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Il y a une guerre de l’eau entre Haïti et la République dominicaine, selon l’agronome Jean André Victor

mercredi 17 janvier 2018

National -

Le sénateur dominicain Adriano Sanchez a annoncé que son pays projette de construire une centrale hydroélectrique sur l’Artibonite.

Ce matin, sur Magik9, l’agronome Jean André Victor a esquissé les conséquences que va engendrer la construction d’une telle infrastructure sur la vallée et sur Péligre. Selon lui, l’érection d’un tel barrage sur le fleuve aura des répercussions à la fois sur la quantité et la qualité de l’eau.
Pour mieux appréhender la question, Jean André Victor invite l’opinion publique et le gouvernement à se référer au domaine de la gestion d’un cours d’eau international. Il s’agit, selon lui, d’une rivière ayant une partie dans chacun des deux pays. « C’est le cas pour le fleuve Artibonite, pour la rivière Massacre, Pédernales, etc. Dorénavant, c’est le cas aussi pour le lac Azuei puisque une partie de celui-ci a atteint le territoire dominicain à cause des inondations. (…) La majorité de ces cours d’eau internationaux sont en amont en République dominicaine. Cela dit, Haïti devrait être le pays le plus sensible à cette question », explique-t-il.
L’ancien directeur de l’ODVA rappelle que des accords ont été signés entre les deux pays se partageant l’île autour de la gestion de ces cours d’eau. Dans ces accords, poursuit-il, deux choses sont stipulées. « D’abord, l’un des deux pays ne doit altérer l’eau si elle provient de chez lui. De plus, il peut également utiliser l’eau sans que cela ne soit au préjudice de l’État qui est en aval », explique-t-il, soulignant que ces deux principes figurent dans l’accord de frontière signé en 1929 par les deux pays.
L’agronome regrette que depuis lors on n’ait pas géré l’affaire convenablement. Cette attitude des dirigeants haïtiens a profité aux Dominicains. « En 1929, les deux pays comptaient 8 millions d’habitants contre 20 millions aujourd’hui. Donc, les pressions sur les ressources naturelles deviennent beaucoup plus fortes. Les Dominicains profitent de notre laxisme et multiplient les projets de barrage sur le fleuve Artibonite. En 2012, je savais qu’ils avaient 8 projets de barrage sur ce fleuve et 4 autres sur la rivière Massacre. De 2012 à aujourd’hui, je ne sais pas combien de ces projets sont en exécution », fait-il savoir.
Selon Jean André Victor, le fleuve Artibonite est stratégique pour Haïti. Par conséquent, avance-t-il, sa gestion doit être stratégique et scientifique. « Ce fleuve représente 40% des terres irriguées dans le pays, 75% de la production de riz. 1 million d’habitants vivent de ce fleuve. Il représente également près de 90% de la production de l’énergie hydroélectrique », argue-t-il, ajoutant que la construction de ce barrage aura des conséquences sur la quantité de l’eau que nous allons recevoir dans le pays. « Le débit du fleuve diminue puisque des prélèvements ont été effectués sur les affluents qui l’alimentent », argue-t-il, soulignant que dans la même veine, une étude fait état de la dégradation de la qualité de l’eau, comparée à l’étude menée par les Américains en 1929.
Par son caractère transversal, le dossier de la gestion du fleuve de l’Artibonite relève de la sécurité nationale. L’agronome souligne que la construction de ce barrage aura des conséquences sur l’agriculture, la production d’énergie et sur la vie socio-économique. « On ne peut pas envisager 3 jours sans eau dans les canaux d’irrigation de la vallée de l’Artibonite. Il faut de l’eau pour l’alimentation du bétail, pour l’usage au quotidien, pour l’arrosage des terres, etc. L’eau est de tout usage », explique-t-il.
De l’avis de l’agronome, il y a une guerre de l’eau entre Haïti et la République dominicaine. Malheureusement, regrette-t-il, côté haïtien on n’en est pas conscient. « Et quand on ne sait pas qu’on est en guerre, on se dirige vers la défaite », déplore-t-il. Jovenel Moïse, qui a fait de l’eau l’un des éléments incontournables – avec le soleil, la terre et les hommes – pour développer le pays, va-t-il entendre cette alerte et agir au-delà d’un slogan ?

Jean Daniel Sénat
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