MosaikHub Magazine

Magnum 40

jeudi 23 juin 2016

UNE Sous le thème « Emeraude de la musique haïtienne », Encre d’Or propose deux spectacles ce week-end pour célébrer les quarante ans le groupe Magnum Band. Le 25 juin, à l’hôtel Marriott, à compter de 8 h pm ; et le 26 au Parc Historique à 6 h pm. Selon Dadou Pasquet, c’est probablement la dernière fois que le groupe célébrera son anniversaire en Haïti. Autant dire que ce sont deux rendez-vous à ne pas manquer, sous aucun prétexte.

Autant que les Chancy, les Sicot et les Déjean, les Pasquet (Dadou et Tico) sont une fratrie qui a marqué la musique haïtienne d’une empreinte que de longues années ne sauraient effacer. Qui peut rester insensible à des titres comme ’’Eksperyans’’, ’’Libète’’, ’’Jehovah’’, ’’Pike devan’’, ’’Achade’’, ’’Ayiti’’, ’’Revelasyon’’ ? Des titres de plus de trente ans en moyenne...

Dadou confie qu’aujourd’hui encore, ça lui arrive que des moins de 20 ans lui demandent si telle ou telle musique vient de sortir. Cette fraîcheur éternelle, selon l’éminent musicien, est due au fait que l’avant-gardisme a toujours été le topo de leur travail.

Le groupe se réclame un certain cousinage avec Earth, Wind and Fire, virtuose U.S du funk, d’où peut-être l’idée répandue selon l’artiste que Magnum n’est pas un groupe haïtien. Au fait, les deux frères sont deux New-Yorkais d’adoption ; ils ont dû fuir à fleur de l’âge notre république avec leurs parents à cause de Duvalier dont les sbires paranos éliminaient quiconque portait un patronyme comme Pasquet blacklisté par le régime. Par conséquent, dès le départ, ils ont pris la tangente par rapport aux bases traditionnelles de la musique de Nemours. Les deux gosses à l’époque se sont dirigés vers le funk et le disco qui faisaient ravage dans les rues de la grande ville américaine. Le cuivre et cette quête perpétuelle de magnificence ont donc créé ce groupe qui propose selon son leader « des plats de bonne qualité. » Quand ils collaborent avec des Haïtiens, c’est avec les meilleurs. « Je n’avais pas 20 ans, j’étais au sein de Tabou Combo, dit Dadou ; je fréquentais des grands maîtres tels que Raoul Guillaume, Guy Durosier, Les Frères Déjean, Webert Sicot, Gérard Dupervil… »

Autre piste pour saisir ce refus de la musique fast-food, selon ses propres mots, c’est l’ADN. « On est Legros du côté de ma mère, donc des héritiers de Dodolphe Legros, grand musicien devant l’Eternel ; on est baigné dans la sauce depuis le berceau », continue le guitariste.

Dadou raconte que sa bande, qui a fait les Jeux Olympiques d’Atlanta, la scène à Paris, en Louisiane dans des festivals d’envergure, n’attire pas toujours les Haïtiens se retrouvant dans certaines contrées à l’étranger. Dans ces mêmes contrées, selon lui, où des groupes comme Tropicana ou Djakout attirent les foules de nos compatriotes. Une indifférence dont il n’a pas la moindre explication.

40 ans pour Dadou, c’est 40 ans de lutte d’endurance telle que contée dans « Fyète », un de leurs classiques qui a fait naguère l’objet d’un remixage. Il leur fallait encaisser des coups de la part de producteurs sans scrupules. Un de ces malfrats, tel qu’explique le musicien, leur a proposé de partir au Japon pour une tournée avec des clauses qui ne leur convenaient pas. A leur refus, le producteur a préféré monter un autre Magnum pour aller tourner avec les chansons du groupe original dans plusieurs villes du pays du soleil levant. Il y a aussi ceux qui ont décidé de faire la guerre à la qualité à l’avantage du « tout voum se do ». La descente aux enfers d’Haïti depuis Duvalier est un autre accusé. Il y aussi le mépris des autorités. « En revenant de notre prestation aux JO d’Atlanta, personne n’est venue nous tendre la main pour nous féliciter à l’aéroport », se souvient le chanteur-musicien. Magnum n’a jamais pris part au Compas Festival de Miami. Pourquoi ? Dadou l’ignore ! Or Kassav’ et Barikad Crew qui n’ont rien à voir avec la musique de Nemours y sont passés.
Une satisfaction ? Le monument dit se contenter du fait qu’il existe encore et de ne pas être à court de créativité quarante ans plus tard. « Tout ce qu’on fait chez nous, c’est pour le plaisir. Ailleurs, je suis protégé par Sacem, or chez nous, on est détruit par les copies ; donc, ici, la satisfaction n’est autre que dans le fait d’avoir créé quelque chose », regrette-t-il.

La progéniture de Magnum ? « On n’a aucun groupe en Haïti de la génération actuelle qui semble vouloir faire comme nous », nous avoue le sexagénaire. Dadou Pasquet affirme pourtant en compter un tas dans les Antilles Françaises où la bande de quarante ans est l’une des déités du totem.

C’est probablement le dernier anniversaire en Haïti
En plus du fait que son frère Tico et lui prennent de l’âge, Dadou dit se questionner sur l’intérêt du groupe à continuer à fonctionner dans des conditions difficiles avec peu de retour de la part de ceux dont il fait la promotion de la culture, en plus dans un registre élevé sur des échiquiers étrangers. Par conséquent, le chanteur suggère aux aficionados des premières heures et ceux qui les ont rejoints en cours de route ou qui viennent de les découvrir de profiter des deux soirées organisées par Encre d’Or dans le cadre de ces quarante ans. Le 25, il y a Mizik Mizik, Carole Démesmin en guest stars à l’hôtel Marriott ; le lendemain, au Parc historique, Akoustik se joindra au groupe pour porter un toast à ses quarante ans.

AUTEUR

Chancy Victorin

chancyvictorin@ticketmag.com
Réagir à cet article


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie