MosaikHub Magazine

Lettre à mon papa sur les élections

mercredi 5 octobre 2016

Papa, me voici en âge de faire de la politique, tu ne me dis rien. Alors que, le père d’une jeune comme moi lui a déjà écrit une lettre pour la conseiller au sujet des élections. En fait, je comprends pourquoi tu ne le fais pas, papa.

Écrire est difficile pour toi, je ne t’ai jamais vu avec un crayon ou une plume, tu n’as pas eu la chance d’accomplir le cycle fondamental puisque tu devais travailler toi-même pour survivre. De plus tu es si pris dans cette campagne que tu n’as pas assez de temps pour m’en parler. Alors, c’est à moi, papa,de t’écrire une lettre. J’espère qu’à l’arrière de la voiture où tu te trouves avec les soi-disant« militants » qui t’accompagnent tu auras la chance de faire sa lecture avant que la vague de violences probables se déclenchent. Tu peux papa, ce n’est pas difficile ! Tu dis toujours « elèv mwayen II tan lontan, vo elèv segonn kounya ». Et, papa je t’en prie, quoi qu’il advienne, de ne pas faire de violences sur quiconque, puisque tous ceux que tu vas rencontrer sur ton chemin seront nos frères : des pauvres ouvriers, paysans aliénés. Ils sont dans l’illusion comme toi !

Tu sais papa, j’ai eu l’envie de te dire non, n’y va pas, quand les « militants » sont venus te chercher. Mon cœur se déchirait en te voyant t’éloigner de moi avec ce T-shirt portant le visage de cet inconnu que tu n’auras jamais la chance de rencontrer face à face. Je sais que les affiches que tu portais sur ton bras coûtent plus que notre loyer pour 5 ans. La colle que tu utilises coûte plus cher que l’année scolaire dont j’ai ratée à cause de dette. L’argent de l’essence dans la voiture qui te transporte peut nous nourrir pour plusieurs mois. Toutefois, papa j’étais obligé de te laisser partir en espérant que tu reviendras avec 1000 gourdes ce soir pour que Ti Guy ne nous avilisse pas dans le quartier pour les 250 gourdes qu’il nous a prêtées depuis quatre mois ; et aussi pour que la propriétaire de cette petite chambre trouée qui nous loge, par peur de tes amis « militants » nous donne la chance d’y rester encore un mois, en attendant que « Ton Djo » nous envoie les 150 USD qu’il nous a promis pour la payer.
Sincèrement papa, je ne vais pas dormir avant que tu reviennes. Je suis resté accroché à notre petit poste de radio, même s’il n y a pas d’électricité et les piles sont trop faibles, pour m’assurer que ton nom n’est pas dans la liste des victimes de la violence électorale.

Depuis ta révocation injuste, comme tu le répètes toujours, notre vie est un enfer ! Personne, aucun des dirigeants passés n’a pensé à mettre en place un système de sécurité sociale. Aucun d’entre eux n’a jamais pensé que tout le monde doit avoir droit à la santé, à l’éducation, à un emploi et un salaire décent. Alors, j’ai envie de te dire que nous n’avons, toi d’abord papa, pas à nous mêler dans leur saleté de politique.
Depuis 2004 je t’entends te plaindre de la présence de ces blancs qui ne nous apportent que malheurs. Tandis que, tous les jours nos politiciens parlent de souveraineté. Tu n’as pas fréquenté l’université mais de retour d’une manifestation, un mois d’octobre je crois, tu m’as dit que ce n’était pas cela le rêve de Jean Jacques Dessalines : nous voir sous les bottes de ces exploiteurs. Les étudiants qui t’ont accompagné à la manifestation ont ajouté que Dessalines voulait non seulement que notre pays soit souverain mais aussi la liberté et le bien être de tous. Je me demande pourquoi nos politiciens actuels ne luttent pas pour cette même cause.Hmmmm !

Papa, n’est-ce pas vrai qu’à la radio on accuse certains politiciens de corrompus. Alors, pourquoi peuvent-ils être candidats aux élections ? Pourquoi on ne les condamne pas ? Attention, ne laisse pas les militants voir cette partie. Qui leur [les militants] procurent ces armes lourdes ? Pourquoi faut-il qu’ils tuent leurs propres frères —des pauvres malheureux comme nous— pour donner le pouvoir à des gens qu’ils ne connaissent pas ? Ne dis pas qu’ils ont mille gourdes pour tous les crimes qu’ils commettent ?
Bon papa, je sais que tu ne peux pas être trop long, tu dois faire ton boulot. Seulement, je veux te rappeler ce que tu as dit quand nous étions chez mon parrain lorsque nous regardions le documentaire sur la révolution realisée sur l’île qui se trouve tout près de nous. Le nom du pays m’échappe mais je me rappelle des deux noms qu’on a le plus cités, Che et Castro. Tu t’en rappelles !Tu as dit que : « seule une révolution peut changer la situation de notre peuple, des travailleurs, des paysans » ! Donc, papa si au moins je peux te conseiller, je te dirais de laisser tomber ces affiches.Viens ! Je t’attends ! Imagine ce que j’ai en main. Je l’ai cherché sous le matelas, je l’ai trouvé tout neuf : le drapeau rouge.
Papa n’attend plus, la révolution nous attend. Ne sommes-nous pas à l’heure de faire rompre avec ce système corrompu et criminel ?

Biltonn Bossé
Psychologue
Professeur


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie