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Guy Philippe mis K.O par l’ouragan Matthew

mardi 25 octobre 2016

Dans un article paru dans le New York Times la semaine dernière, Guy Philippe, l’un des hommes les plus redoutés en Haïti, selon le quotidien américain, accuse le gouvernement haïtien d’ignorer volontairement Pestel, sa ville natale où il réside actuellement, à cause de lui. Dans les colonnes du New York Times, l’ancien chef rebelle qui a renversé le président Aristide se dit prêt à se sacrifier si cela ramènerait sa ville sur la carte de l’aide internationale.

« Je n’ai pas l’habitude de mendier, mais cette fois je dois [le faire] », déclare Guy Philippe au New York Times. « C’est la première fois de ma vie, je sens que je ne peux rien faire pour mon peuple. Ils sont affamés », poursuit-il, faisant référence aux 80 000 personnes habitant sa ville natale, Pestel, nichée sur des montagnes escarpées.

Alors que l’aide a déjà atteint de nombreuses régions dans le sud du pays, en particulier les grandes villes, les coins les plus reculés ont trouvé peu de soutien des convois de camions chargés de nourriture et de médicaments qui parcourent la route nationale.

Mais Guy Philippe, rapporte le New York Times, a une autre théorie pour expliquer pourquoi sa ville est exclue par le gouvernement et l’aide internationale, en dépit du fait qu’elle est le deuxième centre le plus peuplé du département de la Grand’Anse. « Ils punissent les gens à cause de moi », se désole-t-il, estimant que la faim devrait être au-dessus de la politique.

Si cela pouvait faire une différence, si cela pouvait aider les groupes d’aide et les autres à se sentir plus en sécurité, a-t-il dit, il quitterait la région. « Si cela vous aide, je vais aller en prison pour que les gens puissent manger ici », dit-il. « Ou je vais partir pour le temps qu’il faut ».

« Juste apporter de la nourriture ici », supplie-t-il.

Pour le New York Times, l’ouragan Matthew a fait ce que ni le gouvernement ni les forces armées n’ont réussi à accomplir : mettre le commandant hors-la-loi à genoux.

En effet, la DEA (Drug Enforcement Administration) le recherche pour trafic de stupéfiants ; le gouvernement haïtien pour avoir tué des policiers. Il a mené une rébellion armée et a survécu, d’après son décompte, à sept tentatives d’assassinat. Depuis sa ville natale, il a évité la capture depuis près d’une décennie.

L’animosité de Guy Philippe envers le gouvernement provisoire actuel est bien connue. En 2004, il a aidé à renverser le président Jean-Bertrand Aristide du pouvoir. Aujourd’hui, l’ancien ministre de l’Intérieur de M. Aristide, Jocelerme Privert, est président par intérim.

Compte tenu de sa réputation, et ses dizaines de partisans armés, Guy Philippe pourrait facilement s’emparer de l’aide qui passe par la Grand’Anse. Mais il sait que cela ne fera que l’isoler de la légitimité dont il a envie.
« Ils appelleraient la radio locale 10 minutes plus tard pour dénoncer Guy Philippe comme un bandit », dit-il. « Et à la fin, ce serait pire pour mon peuple ».

Et d’ailleurs, il doit tenir compte de sa campagne politique. Guy Philippe brigue un siège au Sénat, dans des élections retardées de plus d’un an maintenant. Il se dit confiant de sa victoire, étant donné sa popularité dans le département. « Même si je meurs, je vais gagner », dit-il en riant.

Aujourd’hui, sa puissance est incontestable dans la ville, et plus largement dans la Grand’Anse, relate le New York Times, où les résidents accourent de leurs maisons pour le saluer et l’appeler « sénateur » ou « commandant ».
Grâce à une connexion, il a réussi à obtenir une expédition d’aide de Food for the Poor, quelques centaines de sacs de riz et des haricots, du lait, de l’eau et cornflakes, rapporte le journal américain.

Comme une grande partie de la péninsule sud du pays, Pestel se tord sous le poids de la catastrophe. A peine une maison est exempte de dommages. L’ouragan a ratissé presque chaque ferme, privant 80% de la population de sa principale source de nourriture. Les villageois marchent pendant des heures à la ville la plus proche à la recherche de produits de base. Les prix ont fortement augmenté, vidant les poches de ceux qui peuvent le moins se le permettre, poussant certains dans le banditisme en proie à leurs besoins.

Source : New York Times

AUTEUR

Patrick Saint-Pré

sppatrick@lenouvelliste.com


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