MosaikHub Magazine

La presse décrypte le mouvement Nuit debout

mardi 12 avril 2016

Alors que pour certains, Nuit debout traduit "un climat pré-révolutionnaire", d’autres relativisent la portée de ce mouvement encore naissant, "enivré de ses utopies".

La presse se penche lundi avec un mélange de curiosité et de scepticisme sur le mouvement citoyen Nuit debout, expression d’un « besoin de changement » dont le succès doit beaucoup à son « innocuité ». « Après les manifestations de samedi, la mobilisation contre la loi travail cède du terrain, mais le mouvement Nuit debout en gagne dans toute la France », constate François Ernenwein dans La Croix.

Dans L’Humanité, Maud Vergnol réfute tout essoufflement de la contestation de la loi portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri dont le retrait « est à portée de main ». Mais l’éditorialiste du journal communiste admet que « les places de la République respirent un air nouveau » que tentent d’analyser plusieurs quotidiens. « Le souhait confus qu’exprime la Nuit debout, c’est de construire. De construire tout de suite, autre chose, espérant implicitement que la construction nouvelle fera s’effondrer sur leurs bases les édifices vermoulus et les politiques traditionnels », explique Daniel Schneidermann dans sa chronique de Libération.

« Des astres morts »

Le politologue Roland Cayrol abonde dans Les Échos : les formations politiques « sont largement des astres morts. Il n’y a plus de militantisme, mais des gens qui viennent remplir les écuries présidentielles ou chercher un point de chute électoral. On a une véritable dévitalisation des partis. »

Dans Le Parisien, le sociologue Michel Fize juge que les slogans « traduisent un climat prérévolutionnaire, avec des mots qu’on pensait révolus : on parle de capital, de travailleurs, de révolution. Comme au moment de Mai 68, la légitimité des pouvoirs établis est visée. » D’où cet élan impulsé par « le mouvement Nuit debout (qui), même s’il ne débouche sur rien de concret, a le mérite d’exprimer un besoin de changement », commente François Wojtalik dans Le Courrier picard.

« Crépuscule des bobos »

Toutefois, à l’instar de plusieurs de ses confrères, François Ernenwein de La Croix relativise la portée d’un phénomène encore naissant. « Fédérateur parce que flou, enivré de ses utopies qui lui valent un certain écho, le mouvement éclaterait à coup sûr s’il était plus précis », croit savoir l’éditorialiste du quotidien catholique. Dans Sud-Ouest, Bruno Dive invite également à se méfier des comparaisons trop évidentes : « Mai 68 se déroulait au milieu des Trente Glorieuses alors que les manifestants de la République dénoncent la précarité. Les Indignés de la Puerta del Sol (à Madrid, NDLR) protestaient dans une Espagne où le chômage frappait le quart de la population ».

Dans La Nouvelle République du Centre-Ouest, Denis Daumin brocarde ce « crépuscule des bobos », admettant que « cet objet politique non identifié, occupe nos places et encombre l’espace du débat public autant qu’il l’embarrasse ». « Pourquoi un tel enthousiasme autour de quelques rassemblements de noctambules, certes sympathiques, mais néanmoins un tantinet illuminés » ? s’interroge Sébastien Lacroix dans L’Union et L’Ardennais, estimant que « la seule explication à cette effervescence tient à l’innocuité du mouvement ».

Certes, concède Jean-Louis Hervois de La Charente libre, « le mouvement Nuit debout ne renversera pas la République » et « personne ne sait s’il passera le cap des prochaines vacances ». Mais « qu’il résiste assez longtemps aux récupérations pourrait permettre à la gauche de regagner un peu du temps et de l’enthousiasme perdus sur le terrain des idées, quelquefois des valeurs ».


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie