MosaikHub Magazine

Une sale odeur de déjà vu

mercredi 11 octobre 2017

National -

Des déclarations qui rappellent celles de tel médecin qui voulait faire de Port-au-Prince une montagne de cadavres.

Des appels à la violence de la part d’élus ou de hauts fonctionnaires. Des civils armés tirant sur des manifestants sous l’œil complaisant de policiers. En même temps une recrudescence des actes de banditisme. Cela a une sale odeur de déjà vu. Cela commence à ressembler à l’utilisation du banditisme comme arme politique. Cela commence à ressembler à la mise en place ponctuelle ou structurée de forces parallèles. Cela commence à ressembler à toutes ces pratiques d’un passé récent que les « gens bien » dénonçaient et contre lesquelles des milliers de personnes avaient manifesté.
Les mêmes pratiques n’auraient-elle pas la même valeur et ne seraient-elles pas condamnables quand elles sont utilisées par Pierre plutôt que par Jacques ? La complaisance de la part de certains secteurs, en face de ce qu’il convient d’appeler une dérive ne témoigne pas de leur respect de la démocratie. Et elle n’est guère intelligente. Seule la dictature gagne, et encore cela ne dure qu’un temps, en ayant recours à la violence pour imposer sa politique. Je ne connais pas les intentions du président. Mais aurait-il des intentions autoritaires, il n’aurait pas sur le temps long les moyens de les mettre en œuvre. Le temps est passé de toute folie dictatoriale.
La tentation répressive, lorsqu’elle manque de moyens institutionnels, dérive vers des moyens qui finissent par faire perdre au pouvoir qui les choisit toute légitimité et autorité morale. Cela est arrivé à la présidence de Jean Bertrand Aristide au début des années deux mille. Elle ne pouvait plus convaincre et tous les mauvais moyens étaient bons pour elle pour essayer de se maintenir. Nous n’en sommes pas encore là avec la présidence de Jovenel Moïse, mais elle semble prendre ce chemin.

Il conviendrait déjà qu’elle fasse taire ses aboyeurs cracheurs de menaces, qu’elle soit propre dans sa gestion des revendications de la population sans recourir à des actions folles et criminelles. Il conviendrait qu’elle ne donne pas l’impression que c’est ce qu’elle fait et compte continuer de faire.
Combien de citoyens avaient voté ? Combien de citoyens avaient voté Jovenel Moïse ? Il n’y a pas de vraie base populaire, et le recours à la cooptation ou aux « services » d’activistes désœuvrés du lumpen prolétariat ne peut pas créer une base. Ces services sont au plus offrant et n’ont pas valeur d’allégeance.
Cette sale odeur de déjà vu a quelque chose d’inquiétant. Quand bien même on voudrait servir ce pouvoir, il faudrait lui conseiller de ne pas s’engager dans l’impasse de la répression illégitime et l’usage de moyens pervers pour essayer d’obtenir le calme par la terreur. La terreur isole celui qui l’exerce, surtout lorsqu’il n’en n’a pas les moyens.
Si cette sale odeur de déjà vu continue de se répandre, on finira par toucher à la presse et on atteindra là les limites du conciliable entre population et pouvoir. Espérons pour le pouvoir qu’il a au sein de lui autre chose que des aboyeurs qui appellent à la violence, mais des amis capables de dire : tenter de réprimer par n’importe quels moyens n’est pas la solution.

Antoine Lyonel Trouillot
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