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Interdiction de départ : le commissaire Léger récuse la lecture du président Privert, le camp Laleau crie à l’injustice

mercredi 11 mai 2016

Le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Danton Léger, a confié au journal, ce mardi 10 mai, que la décision d’interdiction de départ prise à l’encontre de l’ex-ministre de l’Économie et des Finances, Wilson Laleau, était toujours en vigueur.
Le chef du parquet, dont la décision a été attaquée par-devant le tribunal des référés, a indiqué avoir déjà plaidé par-devant le doyen, Me Bernard St-Vil. « Nous attendons la décision du doyen du tribunal et après nous saurons quel comportement adopter au niveau du parquet », a fait savoir le commissaire du gouvernement, Me Danton Léger.

« J’ai toujours dit que la mesure conservatoire d’interdiction de départ ne peut pas être illimitée dans le temps, ni dans l’espace. Quand nous prenons cette mesure, les gens qui se sentent victimes ont un droit de recours. Beaucoup d’entre eux ont fait une action en référé par-devant le doyen du tribunal civil de Port-au-Prince. Beaucoup de décisions sont rendues. J’ai fait appel dans certains cas et non dans d’autres », a longuement expliqué au journal le chef du parquet de Port-au-Prince.
Le 3 mai dernier, en visite au Nouvelliste, le président provisoire Jocelerme Privert avait accroché le commissaire du gouvernement, indiquant que les ministres, pour tout crime et délit commis dans l’exercice de leurs fonctions, sont passibles de la Haute Cour de justice et non des tribunaux de droit commun. Le président Jocelerme Privert, ex-ministre de l’Intérieur sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide, a rappelé avoir passé 26 mois en détention dans le dossier dit du massacre de La Scierie avant qu’une décision de la cour d’appel des Gonaïves n’indique qu’il n’aurait jamais dû se retrouver en prison et qu’il n’avait jamais été sur les lieux le jour dit.
Léger met en avant le « privilège des juridictions » pour poursuivre d’anciens ministres.

Dans son style, Me Danton Léger a indiqué qu’avec cet argument, le « président Privert serait en train de voguer dans un monde qui n’est pas le sien ». « C’est ce que je lui avais dit pendant ma première rencontre avec lui au palais national. Je lui ai dit ; Excellence, les mesures que je suis en train de prendre sont légales. Il m’a dit qu’il n’était pas d’accord à ce que l’on poursuive un ancien ministre. Il m’a dit que, quand il était en prison, c’est une décision de la cour d’appel qui avait permis sa libération. La décision disait clairement qu’on ne devrait pas poursuivre un ancien ministre. Le président m’a fait comprendre que c’est un cas de jurisprudence. Je lui ai dit que non. C’est loin d’être un cas de jurisprudence qui, en Haïti, est une décision prise par le plus grand tribunal, la Cour de cassation. Dans le cas du président Privert, ce n’était pas la Cour de cassation qui avait pris cette décision. On ne saurait parler de jurisprudence, mais bien de précédent. »

Pour le commissaire du gouvernement Léger, nommé par l’administration Privert, « on ne peut pas avoir recours à un précédent. C’est quand la loi est muette sur une question que l’on fait appel à la jurisprudence, la doctrine, la pratique, la coutume », a longuement expliqué Me Danton Léger, qui avance le « privilège de juridiction » pour justifier son action. Ce privilège, pour le législateur, protégeait les ministres dans l’exercice de leurs fonctions pour que des convocations multiples ne nuisent pas à la stabilité du gouvernement, a indiqué Danton Léger.
« À partir du moment où vous n’êtes plus ministre, plus Premier ministre, vous êtes justiciable devant les tribunaux de droit commun. En 1904, le problème était posé lors du fameux procès de la consolidation. Cincinatus Leconte, Vilbrun Guillaume Sam, Davilmar Théodore et beaucoup d’autres anciens ministres qu’on voulait juger sont venus avec cet argument. Mais attention, depuis lors, le problème a été clarifié », a souligné Danton Léger.

Les proches de Wilson Laleau crient à l’injustice…

« Voilà plus d’un mois qu’une mesure d’interdiction de départ a été prise à l’encontre de l’ancien ministre Wilson Laleau, suivie d’un mandat de comparution au parquet de Port-au-Prince. On ne sait toujours pas les raisons qui motivent cette mesure restrictive de sa liberté », a declaré au journal un proche de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances.
« Pour toutes indications, nous avons lu dans les colonnes de Le Nouvelliste, et je cite : 1) "contrat APN, passé sans appel d’offres" ». « Cette mesure qui frappait l’ensemble du conseil d’administration de l’APN a été levée quand le DG de cette institution a prouvé que cette décision n’était pas prise sous son administration et donc, a fortiori, ne pouvait concerner les membres du conseil d’administration qui n’interviennent pas dans ce genre de décision interne à l’APN », a ajouté notre source.
« Ensuite on a parlé de la "disparition de dossiers et beaucoup de confusion". C’est la seconde raison retenue pour maintenir cette mesure prise sur la personne de l’ex-ministre et affranchir les autres », déplore cette personne qui porte les arguments de Wilson Laleau que nous n’avons pas pu joindre.
Plus loin, elle a poursuivi pour dire que « le précédent motif s’est vite transformé en " gaspillage de fonds PetroCaribe et gestion des projets de stades" », soulignant à l’attention du journal qu’il « est difficile d’incriminer Wilson Laleau ou d’incriminer nul ministre de l’Economie et des Finances pour la double raison que les projets PetroCaribe sont des projets identifiés par les ministères sectoriels qui sont exclusivement et souverainement responsables de leur gestion ».

« Les résolutions PetroCaribe doivent faire l’objet d’une résolution prise en Conseil des ministres, publiée dans Le Moniteur et sont obligatoirement inscrites dans le budget de la République qui est une loi votée par le Parlement. Le rôle du ministère de l’Economie et des Finances se résume à demander au BMPAD, gestionnaire de ces fonds, de les mettre à la disposition des secteurs dont les rapports doivent être soumis au ministère de la Planification et de la Coopération externe, responsable du suivi des programmes d’investissement, le ministère de l’Economie et des Finances n’intervenant pas lui-même directement dans la gestion de projets. La seconde raison a rapport au fait que les projets de stades sont coordonnés par l’UCLB ou le ministère des Sports, toujours suivis par le MPCE. Le ministère de l’Economie et des Finances n’intervient que suivant des procédures strictes telles qu’expliquées précédemment sans capacité d’action sur la nature des projets ou leur condition d’exécution », a détaillé pour Le Nouvelliste ce proche de Wilson Laleau.

La semaine dernière, a continué le proche du ministre, « il aurait été dit au Parlement que Wilson Laleau a signé une "lettre pour débloquer vingt millions de dollars au profit de la firme IHLSI" engagée par l’Etat haïtien pour aider à la modernisation des douanes haïtiennes. Ce dossier a fait couler beaucoup d’encre. La lettre a circulé sur les réseaux sociaux et chacun peut bien voir qu’il s’agit d’une " lettre de crédit stand by" négociée de haute lutte pour en diminuer le montant initial qui était de 40 millions à ouvrir auprès d’une banque située à New York. Le gouvernement avait obtenu, après plusieurs mois de négociations, que la lettre soit ouverte auprès de la Banque de la République d’Haïti (BRH) et que le montant soit diminué de moitié. Il n’y a pas eu de décaissement d’argent au profit de la firme et il n’y en aura que si et seulement si les paiements à effectuer par l’Administration générale des douanes (AGD) ne s’effectuent pas. Faut-il rappeler que ces paiements se feront sur la base d’un pourcentage de 7% à prélever sur l’augmentation des recettes douanières induites de la mise en œuvre de ces nouvelles mesures et de 0,8% sur les recettes douanières totales sur une période de 10 ans », a indiqué le proche de Laleau, qui a détaillé des dispositions existant dans le contrat.

« Le contrat comporte la construction de neuf postes de douane sur la frontière terrestre et maritime ; l’ installation au niveau de ces postes de scanners pour faciliter la vie des fonctionnaires et des usagers dans le contrôle des marchandises ; le déploiement de drones ; l’accès à des services satellites pour surveiller nos frontières terrestre, maritime et aérienne ; la mise en opération d’un service héliporté au niveau de la douane pour augmenter la mobilité des responsables sur l’ensemble du territoire. La firme IHLSI dépensera (49.3 millions de dollars pour les infrastructures + 18 millions de dollars pour les opérations pendant deux ans). La lettre de crédit ne sera actionnable que dans deux ans en cas de défaut de l’Etat haïtien. Ce projet initié en 2014 avait été jugé "hautement stratégique" pour Haïti. Si nous sommes réellement sérieux sur le développement économique et la création d’emplois et de richesses sur ce coin de terre, nous ne pouvons pas ne pas le mettre en œuvre », a souligné celui qui a parlé au journal et qui se présente comme un proche de Wilson Laleau.

La lettre, a-t-il poursuivi, « n’a été qu’un aboutissement logique de ce dossier lancé depuis deux ans et qui rentrait régulièrement dans les affaires courantes tel que cela a été entendu en Conseil des ministres avec le président de la République, Jocelerme Privert, qui venait de prendre ses fonctions ».
« Je ne reviens pas sur les interventions compétentes des juristes professionnels et du président de la République qui assimile cette mesure à de la persécution politique », a indiqué le pro-Laleau, ajoutant qu’il « estime que la nation doit être informée de ce qui se passe ».

« Aujourd’hui, c’est Wilson Laleau, demain ce sera un autre. Hier, c’était Lysius F. Salomon, Anténor Firmin et tant d’autres pour avoir osé être différents et vivre vraiment leur citoyenneté avec un grand sens de l’Etat et une grande ambition pour la République. Mais, il n’y a pas une fatalité haïtienne. Notre problème, c’est nous-mêmes. La nature nous l’a enseigné, la seule manière d’être propre, c’est en se lavant soi-même. Ce n’est pas en salissant les autres”, a affirmé ce proche de Wilson Laleau en bon avocat de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances et ancien ministre du Commerce et de l’Industrie de Michel Martelly pendant les cinq ans de son règne.

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com
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