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La situation politique, économique et sociale du pays vue par Mirlande Manigat et Frantz Duval

mardi 17 mai 2016

L’ancienne candidate à la présidence Mirlande H. Manigat et l’éditorialiste Frantz Duval sont intervenus sur la crise haïtienne dimanche au Centre de Recherche, de Réflexion, de Formation et d’Action sociale (CERFAS).

Devant une assistance à forte proportion de jeunes universitaires, Mirlande H. Manigat et Frantz Duval ont commenté la dégradation de la situation politique, économique et sociale du pays. D’entrée de jeu, l’ancienne candidate à la présidence a fait remarquer que la crise haïtienne est politique, avec des variantes dans plusieurs domaines, notamment l’économie, la finance, la démographie, la production, l’université, etc. Elle indique que toutes ces crises surviennent à l’intérieur d’une crise globale. « Et celle-ci donne une importance aux solutions politiques. Il y a un primat de la politique prise non pas dans le sens d’action, mais celui de responsabilité de l’État de garantir la paix sociale », a-t-elle fait savoir, soulignant que la dimension politique colore la crise elle-même.

En ce qui concerne la dimension politique de la crise actuelle, l’ancienne parlementaire souligne la présence de plusieurs acteurs qui agissent en fonction de leurs intérêts. Lesquels intérêts contribuent à attiser la complexité de la crise. « Comme acteur, nous pouvons citer le gouvernement provisoire, le Parlement, le CEP, la Commission de vérification, les partis politiques […] », énumère-t-elle avec une précision chirurgicale.

En guise d’issue à la crise, Mirlande H. Manigat prévient qu’il pourrait y avoir une radicalisation de celle-ci, une sorte d’ascension aux extrêmes. « Cette ascension aux extrêmes peut être un effondrement total du système politico-social qui emporterait toutes les institutions. Cette ascension aux extrêmes peut aboutir à des solutions "démocraticides", à une guerre civile, ou encore à une prise en charge du pays par l’étranger.

Pour sa part, l’éditorialiste Frantz Duval ne veut pas parler de crise dans la situation qui concerne Haïti. Il pense que le terme, à force d’être utilisé, est galvaudé. Celui qui a été formé en sciences politiques à l’INAGHEI explique que la crise est un moment grave, elle est brève, elle est violente, et puis on passe à autre chose. « En Haïti, la crise c’est la maladie elle-même. Puisqu’on y est installé. C’est la vie économique, sociale et politique qui traîne des pathologies à longueur d’année », nuance-t-il.

Pragmatique, Frantz Duval souligne que depuis le début nous n’arrivons pas à résoudre des problèmes que les autres pays, en revanche, ont pu résoudre. « Certaines fois, une crise électorale nous rappelle qu’on n’a pas résolu la crise sociale, une crise du taux de change nous rappelle que nous dépendons exclusivement de la diaspora […]. En réalité, toute l’histoire de ce pays est une histoire où l’on oublie de faire des additions. Ce sont des problèmes qu’on n’a pas résolus et qui reviennent un bon matin », fait-il remarquer.

« En informatique, quand un problème survient, on crée un logiciel ou une application pour le résoudre. Malheureusement ici, le logiciel ce sont les Constitutions qui ne donnent toujours pas de résultats. Est-ce que c’est le problème qui est mal posé et on fait un mauvais logiciel (Constitution) ? Ou on se donne des objectifs qui ne sont pas réalisables ? Ou est-ce que le problème, c’est la société haïtienne qui a trouvé la façon de vivre confortablement avec ses problèmes ? », s’interroge-t-il.

Pour illustrer la manière dont la société s’installe confortablement dans ses problèmes, Frantz Duval avance deux exemples. D’abord, la commission du Sénat enquêtant sur les fonds PetroCaribe. « C’est l’exemple parfait de la façon de ne pas faire ce qu’on a à faire. Si on veut enquêter sur les fonds, il faut commencer par prendre les résolutions adoptées en Conseil des ministres, aller sur le terrain pour voir ce qui a été fait et ensuite interroger les gens. Mais si on commence d’abord par interroger ceux qui avaient signé les résolutions pour leur demander s’ils avaient fait le travail, ils répondront certainement oui », fait-il remarquer.

Ensuite, l’autre exemple, c’est la désignation de Pierre Louis Opont au CEP. « Lors d’une conférence à l’Université Quisqueya, bien avant le début du processus électoral, M. Opont eut à dire qu’on lui avait fait modifier les résultats de 2010. Ce jour-là, M. Opont ne pouvait plus être membre d’un Conseil électoral. Ce jour-là, on devait se poser plein de questions sur le CEP de 2010 et sur l’avenir des élections en Haïti », estime l’éditorialiste, soulignant que nous sommes à l’aise avec les crises, car elles permettent à ceux qui tiennent les vrais leviers de cette société de vivre en paix.

En ce qui concerne la Commission de vérification et les perspectives, Frantz Duval souligne que ses membres ont très vite compris que les dates ne pourront pas être respectées. « Mais dès qu’on a vu que les dates n’étaient plus tenables, si on était des gens censés on devrait s’attabler pour définir un nouveau calendrier. On a raté le 24 avril, on vient de rater le 14 mai, mais on ne pourra pas rater le 14 juin. Si Jocelerme Privert ne parvient pas à une entente avec le Parlement et les forces politiques, il s’en ira le 14 juin. Parce que c’est clair dans l’accord que son mandat s’arrête à cette date », explique-t-il, indiquant qu’à cette échéance, le Parlement aura son mot à dire.

« Dans la perspective du 14 juin, le Parlement se prononcera sur une extension du mandat de Privert ou non, ou encore si c’est le Premier ministre qui va rester, ou si on choisira un juge à la Cour de cassation, ou si on va sortir de la Constitution en choisissant un conseil national de gouvernement, ou encore si on va laisser au Parlement le soin d’élire un nouveau président provisoire », avise-t-il.

AUTEUR

Jean Daniel Sénat

jdsenat@lenouvelliste.com -


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