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Tilori : la cité des Haïtiens oubliés

lundi 7 août 2017

Tilori est une localité située dans la troisième section communale de Cerca-la-source. Elle est limitrophe de la République dominicaine. Parcourir cette zone frontalière, c’est partir à la découverte d’une population haïtienne, estimée à quelques milliers d’habitants, laissée-pour-compte, qui n’a accès à aucun service de base. Les enfants ne sont pas enregistrés, ils n’ont pas d’école où aller et ne bénéficient d’aucun service de soins de santé. Cette population est dépourvue de tout : eau potable, infrastructure routière, sécurité...

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Vêtus seulement d’un maillot délavé, les pieds nus, trois gamins au physique frêle, installés devant leur bicoque, tendent la main à chaque automobile qui passe. Les plus âgés risquent de longues enjambées pour rattraper les automobilistes qui ne s’arrêtent pas. Dans cette zone, ils sont légion ces enfants de 5, 7, 12 ans, bravant le froid, parfois le soleil ou la pluie, qui mendient dans l’espoir de trouver de quoi manger et/ou de quoi s’habiller. « C’est la norme ici, parce que nous sommes jetés aux oubliettes », explique avec amertume Felipé Jean, père de cinq enfants.
La pauvreté, la misère qui sont remarquées le long de la route internationale ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Les gens se démènent dans une situation effroyable. Ils habitent dans des baraques. Ils n’ont accès à aucun service de base : eau potable, infrastructure routière, centre de santé. Edwin Paraison, directeur executif de la Fondation Zile, fait remarquer que dans les communautés frontalières la pauvreté est beaucoup plus accrue que dans les autres régions.
Dans ces contrées, l’État haïtien est absent. Filippe Jean, cheveux gris, du haut de ses quatre-vingt ans, a vu des choses. « Des enfants qui meurent de faim, des femmes qui meurent faute de soins de santé, des Dominicains qui tuent nos compatriotes parce que les forces de l’ordre sont absents… »
A Tilori, la seule présence de l’État dans ce coin d’Haïti se voit à travers la présence de ce commissariat en mal de ravalement. « Au début, onze policiers y étaient affectés. Maintenant, il ne sont que deux », déplore Acner Thilonor, coordonnateur du Conseil d’administration de la section communale (CASEC), contacté par le journal ce mardi. « La zone fait face à un problème d’insécurité. Les agents de l’ordre sont impuissants », témoigne le coordonnateur du CASEC.
Outre ce problème, il évoque l’épineuse question de documentation. La majorité de ces Haïtiens vivant à la frontière ne sont enregistrés nulle part. La raison ? Il n’y a aucun bureau déconcentré d’État civil disponible dans la zone. Pour doter leurs progénitures d’un acte de naissance, les parents doivent parcourir 18 kilomètres pour trouver le bureau d’État civil le plus proche. « Cette situation les décourage et ils ne viennent plus enregistrer les enfants », renchérit Acner Thilonor. Pour cette autorité locale, le problème de documentation reste l’une des principales préoccupation de cette communauté.
Aucune école nationale dans la zone
Trouver le pain de l’instruction est l’autre défi auquel doivent faire face les milliers d’enfants de Tilori. Ceux qui vont à l’école se tournent vers la République dominicaine. « Les Dominicains les accueillent pour nous », regrette Acner Thilonor, précisant que le nombre d’écoles privées dans les zones ne suffisent pas. Pourtant, l’État haïtien n’a jamais pensé de construire une école nationale dans la zone. Angela, 12 ans, est du lot de ces filles d’Haïti qui est reçue à une école publique dominicaine. « Pour aller à l’école, je dois marcher des heures et pour être à l’heure je dois me réveiller de très tôt », affirme la petite, cheveux roux, au physique chétif. Elle précise par ailleurs que là-bas on lui donne chaque jour un plat chaud.
Tilori est l’une des cités des Haïtiens oubliés. Les habitants de cette partie de la République d’Haïti disent souhaiter voir un jour, faire l’objet des préoccupations de nos autorités. Il faut que l’État se tourne vers ces zones frontalières qui sont totalement oubliées, explique Acner Thilonor.

Edrid St Juste
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