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Coup d’éclat du foot féminin haïtien grâce à la qualif des U20

vendredi 9 mars 2018 par Charles

National -

L’exploit réalisé par la sélection féminine nationale des U20, en se qualifiant pour la prochaine Coupe du monde qui a lieu en France, a suscité un sentiment de fierté et un élan de solidarité à l’échelle nationale. Les joueuses de ladite sélection sont sous les feux des projecteurs. On se prend en photo avec elles, on leur tend la main et surtout elles empilent les invitations.

Mardi soir, les Grenadières U20 étaient les invitées de l’ambassadeur de France en Haïti, Mme Elisabeth Beton Delègue qui, dans le cadre de la journée internationale des droits de la femme, a organisé en leur honneur la projection du film Ladies’turn, en sa résidence. Ce film, racontant l’histoire d’un tournoi de football féminin au Sénégal, n’est pas sans rappeler la réalité du football féminin qui prévaut actuellement en Haïti.
Les images qui défilent sur le grand écran montrent dans quel état de dénuement ce sport est pratiqué au Sénégal et témoignent du désintérêt pour cette discipline féminine qui ne reçoit pas ou peu de financement. A l’instar d’Haïti, le foot féminin est en quête de son heure de gloire au Sénégal.
Auréolées de leur qualification, les U20 suscitent actuellement une vague de supports sans précédent dans l’histoire récente du football féminin haïtien.
Dimanche dernier, ce sont les membres du Conseil d’administration de la Chambre franco-haïtienne de commerce et d’industrie (CFHCI) qui se sont rendus au ranch de Croix-des-Bouquets de la Fédération haïtienne de football (FHF) pour s’enquérir du programme de préparation des Grenadières U-20 en vue de la Coupe du monde de football féminin U-20 (FIFA) France 2018 qui se déroulera du 5 au 24 août prochain. Quelques jours plus tôt, soit le 28 février, un tweet de l’ambassade d’Allemagne informe que l’ambassadeur Auster est allé inaugurer avec la ministre des Sports Régine Lamur un système d’alimentation en eau au centre FIFA Goal à Croix-des-Bouquets grâce à un financement de ladite ambassade.
Retour avec le président de la Fédération haïtienne de football (FHF), le Dr Yves Jean-Bart, sur les dons reçus par les U20 ainsi que les besoins des U17 qui vont entamer sous peu une campagne éliminatoire au Nicaragua.
« De façon concrète, entre nos mains en ce moment, nous avons reçu de Rony Collin, du maire de la Croix-des-Bouquets, un chèque de 10 000 dollars américains », a fait savoir le Dr Jean-Bart confirmant ensuite que le maire est en train de faire « une évaluation de ce que nous pourrions avoir besoin et dans quel domaine il pourrait nous aider ». Rien encore de concret sur ce point. « Mais le chèque de 10 000 dollars nous est déjà arrivé. Il est déposé à la banque », a assuré Yves Jean-Bart.
« Ensuite nous avons reçu également de la Fondation Jean Vorbe le 16 février un chèque de 25 000 dollars américains. Il y a 1 000 dollars pour chacune des joueuses qui ont été à Trinidad et les 5 000 on va les répartir entre celles qui sont du groupe mais qui n’ont pas pu voyager à Trinidad pour une raison ou une autre », a poursuivi le président de la FHF.
Parallèlement, l’Entreprise publique de promotion de logements sociaux (EPPLS) est venue rencontrer les joueuses et a décidé de bâtir une maison pour chacune de celles qui ont fait partie du groupe. Elle donnera une maison confort moderne à l’endroit où les parents disposent d’un terrain. S’ils n’ont pas de terrain, par le biais de la DGI et de la mairie, l’Etat va leur procurer une propriété. Les joueuses ont souhaité que les maisons soient meublées. L’EPPLS dit prendre note et va en faire part au gouvernement. « Même si les parents habiteront cette maison, nous autres de la fédération, nous aimerions que la maison soit l’objet d’un contrat, c’est-à-dire pour qu’elle appartienne aux joueuses pour éviter des problèmes de succession familiale », a avancé Yves Jean-Bart.
« La FHF a communiqué les noms ainsi que les adresses des parents des joueuses pour permettre que les membres du gouvernement aillent les visiter selon le vœu de la présidence », a informé le président Jean-Bart, indiquant avoir été reçus, lui et l’équipe, au Sénat le jeudi 8 février.
« Nous avons demandé aux sénateurs s’ils pouvaient nous aider à monter un laboratoire informatique et de vidéo pour que les joueuses puissent apprendre l’informatique et travailler des scénarios de football avec tous les jeunes qui sont au centre. Les sénateurs ne nous ont encore rien dit à ce propos. Par contre, ils ont annoncé un don d’un million de gourdes », a-t-il déclaré.
Une délégation venant du palais national est venue évaluer au ranch de Croix-des-Bouquets l’état des lits, éclairage, groupe électrogène, conditions de nourriture et de vie. Elle a pris note mais rien n’est encore dit.

Outre les 25 000 dollars de la Fondation Jean Vorbe, Philippe Vorbe a choisi deux joueuses qu’il avait admirées pendant les éliminatoires, Kerly Théus, la gardienne de but, et Roseline Eloissaint et leur ont donné un magnifique ordinateur portable de première qualité. « Les deux laptops sont un don personnel » mais, informe Jean Bart, il est parti en campagne afin de pouvoir étendre ce geste à d’autres joueuses. Il a déjà trouvé 7 laptops.
« Beaucoup de promesses mais rien de concret pour le moment », a déploré le numéro un de la FHF.
La Fifa toujours au chevet des sélections
La qualification a été dessinée au terme de trois étapes. Une première à Port-au-Prince en juillet que la Fifa a payé entièrement (billets d’avion et hôtel pour les équipes visiteuses, etc.). En octobre, quand nous avions reçu le tournoi des U17, nous n’avions rien reçu des sponsors, c’est la Fifa qui a encore tout payé. En novembre, les U20 sont allées à St-Kitts. Là encore, c’est la Fifa qui avait payé pour nous (les billets d’avion).

Nous avons voulu nous rendre à Trinidad 8 jours à l’avance pour nous acclimater, là encore la Fifa a payé pour nous les 8 jours que nous avons passé là-bas (hôtel et billets d’avion). Nous bénéficions de cette assistance, comme beaucoup d’autres fédérations, à travers un programme de mérite. Nous sommes une petite fédération qui fait beaucoup d’efforts et de résultats, donc elle nous a facilité une certaine rubrique de voyages et d’uniformes.
En ce qui concerne ce qu’il nous faut pour les éliminatoires des U17, nous aimerions faire un stage de 10 jours dans un centre d’entrainement de Floride où nous trouverons une alimentation adéquate, gym, terrains ainsi que d’autres équipes pour s’entrainer avec nous. Le Dr Yves Jean-Bart dit vouloir partir en stage du 5 au 20 avril. Là-bas cela va faire 200 dollars par personne par jour pour une délégation d’à peu près 30 personnes.
Sur place, nous aimerions renforcer la diète des joueuses car nous avons besoin de les entrainer la nuit, car elles vont jouer la nuit au Nicaragua. Nous avons donc besoin d’une ration alimentaire adéquate (fruits, légumes, viande, beaucoup de jus de fruits, fromage, acassan, miel) qui coûtera à peu près 10 000 dollars. Arrivé à Managua, nous aurons besoin seulement de 5 000 dollars. Pour aller à Nicaragua, nous aurons besoin seulement de 85 000 dollars environ en excluant les chaussures et les uniformes. Nous nous sommes toujours en train de nous débrouiller pour les avoir.
« Nous avons un problème plus pressant. Nous avons été invités pour la première fois à un championnat autorisé par la Fifa qui s’appelle championnat du monde des moins de 16 ans. Il y a 8 nations invitées et nous avons été choisis parmi les meilleurs petits en compagnie de la Côte d’Ivoire. Du 27 mars au 8 avril, la compétition se joue en France. Dans notre groupe, il y a l’Argentine, le Portugal et la France et dans l’autre groupe, il y a le Brésil, l’Angleterre, la Russie et la Côte d’Ivoire », explique Yves Jean-Bart.
Il s’agit d’un championnat de très haut niveau dans la catégorie des garçons de moins de 16 ans. Malheureusement, d’ici le 16 février, nous devons payer la participation car dans ce genre de compétition de jeunes, tout est à la charge des pays participants. Donc nous avons besoin de 100 000 dollars pour les frais d’entrainement, de séjour et de voyage. « Présentement, nous sommes à deux doigts de déclarer forfait », a reconnu le président de la FHF, désabusé.
« Nous avons écrit, personne ne nous a encore répondu. C’est notre plus grande angoisse. »
Et le gouvernement dans tout ça ?
Le gouvernement nous avait donné en décembre 10 millions de gourdes. C’était pour finir le championnat et donner une assistance à tous les clubs de D1 et D2. L’Etat est supposé allouer 100 millions de gourdes d’assistance par année à la fédération. Malheureusement, l’année dernière nous n’avons reçu que 30 millions. Cette année, d’octobre à nos jours, nous avons reçu 10 millions de gourdes.
« Nous nous sentirions plus confortable si l’Etat pouvait nous fournir une tranche importante de cette enveloppe. Ce qui nous permettrait de payer le voyage en France ; on reçoit la coupe des seniors filles ici du 5 au 13 mai. Une tranche importante nous avait été promise en janvier mais pour le moment rien. »
Pour le championnat du monde, Yves Jean-Bart espère que tous les Haïtiens feront un effort pour se rendre en France. Nous n’avons pas encore rencontré la Fifa pour savoir ce qu’elle va payer pour nous ou pas mais nous espérons que tout le pays va cotiser pour que nous ayons au moins 4 mois de préparation avant la Coupe du monde. Le coach qui nous a accompagnés à Trinidad et à St-Kitts, Marc Colas, et le préparateur physique, qui travaille à Monaco, n’ont pas encore reçu leur paye. On va rencontrer la Fifa pour lui expliquer les prouesses réalisées par Haïti et espère donc glaner de quoi payer les deux Français pour qu’ils acceptent de travailler avec les autres catégories de jeunes non seulement pour les préparer et former des formateurs à travers le pays.
« Nous sommes le seul pays à avoir un programme féminin d’élite. Les filles sont fermées du 1er janvier au 31 décembre. Elles s’entrainent, vont en classe et jouent au foot à raison de 5 à 6 heures par jour », se vante Yves Jean-Bart. « Il suffit d’avoir une bonne préparation finale, des coachs d’expérience capables de gérer ce genre de tournoi pour que de bons résultats nous arrivent », confie, pragmatique, le président de la FHF.

Patrick Saint-Pré
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