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La Banque du Japon tente le tout pour le tout face à une économie au point mort

lundi 11 avril 2016

L’effet fut immédiat. Vendredi 29 janvier, la Banque du Japon (BoJ) a surpris en adoptant des taux de dépôts négatifs, de – 0,1 %. Aussitôt, les marchés nippons ont fortement rebondi. Le Nikkei a ainsi terminé la séance en hausse de 2,8 % à 17 518,30 points, tandis que le dollar s’échangeait autour de 120 yens, en progression de plus d’1,5 yen.

La banque centrale a justifié sa décision par sa volonté d’atteindre le plus vite possible l’objectif de 2 % d’inflation – un engagement pris par son gouverneur Haruhiko Kuroda lors de sa prise de fonction en 2013. Or, la BoJ a revu ses perspectives pour la hausse des prix à + 0,8 % pour l’exercice 2016 commençant en avril, au lieu de + 1,4 % précédemment estimé.

L’institut monétaire a également évoqué la baisse des prix du pétrole et les difficultés des économies émergentes, dont la Chine. Inquiet de l’impact que ces problèmes pourraient avoir sur la confiance des entreprises et pour « éradiquer l’état d’esprit déflationniste » toujours en place dans l’Archipel, M. Kuroda se dit prêt à « réduire encore les taux en terrain négatif en cas de nécessité ». L’institution a aussi reconduit son vaste programme de rachat d’actifs (essentiellement de dette publique), de 80 000 milliards de yens par an (607 milliards d’euros).

Relancer l’inflation

Le nouveau taux, à – 0,1 %, s’appliquera uniquement aux dépôts effectués par les institutions financières dans les coffres de la BoJ à partir du 1er février. Les réserves actuelles resteront rémunérées à 0,1 %. L’annonce a d’autant plus surpris les marchés que M. Kuroda avait déclaré au Parlement nippon, il y a quelques jours, qu’il ne « considérait pas sérieusement l’option des taux négatifs ».

La BoJ est la deuxième grande banque centrale, après la Banque centrale européenne (BCE) en juin 2014, à opter pour des taux de dépôt négatifs. L’objectif est d’inciter les banques disposant d’importantes réserves de liquidités à les investir dans l’économie réelle plutôt que de les laisser dormir dans les coffres de l’institution. Cette mesure vise aussi à rendre moins attractifs les investissements dans l’Archipel, et donc à éviter les achats de yen par des financiers étrangers. De quoi, si cela fonctionne, tirer la monnaie japonaise à la baisse face aux autres devises. Et donc, faire gonfler le prix des produits importés et relancer l’inflation.

Les économistes doutent néanmoins de l’efficacité d’une telle mesure, également adoptée par le Danemark ou la Suisse. De son côté, la Réserve fédérale américaine (Fed) a préféré ne pas y recourir, s’interrogeant sur les effets secondaires potentiels sur les marchés financiers.

La décision de la BoJ a été adoptée par 5 voix contre 4. Sayuri Shirai, membre du conseil de politique monétaire, a voté contre. Elle craint que la mesure soit notamment interprétée comme une forme d’aveu d’échec des autres mesures essayées jusqu’ici.

Difficile de dire quel impact les taux négatifs auront sur la troisième économie mondiale. M. Kuroda considère toujours l’activité est en « reprise modérée ». Mais la chute des marchés depuis le début de l’année, la remontée du yen et l’annonce, le 29 janvier, de statistiques plus sombres que prévu, suscitent des doutes. La consommation des ménages a ainsi chuté de 4,4 % sur un an en décembre 2015. « L’économie ne va pas bien, estime Yoshiki Shinke, chef économiste à l’institut Dai-ichi Life. Il y a de grandes chances que le produit intérieur brut recule entre octobre et décembre 2015 ».

Créer un « cycle vertueux »

Lors du « shunto », les traditionnelles négociations salariales du printemps qui ont commencé le 25 janvier, les grands groupes, qui avaient consenti une hausse des salaires de 2,5 % en 2015, paraissent plus inquiets pour 2016. Ils ne semblent pas disposés à répondre aux attentes du gouvernement, qui plaide pour de nouvelles hausses salariales. Elles seules peuvent, selon M. Shinzo, créer un « cycle vertueux » de relance de l’économie.

William Pesek, du site économique Barron’s Asia, s’inquiétait dans une analyse publiée le 19 janvier par le Japan Times de voir les « Abenomics », la politique économique du premier ministre Shinzo Abe, trop dépendre de l’assouplissement monétaire. Un sentiment renforcé par l’absence de réformes structurelles – la troisième flèche des Abenomics –, une stratégie qui, au final, juge M. Pesek, se traduit par « la production de profits dans un contexte de stagnation des ventes, avec une réduction des coûts ».

La morosité est accentuée par la démission, le 28 janvier, du ministre de la revitalisation économique, Akira Amari, remplacé par Nobuteru Ishihara. Motif : son implication dans un scandale de corruption. M. Amari était l’architecte des Abenomics et devait assurer l’adoption en douceur par le Parlement du budget 2016. Mais aussi, de l’accord sur le Partenariat transpacifique, vaste zone de libre-échange incluant douze pays du pourtour du Pacifique, dont les Etats-Unis.


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