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Budget 2014-2015 : « Nous sommes loin de devenir un pays émergent en 2030 »

mardi 26 août 2014

L’Initiative de la société civile (ISC) a présenté, mercredi à l’hôtel Le Plaza, son deuxième bulletin réalisé, de concert avec le Conseil haïtien des acteurs non étatiques (CONHANE), dans le cadre du projet « Organisation de la société civile et action des pouvoirs publics (SOCAPP) », avec le support de l’Union européenne (UE). Cette publication présente une analyse précise et synthétique du budget national 2014-2015 et du système fiscal haïtien.

Dans ce nouveau bulletin réalisé sur le Budget de l’exercice 2014-2015, déjà voté à la Chambre basse, l’ISC rend des informations clés disponibles pour les acteurs de la société civile. Elle analyse, dans un esprit critique, les ressources et les dépenses prévues ; recommande et propose une meilleure gouvernance des finances de l’Etat par l’augmentation des recettes de l’Etat. L’ISC préconise, en outre, la réduction drastique des dépenses somptuaires de l’Etat ; une planification capable de garantir la stabilité macroéconomique et la croissance économique et de privilégier les entreprises haïtiennes. Figurent aussi au menu du bulletin, des pistes concrètes pour réformer la fiscalité haïtienne, pistes qui ont été discutées lors du séminaire sur la fiscalité à la fin du mois de juin.

Présentant les éléments d’analyse et les recommandations du bulletin, le responsable de l’ISC, Rosny Desroches, a attiré l’attention des décideurs publics sur le fait que les dons – une source qui permet au gouvernement de disposer des fonds pour mener sa politique – vont diminuer de 4% par rapport à l’année dernière. « Ceci, ajoute-t-il, constitue une tendance dont il faudra tenir compte. »

Si l’appui budgétaire a augmenté de 32% grâce à une « importante » contribution de l’Union européenne, M. Desroches a fait remarquer que le prêt de PetroCaribe a, par contre, diminué de 11% tout en restant encore substantiel, autour de 2 milliards de dollars. Au sujet de ce prêt, il a, en outre, signalé que le remboursement de la dette commence à peser sérieusement sur le budget national, avec une augmentation de 43.74% par rapport à l’année dernière et se chiffre à 3.73 milliards. « A ce rythme-là, avance-t-il, le service de la dette atteindra des proportions énormes d’ici quelques années. »

En ce qui a trait aux dépenses dans le budget, le responsable de l’ISC a indiqué qu’il est inquiétant de voir que les dépenses d’investissement diminuent (de 3%) par rapport au budget en cours alors que le budget de fonctionnement va grandissant (de 11%). D’après lui, « cela signifie que l’on n’est pas prêt de sortir de notre situation de sous-développement et que nous sommes loin d’être sur le chemin de devenir un pays émergent en 2030 ».

Bonne note pour le secteur du tourisme et de la sous-traitance

Le début de l’année fiscale en cours a été marqué par une réduction du déficit de la balance commerciale de 15% - c’est-à-dire le pays importe moins comparativement à auparavant. Rosny Desroches a fait remarquer que ce point positif est dû en grande partie à la hausse des exportations en termes de services, particulièrement en matière de tourisme qui enregistre une hausse de 114%. Et dans la sous-traitance où il y a une augmentation de 11.43% du nombre d’emplois dans le secteur textile, qui atteint le niveau de 33 312 emplois en mars 2014. Il dit espérer que ces tendances se renforceront au cours de l’année 2014-2015 et que les dépenses seront rentables.

70% des recettes de la DGI sont assurés par seulement 500 grands contribuables

L’ISC n’a pas seulement procédé à une analyse minutieuse du budget 2014-2015, pièce maîtresse dans l’organisation et l’administration des finances publiques pour la prochaine année fiscale. Ainsi, l’institution propose d’augmenter les recettes de l’Etat, particulièrement au niveau de l’impôt direct en augmentant l’assiette de l’impôt sur le revenu. « Il n’est pas normal que sur une population de plus de 2 millions d’habitants dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, argue le patron de l’ISC, seulement 12 000 contribuables font la déclaration définitive d’impôt et que l’impôt sur les personnes physiques ne rapporte que 8.7 milliards de gourdes. Il n’est pas non plus normal que 500 grands contribuables contribuent à 70% des recettes de la Direction générale des impôts et que l’impôt sur les sociétés ne rapporte que 6.1 milliards, alors que les grands entrepreneurs fonctionnent dans l’informel ou à l’abri du fisc. »

De plus, le responsable de l’ISC recommande de réduire certaines dépenses de l’Etat et d’investir les économies enregistrées dans les infrastructures agricoles susceptibles d’augmenter la production agricole. Rosny Desroches appelle, de surcroît, à privilégier les entreprises nationales au niveau des contrats publics…

Pour sa part, le coordonnateur du CONHANE, Edouard Paultre, a fait savoir que le projet SOCAPP – financé par l’UE à hauteur de 300 000 dollars – comporte un autre volet : celui d’observer pendant deux ans, avec vigilance, l’action des pouvoirs publics au sein des départements de l’Artibonite, de l’Ouest, du Nord et du Sud. « L’enjeu final, explique M. Paultre, est de renforcer le dialogue entre la société civile et les responsables politiques pour influer positivement les politiques qui sont menées. »

L’enjeu final, pour le chargé des affaires politiques de l’UE en Haïti, est de renforcer le dialogue entre la société civile et les responsables politiques pour influer positivement les politiques qui sont menées. « Cette contribution est utile tant pour les citoyens que pour les décideurs politiques en vue de parfaire la gouvernance publique et d’inscrire le pays sur une voie d’un développement durable et inclusif », a déclaré Raphaël Brigandi lors de cette conférence de presse à l’hôtel le Plaza, ce mercredi.

D’après le chargé d’affaires, « la réforme fiscale que soutient l’UE en Haïti vise une fiscalité moderne, à même de générer plus de revenus propres et ainsi mieux financer les politiques publiques, tout en réduisant la dépendance à l’aide extérieure ». « Il est essentiel, renchérit-il, de permettre aux représentants de la société civile d’exercer une veille active sur des décisions qui engagent la collectivité. L’enjeu est d’impliquer les acteurs de la société civile pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle et contribuer à ce que la gouvernance soit améliorée au bénéfice de toute la société haïtienne », a conclu M. Brigandi.


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