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Fidel Castro et le Che Guevara, deux visions pour une même révolution

dimanche 27 novembre 2016

Les deux hommes s’étaient rencontrés au Mexique en 1955 et s’étaient immédiatement liés d’amitié, partageant idées marxistes et envies révolutionnaires.

Le 3 octobre 1965 Fidel Castro rend publique une lettre que lui avait adressée Ernesto Che Guevara. Le Che, l’un des trois plus importants dirigeants de la révolution cubaine avec les frères Castro, a disparu depuis plusieurs mois. Sa dernière apparition publique remonte au 24 février, à Alger, où il a prôné « une lutte à mort contre l’impérialisme » et accusé « les pays socialistes d’être complices de l’exploitation impérialiste ». Les rumeurs s’amplifient, faisant état de divergences entre le Lider maximo et le Che qui n’a pas caché qu’il considérait le retrait des fusées soviétiques de l’île, lors de la crise des missiles d’octobre 1962, comme une trahison de Khrouchtchev.

« D’autres terres du monde réclament le concours de mes modestes efforts...et l’heure est venue de nous séparer », écrit le Che. « Si un jour, sous d’autres cieux, survient pour moi l’heure décisive, ma dernière pensée sera pour ce peuple (cubain) et plus particulièrement pour toi ». Le Che s’est secrètement rendu en Afrique puis en Tchécoslovaquie, avant de gagner la Bolivie à la tête d’une petite troupe de guérilleros. L’expédition est un échec et le Che est capturé et exécuté en octobre 1967.

Lettre d’adieu

Dans sa lettre d’adieu, le Che démissionne de ses fonctions à la direction du Parti communiste cubain, de son poste de ministre de l’industrie et renonce à son grade de commandant de la révolution et à la nationalité cubaine que Fidel Castro lui a conférée. « Si j’ai commis une faute de quelque gravité, c’est de ne pas avoir eu plus confiance en toi dès les premiers moments dans la Sierra Maestra », écrit-il à Fidel Castro avant d’affirmer avoir « toujours été en accord total avec la politique extérieure de notre révolution ».

Dans un long entretien accordé en 1988 au journaliste italien Gianni Mina, Fidel Castro n’a pas caché qu’il considérait que l’expédition bolivienne était prématurée. « Nous aurions préféré que le Che attende, mais nous lui avons apporté toute l’aide qu’il a demandée », a confié le Lider maximo, ajoutant qu’il avait eu « beaucoup de mal à se résigner à l’idée de sa mort ».

Après sa mort, Fidel a favorisé le développement du culte de la personnalité du Che. Un immense portrait du « guérillero héroïque » domine la place de la Révolution couvrant le mur du puissant ministère de l’intérieur. Un mausolée édifié à Santa Clara pour abriter ses restes est devenu un lieu de pèlerinage et une attraction touristique. « Nous serons comme le Che », scandent tous les matins les écoliers à l’ouverture des classes.

Profonde amitié

Les deux hommes se sont rencontrés à Mexico le 8 juillet 1955. Le jeune médecin argentin Ernesto Guevara s’était réfugié au Mexique après avoir assisté en 1954 au Guatemala au renversement du gouvernement progressiste de Jacobo Arbenz par un coup d’Etat fomenté par la CIA et la puissante compagnie américaine United Fruit. Fidel a gagné Mexico en mai 1955 après avoir été libéré du pénitencier de l’île des Pins où il purgeait sa peine pour l’attaque de la caserne La Moncada le 26 juillet 1953. Le courant est tout de suite passé entre les deux hommes et une grande amitié est née au fil d’interminables conversations. « Le Che était déjà marxiste et c’était un révolutionnaire plus avancé que moi », confessera des années plus tard Fidel Castro.

Sans hésiter, le Che se porte volontaire pour l’expédition que préparent les frères Castro. Nommé médecin du groupe, il s’embarque en novembre 1956 avec les 81 guérilleros sur le yacht Granma. Il jouit de toute la confiance de Fidel qui le nomme commandant en raison de ses qualités militaires. A la tête de la huitième colonne, le Che remporte une victoire décisive sur l’armée du dictateur Batista dans la ville stratégique de Santa Clara.

Créer « de nombreux Vietnam »

Le lendemain de l’entrée des barbudos dans La Havane, Fidel nomme le Che procureur suprême, ce qui lui vaudra de superviser plusieurs centaines de procès et d’exécutions (entre 200 et 600 selon les sources) d’agents du régime de Batista. En octobre, Fidel lui demande de rejoindre l’Institut national de la réforme agraire, l’organisme tout-puissant du nouveau gouvernement révolutionnaire. Nommé peu après président de la banque centrale, le Che est au cœur de la tension qui monte avec Washington et aboutira en 1962 à la mise en place de l’embargo contre l’île. Le 13 février 1960, c’est lui qui signe avec le vice-président soviétique Anastase Mikoyan le premier accord bilatéral avec l’URSS portant sur la vente de 4 millions de tonnes de sucre. Après la crise des missiles, sa volonté d’exporter la révolution vers l’Afrique et l’Amérique latine et de « créer deux, trois, de nombreux Vietnam » s’est heurtée à la realpolitik du clan pro-soviétique.

Le contraste entre le pragmatisme révolutionnaire de Fidel Castro et l’idéalisme teinté de romantisme du Che s’est accentué à l’épreuve de l’exercice du pouvoir. « L’homme nouveau » mu par les récompenses morales dont rêvait le Che est resté un vœu pieux et la révolution vieillissante n’a pu empêcher le retour en force des incitations matérielles et le creusement des inégalités.


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