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Séoul tente de rétablir le dialogue intercoréen après la main tendue de Kim Jong-un

mercredi 3 janvier 2018

Le 1er janvier, le dictateur a menacé Washington, mais esquissé une ouverture avec la Corée du Sud, qui a proposé de tenir des discussions à un haut niveau avec Pyongyang.

Le discours du Nouvel An de Kim Jong-un a surpris en Corée du Sud par l’aspect conciliant de la partie destinée à Séoul. Dans une allocution, le dirigeant nord-coréen a repris, lundi 1er janvier, ses avertissements à Washington, mais a dit espérer « sincèrement » que les Jeux olympiques (JO) d’hiver de Pyeongchang, qui s’ouvrent le 9 février, « seront menés avec succès ». « Nous sommes disposés à prendre les mesures nécessaires, y compris à envoyer notre délégation, a-t-il poursuivi. A cette fin, les autorités du Nord et du Sud pourraient se retrouver dans un avenir proche. »
Le président du comité organisateur des JO, Lee Hee-beom, a vu en ces déclarations un « cadeau du Nouvel An ». Le comité a toujours plaidé pour la participation nord-coréenne aux Jeux et, d’après M. Lee, « tout est prêt pour accueillir une délégation du Nord ».
Cette ouverture a été particulièrement bien accueillie par le gouvernement sud-coréen, qui y voit la réponse attendue à l’offre de dialogue portée par la Maison Bleue, la présidence sud-coréenne, depuis l’élection en mai 2017 du progressiste Moon Jae-in. Séoul a proposé mardi de tenir des discussions à un haut niveau avec Pyongyang le 9 janvier, après la main tendue par M. Kim. « Nous espérons que la proposition nord-coréenne et notre réponse joueront un rôle de catalyseur dans les relations », a-t-on déclaré dans l’entourage du chef de l’Etat.
Le président américain Donald Trump a estimé mardi que le geste d’ouverture de Pyongyang était la conséquence des sanctions adoptées par la communauté internationale et s’est félicité du fait que « l’homme-fusée », un surnom dont il affuble régulièrement Kim Jong-un, veuille « parler à la Corée du Sud pour la première fois ».
« Offensive de charme »
Séoul reste toutefois prudent, notamment sur l’organisation immédiate de discussions : « Nous n’en sommes pas encore là. Il faut voir comment Pyongyang et la communauté internationale vont réagir à notre prise de position ». Le parti Minju, la formation démocrate de M. Moon, appelle Pyongyang à « faire la preuve de sa sincérité en cessant ses provocations ».
La scène politique sud-coréenne est divisée quant à l’attitude à adopter vis-à-vis de Pyongyang. La défiance est bien plus vive dans le camp conservateur sud-coréen, aujourd’hui dans l’opposition et traditionnellement hostile au Nord. Ses dirigeants retiennent pour leur part une autre partie des propos de Kim Jong-un : « L’ensemble [du territoire] des Etats-Unis est à portée de nos armes nucléaires et il y a toujours un bouton nucléaire sur mon bureau. C’est la réalité, pas une menace. » Le dirigeanta également évoqué la poursuite de la production de têtes nucléaires et de missiles balistiques.
Le député conservateur Chang Je-won regrette que Kim Jong-un n’hésite pas à « prendre le monde en otage avec ses menaces nucléaires, tout en parlant de la paix par le dialogue intercoréen ». M. Chang voit là « une offensive de charme superficielle » et appelle le président Moon à cesser de « prier pour le dialogue et à affronter la réalité ».
Le camp conservateur croit déceler dans l’appel de Kim Jong-un à annuler les manœuvres mili­taires américano-sud-coréennes une volonté d’affaiblir l’alliance entre Séoul et Washington. « Kim Jong-un a formulé à la fois une offre de paix et une position offensive, expliquait le 2 janvier le quotidien Korea Herald.Il est inquiétant de voir l’administration Moon exagérer le sens de la première tout en minorant la seconde. »
« La Corée du Sud doit bien réfléchir au moyen d’équilibrer la résolution de la question nucléaire et l’amélioration des relations intercoréennes », juge Cheong Seong-chang, expert de la Corée du Nord à l’Institut Sejong de Séoul. « Nous devons procéder avec prudence et analyser le sens et les intentions derrière le discours du Nouvel An », reconnaît-on à la Maison Bleue.
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Le ton conciliant de Kim Jong-un pourrait être une réponse à la proposition faite par Séoul à Washington de décaler les exercices militaires annuels américano-sud-coréens qui doivent coïncider, en 2018, avec les JO et les Jeux paralympiques (en mars).
Dans un rapport rendu public le 1er janvier, l’Institut pour une stratégie de sécurité nationale (INSS), organe d’analyse dépendant des services de renseignements sud-coréens, craint de voir Pyongyang exiger, pour prix de sa participation aux JO, la levée des sanctions imposées par Séoul, la suspension des manœuvres américano-sud-coréennes, voire une reprise de la coopération économique et de l’aide humanitaire. « De telles exigences dès l’ouverture des négociations pourraient lui donner un avantage dans les discussions », juge l’INSS.
Le débat est en particulier relancé sur le complexe de Kaesong, zone industrielle où des entreprises sud-coréennes faisaient travailler des Nord-Coréens. La présidente conservatrice Park Geun-hye (2013-2017) avait ordonné, en février 2016, la fermeture de cet espace de coopération économique. Le camp progressiste n’a cessé, depuis, de déplorer l’abandon d’un des rares projets de collaboration au profit d’une politique de confrontation. Le président Moon souhaiterait le rouvrir.


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