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Paula Clermont Péan et Wilson Paulémond célèbrent l’œuvre plurielle de Franck Etienne

mardi 19 avril 2016

Fokal fait fête à Franck Etienne. Ses 80 ans (le 12 avril 2016) comme prétexte. Pendant trois jours (du 14 au 16), à la salle de spectacle de Fokal, films, conférences et rencontres ont magnifié le célèbre écrivain qui rêve, en son for intérieur, d’un prix Nobel de littérature... -

Franck Etienne cherche, par tous les moyens, à casser « la poche des eaux ». A délivrer la femme qui est en chacun de nous. Il a rappelé qu’il est né dans une section rurale, aujourd’hui, section communale – Ravine Sèche - d’un Blanc, un étranger qui a violenté sa mère : elle n’avait qu’à peine seize ans. Ensuite, il a atterri, avec sa maman, au quartier du Bel-Air, un lieu de chaos, vivre avec les difficultés de l’existence. Ses œuvres sortent d’une matrice chaotique. Pour se résumer, en cette soirée d’hommage, il nous a dit : « Je suis anormal ; j’assume cette anormalité qui a fait de moi l’écrivain anormal que je suis. »

Ensuite, il prépare le chant du cygne – son dernier chef-d’oeuvre : « Corps de douleur ». Ce roman (qui sort bientôt) traduit sa passion, son amour intense pour la femme, pour sa mère...

Mme Michèle D. Pierre Louis, dans sa présentation, a illuminé la vie intellectuelle et l’oeuvre de Franck Etienne, avant de passer la parole aux conférenciers. Cela fait déjà 60 ans qu’elle connaît Franck Etienne, par l’entremise d’un condisciple qui l’a introduite au Bel-Air, au collège de Franck Etienne. A cette époque, elle bouclait sa philo au Centre d’Études Secondaires. Elle n’avait que 17 ans.

C’est une rencontre qui a marqué son parcours intellectuel : la fréquentation, les dimanches matins, du salon littéraire - de cet intellectuel, de ce « Blanc du Bel-Air » – que les hommes du régime de François Duvalier considéraient comme un fou. Cela lui a permis de se familiariser avec des auteurs incontournables dont Aimé Césaire (Cahier d’un retour au pays natal), St John Perse, White Withman, etc.). Elle possède tous les livres de l’écrivain, durant cette période, notamment : Coté gauche, Au fil du temps, Ultravocal, Dezafi, etc.

Les conférences sur l’œuvre de Franck Etienne

Paula Clermont Péan : la dramatisation chez Franck Etienne
Mme Paula C. Péan a abordé les œuvres théâtrales du dramartuge. Pour une raison bien simple : Ancienne tutrice à Haward University, Boston, ses étudiants l’avaient pressurée pour savoir comment lire et comprendre une œuvre de Franck Etienne : Dezafi (1975). La dramatisation du discours dépasse les déjà-vus, lus ou entendus dans ce domaine. En effet, dans un style essentiellement poétique, « Dezafi » propose une autre façon de percevoir la réalité, « aux sources vives de l’imagination du peuple ». Car l’œuvre de Franck Etienne met en scène un cri, celui du peuple ; elle fait ressortir sa force, sa violence, sa douleur, mais aussi sa tendresse.

Mme Péan cherche, comme dans l’œuvre de Samuel Beckett, « le Godot », le dieu caché qui bouleverse et alimente la poétique de Franck Etienne.

Elle a travaillé sur les autres pièces de théâtre du dramaturge telles que Kaselezo, Bobomasouri, etc. Ce qui la préoccupait, à partir de son expérience avec les étudiants à Haward University, c’est l’interrogation de l’écrivain qui, rapidement, propage, comme un feu brûlant, son message. Un écrivain qui dérange, bouleverse, et dont la lecture engendre la controverse.

Franck Etienne a retenu son attention pour deux raisons : un écrivain qui partage l’espérance pour le devenir du pays, en quête de liberté ; l’œuvre dramatique de cet auteur a révolutionné son jeu théâtral.

Wilson Paulémond : Un nouveau regard sur Franck Etienne.

Wilson Paulémond a cerné l’œuvre de Franck Etienne en trois (3) ondes : La zombification –la quête du « sel » pour renouveler la civilisation humaine.

La théorie du langage où l’écrivain impose son propre sens au texte.
Un nouveau regard sur les blessures, sur le chaos. Une pensée axée sur la rupture.

La zombification, chez le maître du Bel-Air, signifie que l’homme, dans ce cas, les masses se perdent, sans âme, sans élan. Cette mortification éclaire le chemin vers la délivrance. Au moins, ces zombis ne s’enlisent guère dns leur état inhumain. Ils cherchent à sortir de leur abjecte condition.

C’est ce besoin de se libérer qui préoccupe le créateur. Ce ‘’sel’’ de la vie qui motive la quête esthétique et idéologique de l’écrivain. Néanmoins, un autre problème bouleverse les donnes : la question du temps. Chez Franck Etienne, « le temps n’est pas le même pour tous ». Chez lui, en fait, « les mots rencontrent les choses », pour parodier un titre du livre de Michel Foucault « Les mots et les choses ».

« Je ne rendrai pas la vie facile au lecteur. » C’est le leitmotiv de Franck Etienne. Car il évolue sous le régime des Duvalier. Il modifie son langage, il change l’emploi de certains mots, la grammaire ou le style classique pour dire sa pensée, en spirale, mais tout à fait clair pour celui qui prend un temps pour découvrir ses intentions. Comme chez Pierre Bourdieu, il invite le lecteur à hausser le ton pour découvir sa pensée : la signification, le sens de son discours nécessite un certain approfondissement du texte. Il faut déconstruire pour bien construire ses idées.

Franck Etienne jette un nouveau regard sur l’homme, sur l’Haïtien, et sur tout homme qui s’étonne, qui se questionne sur son devenir, sur ses blessures originelles, les manquements de l’éducation, de la vie familiale, de la société dans laquelle l’on évolue. Les méfaits de l’environnement. Ou bien de la civilisation occidentale. Franck Etienne, aux dires de Wilson Paulémond, est un penseur de la rupture qui mérite le prix Nobel de littérature, en vue de couronner sa journée.

Enfin, Fokal a clôturé la séance -la salle était comble- par une projection d’un documentaire de Gessica Généus.

AUTEUR

Wébert Lahens webblahens@yahoo.fr


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