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Elections, les tournants…

vendredi 9 décembre 2016

Le Bureau du contentieux électoral départemental de l’Ouest a auditionné, mercredi, les trois contestations des résultats préliminaires de la présidentielle formulées par les avocats de Jude Célestin (Lapeh), de Moïse Jean-Charles (Pitit Dessalines) et de Maryse Narcisse (Fanmi Lavalas). Cette fois, il n’y a pas eu d’esclandre autour de la composition des tribunaux, car, finalement, c’est dans les listes complètes envoyées par le décanat du tribunal de première instance de Port-au-Prince et de la Fédération des barreaux d’Haïti que les juges électoraux ont été tirés au sort.

Le CEP, et c’est tant mieux, s’est ravisé, il a joué la carte de la transparence pour couper court à des effusions de salive et évacuer des suspicions de partialité légitimes rendant encore plus amère la défaite de ces trois candidats à la présidence conformément aux résultats préliminaires du scrutin du 20 novembre. Les décisions des tribunaux sont attendues sous peu alors que des observateurs, présents au BED, sont restés sur leur faim de preuves accablantes pour soutenir les dénonciations de coup d’État électoral en faveur de Jovenel Moïse. Il faudra attendre, prendre son mal en patience, sans oublier de féliciter les candidats qui ont utilisé les voies de recours tracées par le décret électoral.

Il reste à savoir si, en cas de défaite au BCED, au BCEN, ils seront bons joueurs, des leaders dignes et assez courageux pour dire à leurs partisans, qui manifestent à la capitale les 8,9 et 10 décembre 2016 contre « un coup d’Etat électoral », qu’il faut se calmer, éviter les casses et mobiliser leurs énergies dans la perspective de nouvelles batailles électorales, de prochaines victoires dont la construction débute dès l’installation du prochain président. L’exercice démocratique en France, en Norvège, en Italie, en Gambie, en République dominicaine devrait servir de leçon à nos leaders, s’ils aspirent à devenir de vrais démocrates, de vrais hommes et femmes d’État.

Les perdants sont donc attendus au tournant, tout comme les gagnants qui brûlent d’impatience pour sabler le champagne de la victoire, oubliant que c’est moins de 25 % de l’électorat qui s’était mobilisé le 20 novembre. Au reste du pays, les acteurs des élections de 2015 et de 2016 doivent envoyer le signal qu’ils sont des gens responsables, capables de placer l’intérêt collectif au-dessus des intérêts de clan. Cette responsabilité devrait également passer par la case d’une reconnaissance que, face à l’incapacité à mobiliser l’électorat, à convaincre sur la base de vraies politiques publiques, de vrais programmes prenant en compte l’intérêt de la population, l’heure du renouveau a sonné.

Sans se voiler la face, il faudra que les forces politiques en présence fassent la radiographie des causes de leurs échecs et de leurs victoires. Les résultats préliminaires de la présidentielle et des législatives, s’il n’y a pas de changement, disent qu’un parti comme Fanmi Lavalas s’est effondré, que le mythe Jean-Bertrand Aristide s’est étiolé, que le parti, avec un important vivier de sympathisants dans certains quartiers populeux de l’Ouest, doit regarder son histoire en face et se réinventer, faire la promotion des idées et non celle d’un papa sauveur, un leader messianique. Il faut accepter aussi que « l’électorat lavalas » s’est atomisé avec au moins trois candidats à la présidence.
Les résultats préliminaires disent également que les politiques à la conquête du pouvoir montent et démontent des structures politiques, souvent sans autres assises que l’opportunisme, la popularité d’une personnalité dans une circonscription, un département. Pas plus. L’heure a sonné également pour que les cerveaux de la classe moyenne déposent leurs costumes de marrons et assument leur alignement politique et idéologique.

Cela dit, sans enlever à Jovenel Moïse la satisfaction d’avoir largement gagné le scrutin du 20 novembre, selon les résultats préliminaires, il est utile de souligner à l’encre forte qu’une frange importante du secteur privé des affaires a mis son poids dans la balance en faveur du candidat du PHTK, héritier du bilan économique et financier non reluisant de l’ère Martelly. La mauvaise performance économique effraie moins que les menaces de dechoukay, peut-on comprendre. Si c’est Jovenel Moïse qui entre au palais national, il sera certainement attendu au tournant. On verra s’il sera capable de s’affranchir fermement mais sans fracas de l’asservissement qu’imposent les forces d’argent, maintenant confortablement le statu quo dans un système de production de pauvreté, d’inégalités socioéconomiques qui finira par s’imploser de manière fracassante.

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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