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Septentrional

Nap sove chérie

vendredi 10 juin 2016

Islam Louis Etienne
Vivre en société, ce n’est pas seulement être aimé, protégé, avoir des amis ou une famille. C’est aussi se confronter aux intérêts divergents des autres, se heurter à leurs humeurs, à leurs désirs. La personne aimée n’a pas forcément les mêmes désirs, les mêmes opinions et les mêmes buts que vous. Vivre en société, c’est reconnaître et accepter de fait certaines règles, certains principes, certains comportements comme des mythes pour accomplir la volonté d’une autorité établie. On ne cultive pas le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation est de faire le bien. On dit généralement qu’un groupe d’hommes n’a pas de conscience ; mais un groupe d’hommes consciencieux devient un groupe d’hommes doué de conscience. La loi et les principes n’ont jamais rendu les hommes plus humains, plus justes et plus tolérants et par l’effet du respect qu’ils leur témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice et de la désobéissance. Le résultat courant et naturel d’un respect indu pour la loi, c’est qu’on voit une file de militaires marchant au combat par monts et par vaux dans un ordre admirable, contre leur gré, contre leur bon sens et contre leur conscience ; ce qui rend cette marche fort âpre en vérité et éprouvante pour le cœur. Ils accumulent ainsi des frustrations considérables parce qu’ils ne se retrouvent pas nécessairement dans ce qu’ils font, même si, aux yeux de leurs chefs, ils sont des militaires modèles. On cultive par contre à outrance le culte de l’hypocrisie et du mirage.
Il est applaudi, le soldat qui refuse de servir dans une guerre injuste par ceux-là mêmes qui ne refusent pas de servir un gouvernement injuste qui fait la guerre. Il est applaudi, par ceux-là mêmes dont il dédaigne et réduit à néant l’autorité. Comme si l’Etat devenu pénitent allait jusqu’à engager quelqu’un pour se faire fouetter au moment du péché, sans arrêter un instant de pécher pour autant. Ainsi, sous le nom d’ordre, d’obéissance et de civisme, nous sommes tous amenés à rendre hommage et allégeance à notre propre médiocrité. On rougit d’abord de son crime et puis, on s’habitue et le voilà qui d’immoral devient anormal et non sans usage dans la vie quotidienne hermétiquement fermée que nous nous sommes fabriquée. Un sage n’abandonne jamais la justice aux caprices du hasard. Il ne souhaite pas non plus qu’elle l’emporte par le pouvoir d’une majorité. Celui qui se livre corps et âme à ses semblables passe à leurs yeux pour un bon à rien, un égoïste ; mais celui qui ne leur voue qu’une parcelle de lui-même est salué par des titres pompeux de héros, de bienfaiteurs et de philanthropes. Un chat qui est battu dans un espace entièrement fermé finit par agresser son agresseur. Dans tout ce que l’on fait, il faut laisser un espace d’expression pour appréhender une réalité autre que la nôtre.

Le système social est le fait que les éléments du phénomène social sont reliés entre eux et orientés vers un objectif commun. L’exemple classique du système social est le triangle formé par le père, la mère et les enfants avec une prédominance absolue des parents à qui ils doivent une obéissance aveugle. L’obéissance est l’une des formes remarquables de l’influence sociale, il est question d’obéissance lorsqu’un individu adopte un comportement différent parce qu’un autre individu, perçu comme une source d’autorité le lui demande. L’individu dominé reconnaît à un autre une valeur certaine. Lorsque cette connaissance est faite, l’individu passe alors un accord tacite avec le supérieur qu’il a reconnu. Il échange sa liberté contre la volonté générale d’être assuré ou sécurisé. L’obéissance est nécessaire pour la bonne marche de toute société. Les parents restent et demeurent les meilleurs guides pour leurs enfants.

N ap sove est-il un problème de comportement ?

Le comportement est une réalité appréhendable sous la forme d’unité d’observation. Ce sont des actes dont la fréquence et les enchaînements sont susceptibles de se modifier. Il traduit en action l’image de la situation telle qu’elle est élaborée, avec ses propres outils, par l’être que l’on étudie. Le comportement exprime une forme de représentation et de construction d’un monde particulier.
En écrivant cette chanson, Alfred Moise met aux prises les besoins du sujet face aux principes et exigences des parents. Lorsque le premier n’est pas la continuité du second, il ya un problème que l’adolescent résout à sa façon. L’adolescence, c’est l’âge de l’affirmation et de la contestation. L’adolescent a besoin d’évoluer selon sa volonté, selon ses propres principes pour résoudre ses problèmes et combler ses désirs. Il veut paraître comme un individu autonome et indépendant qui rejette la théorie des autres pour expérimenter ses propres théories, pour appréhender les problèmes de la vie à sa manière. D’ailleurs, il voit tout en rose et croit qu’il a la capacité de tout faire, y compris celle d’abandonner le foyer familial pour donner libre cours à ses penchants. Il se comporte comme un somnambule avec œillère qui ne voit, n’entend et ne jure que par sa capacité d’agir dans son propre intérêt pour construire et défendre son rêve et dont le mouvement n’est pas un effet fortuit comme celui d’une branche au vent, mais le résultat d’une organisation spécifique de l’organisme.-

Ses facteurs primordiaux qui sont directement en relation avec cette capacité sont : l’organisation, le mouvement, la limite et l’organisme. L’organisation est un facteur primordial et fondamental du vivant parce que tout être humain est une structure hautement organisée. La désorganisation et le déséquilibre provoquent la mort. Le mouvement est un autre facteur primordial car tous les éléments d’une structure vivante sont en mouvement perpétuel. L’arrêt de ce mouvement provoque la mort. La limite est également un facteur primordial du vivant parce que tous les êtres vivants sont assignés des limites externes et souvent de nombreuses limites internes. La suppression de ces limites entraîne la mort. L’organisme n’est une structure vivante et pensante que par l’existence des limites et des mouvements organisés. En définitif, le comportement est un ensemble de mouvements organisés pour agir à l’extérieur de l’organisme.-

Alfred Moïse raconte l’histoire d’une jeune femme qui est éprise d’amour pour un jeune homme qui n’est pas aimé par ses parents. Le problème est actuel et il peut être étudié sous deux angles différents : autrefois, les parents choisissaient le conjoint de leurs enfants. Même si ceci se fait de moins en moins, ils croient toutefois avoir le dernier mot sur le choix. Ils pensent toujours avoir le droit d’aimer ou de ne pas aimer. Ensuite, ils veulent être partie prenante depuis la genèse de l’aventure pour évaluer la situation. Alors que généralement, c’est après l’entente entre les parties que le fait est porté à leur connaissance. S’ils refusent d’agréer le choix d’une aventure déjà scellée, déjà implantée qui possède déjà des racines, l’objection peut être brutale. Comme c’est le cas dans la chanson. La fille a décidé d’abandonner la maison parce que les commandements imposés par les parents ne lui permettent pas de concrétiser son rêve. Elle s’est sauvée sans savoir où aller ni comment vivre. L’essentiel, est qu’ils veulent être ensemble pour vivre intensément leur amour. Le reste viendra après. Le titre est évocateur et très significatif. La chanson pose un problème de société. N ap sove traduit un refus catégorique et systématique de respecter les lignes directrices tracées par les parents ; un rejet des normes en vigueur et de l’éducation familiale pour affronter la brutale réalité de la vie ; un revirement spontané face aux normes sociales pour construire son propre monde avec sa propre philosophie. Les parents prônent généralement des comportements qui ne rentrent pas toujours dans les visées des enfants. Parfois, ils ne réagissent pas par respect sans pour autant accepter la situation comme un fait accompli. Les parents doivent comprendre que l’adolescence est l’âge de la folie, de l’utopie et des fantasmes. Les enfants recherchent un espace d’expression pour s’affirmer, pour imposer leurs choix et pour se faire accepter comme ils sont mais pas comme ils devraient être. Ils sont disposés à tout risquer, à tout hypothéquer, à tout repousser et à tout renverser pour faire triompher leur vision et leur volonté. Lorsque l’enfant jette son dévolu sur quelqu’un qui n’est pas accepté par la famille, les rencontres se font n’importe où et dans n’importe quelle condition à l’insu des parents, bien sûr. L’enfant n’a aucune protection, aucun support, aucun appui, aucune limite et aucun respect par rapport à l’agressivité et à la cruauté des uns et des autres. Il dit n’importe quoi pour sortir ; vit dans un monde parfaitement irréel ; évolue dans un parterre où il n’y a que des fleurs sans ronces et sans épines. Il découvre une des beautés de la vie dans des rêves fantastiques et dans des promesses sans lendemain. Il perd toute capacité d’analyse et toute volonté pour résister à la tentation. Lorsque la pression devient trop forte et la résistance trop faible, c’est la rupture totale et à ce moment précis, la vérité est d’abandonner le toit familial pour intensifier les rencontres et pour vivre intensément leur amour. Il y aura certainement une éclaircie, un moment de lucidité où les problèmes vont apparaître comme un écran fixe et les solutions ne seront pas à la portée de la main. Certaines fois, certains virages sont irréversibles et certains affronts impardonnables. Les parents les considèrent comme des provocations qui peuvent désarticuler toute une famille et diviser toute une race. Ce n’est pas toujours rassurant de se sauver mais c’est important de mener la lutte au sein même de la famille pour renverser la tendance et aussi se protéger contre les malfrats sous l’œil vigilant des parents.
Les mœurs évoluent. Les hommes doivent aussi évoluer pour nous donner une société en harmonie avec elle-même, bâtie sur des normes acceptées par tous et régie par des règles respectées par tous, avec des composantes soudées entre elles sans haine, sans division et sans violence. La psychologie sociale étudie notamment les influences réciproques entre les comportements individuels et les comportements collectifs. Une société désagrégée est la résultante de nombreuses familles désunies, désarticulées. Un individu en groupe ou dans une société formelle ou informelle perd plus ou moins une grande partie de son autonomie de pensée. Il a tendance à se rallier à la pensée et au comportement collectif et à se comporter différemment de ce qu’il ferait s’il était isolé. L’individu qui reçoit des stimuli peut changer de comportement. Il existe une interaction très forte entre le comportement et la pensée. S’il est évident que la pensée influence le comportement ; l’on sait aujourd’hui et de façon certaine que le comportement influence aussi la pensée. Les techniques de manipulation les plus efficaces sont basées sur ce principe qu’on appelle ’’congruence’’. L’homme a besoin pour son équilibre de justifier son propre comportement et s’autopersuader que ses actes sont légitimes et cohérents. L’expérience donc conditionne la pensée, car, un à un, les grains de sable s’écoulent, un à un, les moments passent. Certains vont, certains viennent ; ne tentez point de les saisir tous !

Islam Louis Etienne
Avril 16

AUTEUR


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