MosaikHub Magazine

La peur de mai

mardi 3 mai 2016

La formule est de Pastè Blaze. Il reprend de fort belle manière le titre d’un des films haïtiens les plus célèbres, La peur d’aimer. Pastè Blaze, humoriste aux blagues très pimentées, résume en cette formule tout ce qui provoque la peur chez les Haïtiens en ce mois de mai 2016.
Il parle de la possibilité pour le Parlement de renouveler ou non le mandat de Jocelerme Privert comme président provisoire de la République. Non pas parce que le mandat de l’homme des Nippes arrive à son terme le 14 mai, mais bien parce que le pays n’aura pas à sa tête un président élu à cette date ni à aucune date connue pour le moment. En vue de faire payer à Privert ce que Martelly n’avait pas pu délivrer en cinq ans, les partisans de Tèt Kale, une bonne partie de la classe politique et tous ceux qui rêvent de passer de transition en transition s’activent déjà. Les pro-Privert tirent les ficelles dont ils ont les bouts pour contrecarrer les plans des anti-Privert.
Ce même mois de mai, et Pastè Blaze le souligne, les députés doivent aller en vacances et on ne sait pas s’ils en reviendront. Pas parce que leur mandat prendra fin de sitôt, mais bien parce qu’ils peuvent être les dindons de la farce dans un pays où la farce fait souvent perdre la face à qui se croient en bonne posture.
Autre peur du mois de mai, l’incertitude que provoque l’existence de la Commission de vérification électorale. Cette instance doit, en un mois, revoir le cahier des élections de 2015. Elle a le mandat de chambouler bien des choses. Et comme la commission de vérification n’a toujours pas commencé son travail, d’évaluation on se demande dans quelle mesure son rôle aura un impact sur le Conseil électoral qui se donne jusqu’au 31 mai pour présenter le calendrier des prochaines élections. En mai, nous avons l’imbroglio corsé des élections de 2015 à démêler et la quadrature du cercle à parfaire pour bien planifier les prochains scrutins dans un seul et même délai d’un mois.
Autre inquiétude de ce mois de mai et qui alimente la peur de mai, l’Etat est entré en période de cash management. De cela, le pasteur n’en parle point, mais cette contraction des dépenses publiques, si elle peut réduire le déficit budgétaire public et redonner quelques couleurs à la gourde, va pénaliser tous les acteurs de l’économie qui ont la bouche collée aux mamelles de l’Etat, plus grand employeur et plus grand acheteur du pays.
Pour le moment, on ignore si le Parlement aura le temps de se prononcer et de voter le budget rectificatif et si les amis d’Haïti vont conserver leur attitude de ne pas mettre un cent dans le bol bleu de la nation la plus pauvre des Amériques. Cette attitude pour porter les Haïtiens à faire ce que souhaitent les tuteurs a rarement porté ses fruits tout comme les rectifications du budget national sont rarement un vrai exercice de rectification. En mai, plus d’un craint que le recours aux mauvaises solutions revienne en force.
La grosse peur de mai est la saison pluvieuse. Longtemps attendue, les vannes du ciel s’ouvrent chaque soir pour laisser passer des trombes d’eau ces jours-ci. Mai, si la pluviométrie se maintient, sera un mois mouillé dans un pays où chaque pluie charrie de l’espoir et des angoisses. De la dévastation et le retour de la vie. On voulait la pluie et déjà on s’en plaint.
Pastè Blaze, dans son minisketch posté sur sa page Facebook, parle des précautions que chaque famille doit prendre pour ne pas être emportée par les eaux en furie.
Ainsi va le mois de mai en Haïti entre peurs et craintes. Entre la nature et le naturel de nos politiciens, la première aussi imprévisible que les seconds.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com
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