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Dr Audie Métayer, le médecin-pédagogue

dimanche 21 janvier 2018

Portrait de médecins Après ses études de médecine, il a fait sa spécialité en médecine interne puis une sous-spécialité en néphrologie. Le Dr. Audie Métayer se trouve donc au sommet de la pyramide médicale en Haïti. Professeur respecté et aimé dans quatre facultés de médecine du pays, il est un brillant instructeur clinique, médecin de service à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti et ex-vice doyen de l’Université Notre-Dame d’Haïti. Sa réputation fait l’unanimité auprès de ses confrères et de ses étudiants. Il est une personne d’une grande influence. Retour en filigrane sur son parcours.

National -

L’ambition se doit de payer ses dettes, disait Jules César. Ces mots, le Dr Audie Métayer semble les avoir gardés bien au chaud sur sa table de chevet comme on note avec empressement ses rêves au réveil. Il est né un 12 août à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti, mieux connu sous le nom de l’hôpital général. Neuf ans après, il est revenu au service de pédiatrie, cette fois-ci hospitalisé pour la typhoïde.
« L’histoire, elle est claire dans ma tête. Les médecins étaient extraordinaires dans la prise en charge de ma maladie. Mes parents en sont sortis satisfaits. Depuis, je me suis dit que je devais être médecin pour pouvoir m’acquitter de cette dette », a relaté le Dr Métayer.
De l’école Jean Mary Guilloux au collège Saint-Louis de Gonzague, il ne perdait pas de vue la Faculté de médecine de l’Université d’État d’Haïti, la seule faculté de médecine de l’époque. Son rêve était planté dans les moindres recoins de son organisme. Chaque matin, il l’arrosait en se disant qu’il faut faire mieux le jour suivant.
« A l’école, je n’étais pas le plus brillant. A mon humble avis, j’étais un élève moyen très appliqué. Mon point fort était l’application sans procrastination », souligne-t-il modestement.
En 1981, le rêve est passé de la germination à l’éclosion, il a fait son entrée triomphale à la faculté de médecine de l’UEH.Très vite, il a partagé des atomes crochus avec le professeur Mario Alvarez, car il voulait faire l’infectiologie pour pouvoir soigner des enfants atteints de la typhoïde semblables à son cas.
En 1987, il a été admis en résidence hospitalière pour trois ans au service de médecine interne de l’HUEH. Le voilà quitte de la première partie de son engagement.
Même au fond d’un soliloque, le Dr Audie Métayer le dit à qui veut l’entendre, il est un médecin qui a un rapport particulier avec les patients pour avoir été lui-même, une bonne partie de sa vie, patient.
« Tout au long de ma spécialité en médecine interne, je notais dans ma mémoire le comportement de certains médecins qui abordaient les patients avec animosité. Je n’attendais pas dix ans, le lendemain je m’évertuais à traiter mes patients avec le plus grand respect en hommage à ceux qui se sentaient humiliés. »
En 1991, il a quitté le pays en direction de l’Université Paris 6. Durant un séjour à la Martinique, le temps de régler ses papiers pour rentrer en virologie à Paris, il s’est laissé convaincre à faire la néphrologie.
Cinq ans lui ont suffi pour s’y reconnaître dans laines et cotons en acquérant les rudiments du vocabulaire de sa sous-spécialité. Au passage, il a accumulé des diplômes universitaires en médecine d’urgence et en maladies parasitaires et tropicales avant de décrocher une maîtrise en pédagogie des sciences de la santé.
Au détour d’une hésitation entre ici et ailleurs, le déclic du retour au pays lui est venu en soignant des patients haïtiens vivant à la Martinique.
« J’ai reçu des patients avec insuffisance rénale dont certains venaient d’Haïti. Ils me disaient qu’ils allaient mourir s’ils étaient en Haïti car il n’y avait pas de centre de dialyse au pays à l’époque », a-t-il gardé dans ses souvenirs. Fort de ce constat, il est revenu au pays en 1996. Les fruits ont donc tenu la promesse des fleurs.
De son ancienne vie, désenchanté par la politique, il n’a gardé que sa militance au scoutisme. A son retour, il y avait une épidémie d’insuffisance rénale aiguë au pays. Il a été tout de suite nommé médecin de service à l’hôpital général et professeur de néphrologie à l’UEH. Fidèle à la trame causale qui constitue la mission de sa vie, il a fondé le centre de dialyse de l’HUEH de concert avec le Dr Gérard Abel.
C’est Robert Germain, une sommité dans la formation médicale en Haïti, qui a surtout influencé et boosté sa carrière. A ses yeux, Robert Germain était un « faiseur » de faculté. Ancien doyen des facultés de médecine de l’UEH et de l’UNDH, Robert Germain est une icône qui a couvé dans l’ombre le jeune médecin Audi Metayer.
« Après une année à l’UNDH comme enseignant, il m’appelait pour m’encourager, pour me dire que les étudiants ont apprécié ma façon d’enseigner », a-t-il dit en signe de reconnaissance.
Après le départ de Robert Germain, le Dr Audie Métayer a été désigné comme membre de la Commission de transition à l’UNDH puis comme vice-doyen aux affaires académiques et à la recherche. Il a marché vers l’excellence sans pour autant déparer dans le paysage de la discipline instaurée par ses prédécesseurs.
« J’ai repris le curriculum et modernisé l’enseignement. J’ai donné, comme l’exige la norme internationale, 62% d’heures de stage par rapport au cours théorique. Pour combler un vide en stage pratique, j’ai créé un internat 1. J’ai fait grandir la recherche en encadrant les étudiants. J’ai donné à l’UNDH une place de choix dans la Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française (CIDMEF) », a énuméré de manière synthétique le néphrologue.
Dans la foulée, il a été contacté pour assurer l’enseignement de la néphrologie à l’Université Lumière. Vu que l’une de ses deux filles étant étudiante à l’Université Quisqueya où il enseigne la néphrologie, il ne marchande pas ses conseils et suggestions au recteur qu’il décrit comme une personne ouverte.
À l’hôpital général, il est toujours responsable du centre de dialyse attaché au service de médecine interne. Il est un instructeur clinique soucieux qui travaille, selon son expression, avec son cœur.
Dans les travaux de recherche de la FMP/UEH, il est l’équivalent de Marcel Proust dans le milieu médical. Il peut passer 15 minutes à discourir sur la page de couverture et le thème de recherche d’un impétrant et une dizaine sur la pagination avant de toucher le fond. Dans sa bouche assez veut dire trop et la science est synonyme de rigidité.
« Mon rêve le plus cher est de voir toutes les facultés de médecine du pays à un niveau acceptable. Personne ne sait où il va tomber malade, c’est pourquoi tous les médecins doivent être bien formés », a-t-il lâché.
À la question quel est votre meilleur souvenir, il a répondu : « À chaque fois que j’ai l’opportunité de dire à un patient qu’il peut s’en aller, je me sens dans ma peau car tout ce que je viens de faire est gratuit ».
Son mauvais souvenir est la dure réalité de devoir perdre un patient qui était sous dialyse depuis 15 ou 20 ans. À ce chapitre s’ajoute le fait qu’il a été « chassé » à l’UNDH après 9 ans de loyaux services. À l’entendre raconter les faits, la page est belle et bien tournée.
Le Dr Audie Metayer est un proactif incapable de rester dans l’ombre. Son excès de vitalité le projette sans cesse vers un avenir qui chante toujours plus beau, toujours plus fort. C’est un scientifique né avec des gènes de pédagogue codés dans son ADN.
Homme méticuleux et éloquent, il croit en la jeunesse et dans la pérennité des institutions. Il a toujours su, à l’instar de René Char, « regarder la personne humaine sous l’angle du ciel dont le bleu d’orage lui est le plus favorable ».

Claudy Junior Pierre pclaudyjunior@yahoo.fr
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