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Italie : nouveau chapitre ou exploit isolé ?

dimanche 3 juillet 2016

Il y a élimination et élimination. En juin 2014, alors qu’elle s’incline deux fois de suite contre le Costa Rica (0-1) et l’Uruguay (0-1), la Nazionale dit adieu au Mondial brésilien dès le premier tour.

Deux ans après s’être inclinée en finale de l’Euro face à l’Espagne, elle quitte la compétition par la plus petite des portes et, dans les minutes qui suivent, Cesare Prandelli présente sa démission, car "son projet a échoué". Deux ans plus tard, l’élimination n’a plus du tout la même saveur. Certes, elle est toujours aussi amère. Cruelle. Mais c’est une élimination dont aucun Italien ne pourra rougir, à l’inverse d’il y a deux ans. Au contraire, même, l’Italie en ressort grandie et ses supporters habités d’un sentiment de fierté. Le fiasco brésilien est pardonné et la Nazionale a prouvé qu’elle était toujours une grande nation du football, et qu’elle aurait même pu aller au bout avec un tableau un peu plus clément. Malgré le fait qu’elle n’a pas franchement été épargnée par le tirage (contrairement à d’autres...), elle est parvenue à taper la Belgique, à sortir l’Espagne double championne d’Europe, et est passée à un penalty près d’éliminer l’Allemagne championne du monde. Tout ça avec pas mal de joueurs moyens, une génération pas vraiment dorée, mais un putain de meneur d’hommes en la personne d’Antonio Conte.

D’une équipe sans ambition à une équipe capable de battre n’importe qui

En deux ans, Conte a en effet dû bâtir une équipe avec les moyens du bord. Pirlo a tiré sa révérence, Balotelli a disparu de la circulation, Cassano a pris 10 kilos, il fallait donc composer avec le peu de certitudes encore à disposition. Pendant des mois, Conte a ainsi étudié, a placé ses pions, a dessiné des petits schémas sur ses cahiers. Petit à petit, les contours de sa future Nazionale se sont dessinés : exit le faux tiki-taka qu’avait tenté de mettre en place Prandelli, l’ancien technicien de la Juve mise sur les fondamentaux et surtout sur ce que son équipe sait faire de mieux. Bien défendre, presser, se déplacer en bloc. C’est en appliquant ces valeurs à la lettre qu’elle a d’abord décroché son billet pour l’Euro. Elle termine en tête de sa poule de qualification, devant la Croatie et sans perdre le moindre match. Pourtant, tous les observateurs continuent de la voir comme une équipe sans ambition. On l’imagine se fracasser contre la Belgique et devoir lutter avec la Suède et l’Irlande pour la qualification. Mais Conte avait bien préparé son coup.

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L’élimination de l’Italie marque la fin du mandat de Conte. Le coach a-t-il ouvert la voie à …

L’Allemagne sort des Italiens tout penauds

Et même quand il apprend qu’il doit composer avec les forfaits de Marchisio et Verratti, le sélectionneur ne se démonte pas : il s’appuiera sur le bloc défensif de la Juventus et fera jouer ensemble sur toutes les zones du terrain des joueurs qui se connaissent déjà (Parolo-Candreva de la Lazio / Giaccherini-Éder-Pellè-Parolo des anciens de Cesena). Et surtout : il motivera les troupes pour que chaque joueur tire le maximum (voire un peu plus) de lui-même. En fait, elle est là, la victoire de Conte : réussir à créer une équipe capable de battre n’importe qui avec des joueurs qui, individuellement, ne cassent pas la baraque. Tout l’inverse d’un Marc Wilmots, par exemple, incapable de donner une identité collective à un groupe pourtant composé d’excellents joueurs. Et c’est à cela que l’on reconnaît les grands entraîneurs.

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Après Buffon et la BBC, qui ?

Malgré l’orgueil et la fierté des Italiens après cette prestation face aux Allemands, l’élimination de ce samedi soir est triste parce qu’elle marque la fin de l’ère Conte. Même si, dès le coup de sifflet final, le coach a affirmé qu’il s’agissait "d’un au-revoir et non d’un adieu", son mandat s’arrête là. Dès le prochain amical (France-Italie le 1er septembre), c’est Giampiero Ventura qui posera ses fesses sur le banc de la Nazionale. Un coach qui, à l’inverse de Conte, n’a jamais rien gagné dans sa carrière. Son but sera de reprendre l’héritage laissé par le nouveau manager de Chelsea, mais la tâche sera difficile. Allegri l’a fait avec brio à la Juventus en 2014, mais les joueurs à disposition n’étaient pas les mêmes. Il est plus aisé de se hisser en finale de C1 avec Vidal, Pirlo, Tévez, Morata et Marchisio qu’en finale de Coupe du monde avec Éder, Sturaro et Pellè. Car même si cet Euro est la preuve que l’Italie est toujours une grande nation de football, il ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

Les notes de l’Italie

L’Italie a un véritable vide générationnel et un cruel manque de talent. Conte est parvenu à les faire oublier grâce à une équipe type solide, et un engagement et une rigueur sans failles. Mais le match face à l’Irlande, où neuf remplaçants ont été alignés, a suffi à prouver que derrière le onze type, c’était déjà plus compliqué. Buffon arrêtera en 2018, et aucun gardien ne pourra remplacer une telle légende. Chiellini-Bonucci-Barzagli ont tous passé la trentaine. Ils seront là en 2018, probablement aussi en 2020, mais après ? (Rugani ? Romagnoli ?) Même problématique en attaque. Les Italiens ont célébré avec allégresse les reprises de volée à bout portant de Graziano Pellè et ses remises de la poitrine, mais on parle quand même d’un joueur qui rate à peu près neuf passes sur dix quand il s’agit de donner le ballon dans les pieds. Et aucun joueur actuel (Immobile, Zaza, Éder, voire même Gabbiadini) ne semble en mesure d’être le vrai avant-centre que mérite la Nazionale. Ventura a donc un sacré chantier devant lui, mais aura au moins une vraie base à partir de laquelle repartir. Une chance que n’avait pas eue Conte, lui qui avait dû composer sur un champ de ruines après 2014. Et Ventura n’aura que peu de temps. 2018, c’est déjà demain.


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