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Redécouvrir le libéralisme "made in France" !

samedi 26 novembre 2016

On l’a oublié : Montesquieu, Constant, Tocqueville ou Bastiat sont les inventeurs méconnus d’une doctrine qui privilégie les libertés individuelles.

Par Catherine Golliau

Vraiment surprenant, l’excellent résultat de François Fillon à la primaire de la droite, le 20 novembre 2016 ? Certes, moins parce qu’il a fait mentir les prévisions que parce qu’il s’est imposé avec un programme résolument « libéral ». Or dans l’Hexagone plus qu’ailleurs, « libéral » est une insulte quand « communiste » n’est que ringard.

Pourquoi ? Parce que dans ce pays de culture profondément étatiste, le libéralisme rime avec dérégulation, privatisation, délocalisation des emplois, licenciements, chômage et inégalités sociales. Sur les réseaux sociaux, certains n’hésitent d’ailleurs pas à le comparer au fascisme, au risque de pratiquer l’oxymore ! En effet, s’il est bien une pensée qui ne peut être assimilée au totalitarisme de droite comme de gauche, c’est justement le libéralisme, même s’il est pratiqué avec excès : être libéral, c’est en effet vouloir défendre envers et contre tout la liberté de l’individu contre tous les pouvoirs, au risque de l’égoïsme le plus débridé.

Le libéralisme ne se réduit pas à l’économie


Le libéralisme partage peut-être plus avec l’anarchisme qu’avec le fascisme. Et, même si on l’associe généralement au capitalisme, il ne peut non plus être confondu avec lui. D’abord parce que la loi du profit s’adapte mal avec certains principes économiques libéraux comme la transparence du marché… Ensuite parce que le libéralisme ne se limite pas à l’économie.

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 © DR
iDéclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (page 1). Archives nationales, Paris. © DR

On lui doit certes l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais aussi le principe de la séparation des pouvoirs, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’abolition de l’esclavage, la liberté d’opinion et d’association, la presse libre et les syndicats (dont Jules Guesde, le socialiste, ne voulait pas). Le libéralisme peut être un humanisme, tout dépend comment l’on s’en sert. C’est une pensée globale, qui touche autant au politique qu’à l’économique et au sociétal.

Et autre idée reçue, ce n’est pas une invention purement anglo-saxonne, même si elle trouve ses origines en Angleterre avec Locke et les débuts de la monarchie constitutionnelle, même si on attribue le plus souvent sa paternité à Adam Smith, l’inventeur de « la main invisible » du marché, et à John Stuart Mill, le penseur utilitariste qui défendit le premier les droits de la femme.

Pour se libérer de tout despotisme

Non, le libéralisme est largement d’origine française, il est même « made in France » puisqu’après Montesquieu, à l’origine d’une réflexion fondamentale sur le rôle de la loi comme garante des libertés individuelles, c’est principalement dans l’Hexagone, et au XIXe siècle, qu’il va trouver ses plus grands théoriciens : Benjamin Constant, François Guizot et Alexis de Tocqueville, pour la pensée politique, Jean-Baptiste Say et Frédéric Bastiat pour l’économie. Mieux, chacun d’entre eux développe « sa » conception du libéralisme, preuve s’il en est que cette doctrine n’est pas monolithique.

Alors pourquoi le déteste-t-on autant, direz-vous ? Bonne question. Peut-être parce que dans un pays à forte culture chrétienne, on l’a assimilé à une valorisation de l’individualisme le plus égoïste. Peut-être parce les puissants ont détourné ses principes à leur seul avantage.

Mais n’est-il pas temps de les redécouvrir, ces principes ? Libérer l’homme du despotisme quel qu’il soit – l’Église, l’État, les pouvoirs économiques aveugles –, tel est le moteur de la pensée libérale. Ensuite, il faut savoir conduire la machine pour qu’elle ne se retourne pas contre les hommes eux-mêmes, aux dépens des plus fragiles. Que l’on soit pour ou contre, il est indispensable d’en connaître les ressorts, ne serait-ce que pour comprendre les débats qui agitent aujourd’hui la France, de la réforme de l’État au problème de l’immigration, en passant par la remise en cause du Code du travail. Sans a priori.


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