L’UE est l’un, si ce n’est l’unique partenaire, a promettre, pour le moment, un appui budgétaire, de l’argent frais pour les caisses de cette administration dont le déficit ou découvert budgétaire, au mois de février, était supérieur à 9 milliards de gourdes, de l’argent puisé dans les réserves internationales par la banque centrale.
Pourtant, l’Etat Haïtien, obligé de donner des gages de bonne gouvernance au moment, sans offense, de quémander l’appui budgétaire, ferme les yeux sur l’une de ses veines ouvertes : le détournement de franchises douanières. Il faut que cela cesse, s’époumone le sénateur Youri Latortue, président de la Commission Éthique et Anti-corruption du Sénat de la République. Des entreprises obtiennent des franchises, n’ouvrent pas mais importent. C’est le cas aussi de certaines ONG et fondations, a accusé le sénateur, estimant, qu’il faut aussi, même pour les franchises à des ministères, voir si des intérêts privés ne tirent pas profit.
« Les franchises représentent 10 milliards de gourdes qui sur les 90 milliards de ressources internes du budget 2017-2018. Cela fait 1/10 de ces ressources internes. Je crois que notre économie est trop faible pour supporter cette situation. Il faut de la régulation », a indiqué, Youri Latortue, soulignant que les franchises douanières augmentent d’année en année. « Si vous faites une analyse sur les trois dernières années, le montant total des franchises octroyées oscille entre 8,3 et 8,5 milliards de gourdes », a confié au journal le secrétaire d’Etat aux Finances, Ronald G. Décembre.
« Les franchises industrielles représentent la plus grosse part. Par exemple, pour l’exercice 2013-2014, le montant a été aux alentours de 4 milliards de gourdes, 3,4 milliards de gourdes pour l’exercice 2014-2015 et 4,3 milliards pour l’exercice 2015-2016 », a expliqué le secrétaire d’État aux Finances, soulignant que cette catégorie de « franchise industrielle », les montants comportent « les franchises douanières et les droits concédés dont l’exonération pendant un certain temps de l’impôt sur le revenu, comme garantie dans la loi de 2002 sur les investissements et celle sur les zones franches.
Le tableau d’un document soumis au journal par le sénateur Youri Latortue, titré « ministère de l’Économie et des inances/Administration général des douanes/Total des droits concédés par catégorie », on peut lire que l’État dHaïti, sur ces cinq dernières années, de 2012 à 2017, a donné 44, milliards 321 millions de gourdes de franchise. 37 % de ce montant, soit 16, 7 milliards de gourdes au secteur industrie dont 14 milliards de gourdes à 10 entreprise dont quatre brasserie, deux compagnies de téléphonie, une huilerie, une entreprise de la sous-traitance textile.
Le tableau montre que juste après le secteur industriel (ou secteur industrie) viennent les missions diplomatiques, qui, dans le cadre de traités internationaux, ont bénéficié de 18,59 % des 44 milliards, soit 8,2 milliards de gourdes ces cinq dernières année. Pour le « secteur ONG », le niveau des franchises octroyé a quasiment doublé, passant pour l’exercice 2012-2013 de 676 millions de gourdes à 1 ,5 milliard pour l’exercice 2016-2017. Cela, cinq ans après le séisme du 12 janvier 2010 et la réduction significative des activités des ONG en Haïti.
Pour des secteurs porteurs de l’économie, comme l’agriculture, le tourisme, le niveau des franchises octroyé est très faible, soit respectivement 0.80% 2, 03% des 44 milliards de gourdes sur cinq ans. Les activités dans le secteur agricole ont généré, sans grande assistance des pouvoirs publics, quelque 25 % du PIB d’Haïti, soit presque 9 milliards de dollars américains. Les zones franches industrielles, quant à elles, ont eu 194 millions de gourdes de franchises, quelque 0,44 % des 44 milliards de gourdes.
Si pour le sénateur Youri Latortue il y a détournement de franchise, le secrétaire d’État au Finances, Ronald G. Décembre n’accuse pas. Cependant, il croit qu’il faut réguler. « Au niveau des franchises industrielles, il faudrait qu’une commission Ad hoc, une structure indépendante, vérifie et fasse le suivi pour voir sir les programmes pour lesquelles les entreprises ont obtenu des franchises ont été exécutés », a indiqué le secrétaire d’Etat aux finances, Ronald G Décembre. Pour Ronald G. Décembre, les incitatifs fiscaux, les exonérations à l’importation fournis par l’État est à la fois un investissement dans un projet et un acte de foi dans les potentiels d’un secteur pour créer des emplois, de la richesse et générer de la croissance.
Le secrétaire d’État aux Finances et le ministre de l’Économie et des Finances, Jude Alix Patrick Salomon, estiment qu’il faut une étude afin ces incitatifs prévus dans le code des investissements puisse avoir l’effet de levier escompté pour l’économie.
« Les exonérations fiscales sont une des raisons pour lesquelles un volume important de recettes échappent à l’État haïtien. Le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés est de 30 %, chiffre légèrement supérieur à la moyenne régionale, mais les exonérations sont accordées si généreusement qu’elles ont équivalu, en 2011, à 63 % de l’ensemble des impôts perçus sur les bénéfices des sociétés. La plupart des exonérations découlent du code des investissements de 2002 qui accorde une exemption fiscale temporaire de 15 ans aux entreprises exerçant des activités dans les zones franches d’impôt, ainsi que des exonérations de 5 à 10 ans en faveur de certains projets d’investissement considérés comme bénéfiques pour le développement », avait indiqué la dernière revue de la Banque mondiale sur les finances publique en Haïti.
« L’expérience indique toutefois que les mesures d’incitation de ce type sont souvent une mauvaise affaire pour les pays qui les appliquent. Il est nécessaire de mettre en place un cadre précis de gestion, d’évaluation et de suivi des exonérations fiscales et de leurs avantages supposés. Ces mesures sont souvent une aubaine pour les groupes étrangers, qui auraient de toute façon réalisé leur investissement. Des études indiquent que les pays désireux d’attirer des capitaux étrangers ont davantage intérêt à répondre aux principales préoccupations des investisseurs au sujet notamment de la qualité de l’infrastructure, du cadre réglementaire et du vivier local de fournisseurs. Les exonérations de taxes d’importation sont fréquentes, elles aussi », lisait-on dans le rapport.
« En 2013, Haïti a perdu 14 % des recettes d’impôt sur les ventes perçues à la frontière en raison d’exonérations, plus de 19 % des droits d’accise ad valorem. Pour ce qui est des droits de douane, les pertes se montaient à 50 % », selon ce rapport qui avait souligné que « les allégements fiscaux sur les importations de biens d’équipement peuvent contribuer au développement, mais les procédures douanières standard exigent que les exonérations reposent sur une base juridique claire ». « Or, en Haïti, poursuivait le rapport de la banque mondiale, la plupart des importations exonérées sont classées sans explication comme étant « exonérées de toutes taxes » ou exonérées de certaines taxes ».
« Les exonérations accordées aux ambassades, aux ONG et à l’État ne représentent qu’une petite fraction du total », selon le rapport de la Banque mondiale qui avait recommandé que l’État haïtien freine l’octroi d’exonérations fiscales sur les marchandises importées. Pour la banque mondiale, « une importante mesure consisterait à introduire un système de classification clairement défini dans l’appareil statistique douanier pour faciliter le suivi de l’octroi de ces dérogations ». Il faut aussi, d’après la Banque mondiale, « contrôler plus strictement les exonérations fiscales temporaires accordées aux investisseurs et attirer les capitaux étrangers de préférence à l’aide de mesures telles que l’amélioration des infrastructures, du capital humain et des institutions.
Par ces temps où l’État cherche des ressources pour financer son budget, circonscrire son niveau de déficit ou de découvert, rien n’indique un changement dans l’air, dans le sens d’une véritable rationalisation budgétaire que des acteurs publics et privés disent vouloir. Paradoxalement. Sans dire non aux privilèges, aux zones de confort individuelles mais préjudiciables à l’économie nationale…
Roberson Alphonse

Roberson Alphonse


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