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Portrait de Femme

Georgette Jean Louis, directrice générale de la BRH

vendredi 15 avril 2016

Au fur et à mesure que l’on s’approche des sommets, en politique aussi bien qu’en affaires, les têtes féminines se font très rares et tiennent de l’exception. Pour la deuxième fois, une femme est directrice générale de la Banque la République d’Haïti, institution créée depuis 1979. Celle qui succède à Monique Ph. Thébaud, directrice générale en 1991, porte le nom de Georgette Jean Louis, une femme pour qui le système financier et bancaire haïtien ne semble plus avoir de grands secrets.

Difficile de clore cette première rencontre avec Georgette. Bonne causeuse, elle parle avec beaucoup de passion de son travail à la banque et de son parcours professionnel dont elle est visiblement fière. Quoique jeune paraissant jeune, Georgette charrie dans ses bagages plus d’un quart de siècle d’expérience dans les domaines relatifs à l’audit, le contrôle des institutions financières publiques, privées et internationales. Son ascension tient à de la méritocratie qu’à tout autre chose. « A la BRH, avant tout, il faut pouvoir donner un avis technique sur tous les dossiers qui vous sont soumis » résume-t-elle.

Originaire de la Grand’Anse, Georgette Jean Louis est née à Beaumont, mais grandit à Jérémie. Les meilleurs souvenirs de sa vie remontent à son enfance. Comme la plupart des enfants à l’époque, elle fréquente l’école Catherine Flon au préscolaire, puis l’école Pressoir Jérôme pour son cycle primaire, et le Collège Etzer Vilaire pour les classes de sixième et de cinquième secondaire. Ses parents l’envoient poursuivre ses études secondaires à Montréal. Après on la retrouve aux Etats-Unis, à l’Univesity of Illinois précisément, où elle décroche en 1989 une licence comptabilité. Des formations en leadership suivies à l’University of Pensylvania, et au Harvard Business School, complètent le cursus académique de cette femme.

Sitôt sa licence obtenue, Georgette revient en Haïti en 1989, . Pourquoi ? « Je suis rentrée parce que mes rêves les plus chers étaient ici. Je fais partie de cette génération qui associe le bonheur à Haïti. »

Par contre, s’établir à Port-au-Prince était la dernière chose qui lui serait venue en tête. D’ailleurs, elle connaissait à peine cette ville, dans laquelle elle n’avait séjourné qu’à deux reprises. Cependant, pour des raisons professionnelles, elle s’est résolue à vivre dans la capitale. « je suis restée une provinciale dans l’âme » assure-t-elle.

Georgette, une fonceuse !

Cette femme est une fonceuse qui a une vision claire de ce à quoi elle veut que sa vie ressemble. Une go-getter, comme on le dit en anglais. Elle est de celles qui n’attendent pas que les opportunités se présentent, elle les crée, va à leur rencontre. Ainsi, à peine débarquée de l’avion, elle appelle la firme pour laquelle elle souhaite travailler et décroche un rendez-vous pour le lendemain. L’entrevue est concluante, elle est donc embauchée par Mérovée-Pierre Cabinet d’Experts Comptables comme auditeur. Elle y restera sept ans. Sept ans pendant lesquels, bénéficiant de l’expérience d’une professionnelle de haut calibre telle que Mireille Mérovée-Pierre, elle fut chargée de la vérification comptable des plus importantes institutions financières bancaires et non bancaires évoluant en Haïti, des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux en relation avec des institutions internationales telles que la BID, la Banque mondiale, l’USAID, la CEE et l’ACDI.

En 1996, le gouverneur de la BRH, Leslie Delatour, lui propose de venir rejoindre le staff de la Banque Centrale. Au prime abord, elle est réticente. Cela ne l’intéressait pas beaucoup de travailler pour le secteur public. Néanmoins, elle accepte de le rencontrer pour découvrir sa vision. Séduite par les ambitions du gouverneur et le défi que représentaient les grands chantiers de réforme qui devraient avoir cours à la Banque Centrale à l’époque , elle entre au service de cette institution en mai 1996 comme directrice de la Supervision des banques et des institutions financières. Jeune trentenaire, elle participe, entre autres, à l’élaboration des normes prudentielles pour le secteur bancaire conformément aux prescrits du Comité de Bâle, coordonne le Comité national de lutte contre le blanchiment des avoirs (CNLBA), contribue à l’élaboration du dossier et à la mise en place de l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF).

En 2003, elle démissionne de la BRH et décide de monter avec des collègues, JLBA Conseils, une firme de consultation. Entre 2009 et 2011, elle accepte un poste de Chief Financial Officer, puis de Chief Operating Officer (COO), au Sèvis Finansye Fonkoze (SFF) et Fondation Kole Zepòl (Fonkoze) ; une expérience enrichissante qui lui permet d’acquérir et de compléter ses connaissances au niveau de la microfinance. La microfinance est selon elle, un secteur porteur pour Haïti. En 2011, on fait à nouveau appel à elle pour être membre du Conseil d’administration de la BRH. Et en décembre 2015, elle deviendra directrice générale de cette institution.

C’est la deuxième fois qu’une femme occupe cette fonction depuis la création de la BRH en 1979. La première fois fut avec Monique Ph. Thébaud, en 1991 « C’est un privilège, une fonction prestigieuse dans tous les pays du monde. Quand tu signes sur les billets de banque d’argent, ce n’est pas rien ! Etre directrice générale de la BRH, est grand accomplissement mais ce n’est pas une partie de plaisir. Mes journées de travaille à la banque sont très longue. Comme dit l’ecclésiaste, celui qui augmente sa science augmente aussi sa douleur » explique-t-elle.

Mais cela ne semble pas la déranger outre mesure. Elle a toujours aimé travailler. Elevée dans une famille nombreuse, douze enfants, elle apprit très tôt à aider ses parents qui sont des commerçants, dans leurs tâches. « Ma mère est commerçante et mon père était spéculateur de café. Je me rappelle, le samedi je devais aller à la boutique pour vendre, faire les fiches, ou encore recevoir les clients qui apportaient le café », se rappelle Georgette.

Etre une femme professionnelle, au fait de sa carrière, exige des sacrifices, la capacité de jongler avec les responsabilités aussi bien à la maison qu’au boulot. « J’aurais aimé avoir beaucoup plus de temps avec mes enfants ; participer à tous les matchs de football, de volley-ball de ma fille, mais c’est pratiquement impossible. Cependant je ne vais pas m’apitoyer sur mon sort. Dans la vie, on doit faire des choix et j’ai fait les miens » dit-elle résolument.

Divorcée, Georgette est mère de trois enfants. Deux garçons qui sont dans la vingtaine et une fille de 14 ans. Lors même que son travail emplit sa vie, elle arrive à aménager du temps pour s’occuper de ses trois enfants. « Le week-end, à moins que la République ne soit en péril ou ne prenne feu, je le réserve à ma fille. Le samedi, c’est le moment de regarder la télé ensemble, des chaînes avec des programmes culinaires surtout. Et après, on sort faire les courses pour faire la cuisine ensemble. J’adore cuisiner, j’aime manger », confie-t-elle dans un grand éclat de rire. Elle aime aussi décorer et lire.

« Le bon Dieu a fait un complot pour faire de moi celle que je suis aujourd’hui, je Lui suis reconnaissante. Il a mis sur mon chemin des gens et des opportunités extraordinaires », confie-t-elle. Elle parle, non sans respect et admiration, de certaines personnes qui ont joué un rôle déterminant dans sa vie ou qui l’ont aidée à aller de l’avant. Sa mère, Solina Jean-Louis, Mireille Mérovée-Pierre qui a beaucoup influencé sa vie professionnelle et Anne Hastings de Fonkoze, qui lui a communiqué l’amour de la microfinance. Elle mentionne aussi Adeline, sa dame de service depuis plus de dix-sept ans.

Simple, modeste, Georgette demeure très attachée à ses origines et aux valeurs apprises pendant son enfance à Jérémie. Chaque dimanche, la Beaumontoise- elle se réclame beaucoup plus de Beaumont que de Jérémie-, on la retrouvera à coup sûr à l’Eglise Partenaires Chrétiens à Delmas. D’ailleurs, elle fait partie du comité exécutif. « Si je suis en Haïti, et que je ne vais pas à l’église un dimanche, je ne me sens pas bien », confie la trésorière de la Société biblique haïtienne et conseillère de YMCA Haïti. Le signe que cette banquière, mère de famille a aussi une vie sociale accomplie.

AUTEUR

Winnie H. Gabriel Duvil

winniegabriel@ticketmag.com
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