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Brésil : un baiser qui s’envole et "Dilma" quitte la scène

jeudi 12 mai 2016

Dilma Rousseff quitte le siège de la présidence par la porte principale, fidèle à sa combativité et saluée par des centaines de partisans émus aux larmes pour un au revoir aux allures d’adieux.

Après une déclaration devant la presse, déjà entourée de nombreux ministres et soutiens parlementaires, Mme Rousseff tient un discours aux côtés des mêmes proches mais aussi de son prédécesseur et mentor, Luiz Inacio Lula da Silva, visiblement ému et s’épongeant le front sous le soleil de la capitale.

Mais de larmes chez la chef de l’Etat écartée du pouvoir, point.

"C’est triste parce que je pars aujourd’hui, c’est un moment tragique pour le pays. Je suis triste, mais vous faites en sorte que cette tristesse diminue", lance jeudi après-midi celle que tous les Brésiliens appellent simplement "Dilma" devant le Palais du Planalto, à Brasilia.

"Dilma, guerrière de la patrie brésilienne !" ou encore "olé olé olé ola, Dilma, Dilma !", scandent quelques centaines de supporters vêtus en rouge.

Etrange ambiance, tenant aussi bien de la ferveur combative que du recueillement fataliste...

- Diction martiale -

Veste blanche, symbole de l’innocence, Mme Rousseff reste fidèle à sa diction martiale, son attitude rigide, son goût du "combat", héritée de ses années de guérillera pendant la dictature (1964-85), lorsqu’elle défiait du regard ses tortionnaires.

Eleonora Menicucci, qui fut sa camarade de cellule dans les années de plomb puis responsable des Droits des femmes dans son gouvernement, est là aussi.
"Dilma" se déride toutefois lors du bain de foule, à serrer des mains et recevoir des encouragements, en se dirigeant vers sa voiture noire. Elle prend le temps, savoure ce contact avec ses soutiens, qui ne sont plus si nombreux au Brésil : de 77% de popularité, elle est tombée à un maigre 10%.

Marcia Kumer compte lui donner des roses. "On va se battre, on va descendre dans la rue pour défendre nos droits", dit cette ingénieure fonctionnaire de 56 ans en élevant la voix, le regard embué.

Elle se rue vers la femme d’Etat et parvient à lui remettre son bouquet. "Je l’ai appelée +ma chère+ et je lui ai dit qu’on était avec elle", confie-t-elle encore tremblante. "Elle m’a remerciée et m’a dit qu’on allait continuer à avancer".

Pour l’instant, Mme Rousseff, élue en 2011 et réélue en 2014, sera bloquée dans sa résidence officielle de l’Alvorada, après avoir été écartée du pouvoir jeudi matin lorsque les sénateurs ont voté l’ouverture de son procès en destitution. En attendant son jugement par le Sénat d’ici 180 jours au plus, elle a dû laisser son fauteuil à son vice-président Michel Temer.

- "Temer traître" -

Les rouges lancent des "Dehors Temer !" ou des "Putschistes, fascistes, no pasaran !". "Moi, j’ai voté pour Dilma avec Temer, pas pour Temer", souligne Vinicius Vitoi, fonctionnaire de 54 ans qui dresse une pancarte "Temer traître".

Amie personnelle de la présidente, Katia Abreu avait contrevenu à la consigne de son parti, le même que celui de M. Temer, en restant au gouvernement. Elle a les larmes aux yeux. "La première femme à gouverner le Brésil, honnête, compétente, qui pense à l’intérêt général, a subi une destitution sans avoir commis de crime", lâche-t-elle à l’AFP.

Au milieu d’un cortège de gardes du corps en costumes sombres, Mme Rousseff arrive à sa voiture. Elle refait quelques pas en arrière en direction du Planalto, et agite la main en direction des fonctionnaires de la présidence massés aux fenêtres du bâtiment et au bord d’un étang.

Avant de s’engouffrer dans le véhicule, au sein d’un convoi de sept voitures, elle leur souffle un baiser. "Dilma" a quitté la lumière pour rentrer dans l’ombre.

12/05/2016 23:02:46 - Brasilia (AFP) - © 2016 AFP


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