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Que faire si un voisin empiète sur mon terrain ?

lundi 19 mars 2018 par Charles

Tout empiétement peut déboucher sur une démolition, mais il y a des façons moins radicales de résoudre les conflits.

• Un voisin peut-il exiger de faire raser le mur de clôture empiétant chez lui ?

Il en a tout à fait le droit ! C’est ce que M. Y., propriétaire languedocien, vient d’apprendre à ses dépens. Son voisin, M. X., décide un jour de faire construire un mur de clôture entre leurs deux terrains. Prudent, il prend la précaution de le bâtir en retrait de trois centimètres de la limite séparative. Par souci de réciprocité, M. Y décide alors d’édifier son propre mur, un mélange de béton et de pierre qu’il accole, malencontreusement, à celui de M. X. Résultat : un empiétement… de 3 cm. M. X. proteste et porte aussitôt l’affaire devant les tribunaux. Il n’exige rien de moins que la démolition du mur. Et l’obtient ! La sanction peut paraître disproportionnée. C’est d’ailleurs ce que soutient M. Y. Mais les juges sont formels. Appliquant rigoureusement le Code civil (1), qui consacre le droit de propriété, ils ordonnent la démolition. M. Y fait appel, perd, mais s’entête. Il va devant la Cour de cassation. À tort. Les hauts magistrats ne transigent pas : « La démolition devait être ordonnée » (2), aussi modeste que soit l’empiétement.

• Comment les juges décident-ils de détruire ou non ?
La position de la Cour de cassation n’a jamais fléchi : tout empiétement est une atteinte au droit de propriété, que son auteur doit être condamné à réparer. Mais de quelle façon ? La démolition est-elle la seule issue possible ? Pas forcément. Sur ce terrain de la réparation, les propriétaires imprudents bénéficient, non pas d’une marge de manœuvre, mais d’une seconde chance. Dans l’affaire du mur de clôture, une petite phrase revêt une importance capitale : la Cour de cassation a confirmé l’inévitabilité de la démolition parce qu’« aucun élément ne permettait de conclure qu’il était techniquement possible de […] supprimer (l’empiétement) ».
Et ce n’est pas la première fois que la Cour tranche ainsi ce genre d’affaire. Un atelier-garage qui dépassait la limite séparative sur 0,04 m2 a ainsi échappé à la démolition, parce que son propriétaire affirmait pouvoir mettre fin à l’empiétement par un simple coup de rabot (3). Dans une autre affaire, où l’enjeu était la démolition d’un immeuble, la Cour s’est appuyée sur les constatations de l’expert : l’empiétement était dû à l’enduit de façade. Un simple grattage pouvant en venir à bout, l’immeuble était sauvé (4).

• Comment éviter d’en arriver au procès ?
D’abord, assurez-vous des limites de votre propriété. Ne vous contentez pas de consulter le cadastre. Il a juste vocation à définir les parcelles et à servir de référence pour la taxe foncière. Si, en revanche, un bornage a été effectué, même ancien, vous pouvez vous y fier. Dans le cas contraire, n’hésitez pas à le faire établir par un géomètre-expert.
Votre chantier est déjà entamé lorsque vous, ou votre voisin, réalisez que vous êtes peut-être en train d’empiéter ? Dans ce cas, mieux vaut oublier l’adage selon lequel un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès. L’accord informel entre voisins n’engage pas les propriétaires futurs. Si la victime de l’empiétement déménage, son successeur, moins arrangeant, pourra parfaitement réclamer la démolition de votre construction. À défaut, vous pourrez lui proposer d’acheter le bout de parcelle sur lequel vous avez empiété. Votre voisin sera ainsi dédommagé, et une nouvelle limite séparative créée entre vos propriétés… à faire constater par un acte notarié !
(1)Art. 545.(2) Cass. civ. 3e du 30.03.17,n° 16-11667.(3) Cass. civ. 3e du 10.11.16,n° 15-25113.(4) Cass. civ. 3e du 23.6.15,n° 14-11870.


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