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De Moreno à la marche de mardi, une victoire et des défaites pour Jovenel Moïse

lundi 30 octobre 2017

Editorial -

La semaine dernière s’était terminée en apothéose pour l’administration Moïse-Lafontant.

Le président de la Banque interaméricaine de développement (BID), Luis Alberto Moreno, avait publiquement apporté un appui massif au président Jovenel Moïse, descendu en flammes les fournisseurs privés d’énergie électrique, brocardé l’opposition et tous ceux qui doutent des vertus de la Caravane du changement. Moreno avait fait le show, sous la pluie, aux Cayes.
Avant même que l’on ne s’interroge sur les motivations du banquier Moreno, sur les projets de la BID en Haïti, sur les investissements à venir des partenaires de cette banque dans les secteurs que Moreno défend, une série de petits krachs ont affecté le capital politique de Moïse et de Lafontant.
Tout commence par une conférence de presse à la mise en scène trop parfaite du Premier ministre. En refusant de prendre les questions des journalistes des médias connus pour privilégier ceux qui sont réputés proches du pouvoir, le PM rate une belle occasion de faire le point sur une série de dossiers et de désamorcer des petites mines jetées sur sa route depuis des semaines.
La conférence de presse annoncée avec peu de délai tombe d’autant plus mal que Jack Guy Lafontant a laissé la commémoration des 200 ans de la Cour de cassation pour venir faire son show devant ses journalistes. Ignorer les deux cents ans de la plus haute instance judiciaire du pays alors que ni le président ni le ministre de la Justice n’y assistent est un signal de plus du désintérêt de l’administration Moïse-Lafontant pour la bonne marche de la machine judiciaire. Était-ce nécessaire d’envoyer ce si mauvais message ?
Dans la soirée, c’est le commissaire du gouvernement qui enfonce un clou dans le cercueil de l’État de droit. Me Clamé Ocnam Daméus sort un communiqué pour demander aux médias de se transformer en indicateurs de ses services. Est-ce une façon de dire qu’il ne parvient pas à remplir seul ses fonctions ou un fantasme d’État policier, style Allemagne de l’Est de la pire période, qui anime le chef du parquet ? Dans tous les cas, le commissaire du gouvernement se trompe d’alliés. « La presse n’a pas pour mission de surveiller les citoyens ni de rapporter leur faits et gestes au commissaire du Gouvernement », a souligné l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) dans un communiqué.
Dans la même soirée de lundi, on apprend qu’au Cap-Haïtien, il existe un mouvement, comme dans d’autres points d’entrée du territoire, pour empêcher l’Administration générale des douanes d’avoir le contrôle du port du Cap-Haïtien. Selon les correspondants de presse, un sénateur proche du gouvernement serait parmi les soutiens des contestataires. Ce nouvel épisode dans la course d’élus proches de l’administration Moïse-Lafontant pour faire mainmise sur toutes les ressources de l’État s’ajoute à une longue liste de petits arrangements ruineux pour l’État.
Mardi matin, on s’est réveillé avec la tournée dans les principaux médias du ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales. Se présentant comme vice-président du Conseil supérieur de la police nationale, le ministre, sans un communiqué en main de l’organe dont il se réclame, a tenté d’interdire la manifestation du jour de l’opposition revendicative. Les heures d’après sa ballade dans les médias allaient ruiner toute son autorité. Non seulement la manifestation a eu lieu, non seulement des gens réputés proches du pouvoir ont sorti des armes, tiré en l’air pour paniquer la foule, mais, au final, même la police, relevant du CSPN, a dû accompagner et sécuriser la marche de l’opposition.
Le show médiatique inutile du ministre de l’Intérieur s’ajoute aux casseroles qu’il traîne depuis qu’on a appris qu’il est la cible de faussaires qui imitent à merveille sa signature et reproduisent à l’identique les chèques de son administration.
On pourrait poursuivre la série des mauvaises nouvelles avec les déconvenues de l’administration de l’OFATMA qui fait face elle aussi à une affaire de vrais-faux chèques. À quoi bon ?
En quelques heures, l’administration Moïse-Lafontant a laissé voir ses faiblesses sur des terrains qui sont sur la liste de ses priorités : renforcement de l’État de droit et de la justice, garanti pour la liberté d’expression et efforts dans la lutte contre la corruption.
Définitivement en politique, on ne peut compter que sur les victoires engrangées, pas sur celles des jours à venir. L’avenir n’appartient à personne. En Haïti, plus qu’ailleurs.

Frantz Duval
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