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Bloc-notes

Au moins un résumé… -

vendredi 1er avril 2016

On me reprochera d’avoir écrit cette page en français, dans un désaccord apparent avec le plaidoyer qui la fonde. Mais le désaccord ne sera qu’apparent, car le point que je veux mettre en évidence ne concerne pas toutes les prises de parole. Et ma position sur la politique linguistique à mener ne connaît ni langue salvatrice ni langue coupable : donnons au créole tout le respect qui lui est dû et démocratisons l’usage du français afin que ce pays cesse de produire de l’inégalité dans le domaine linguistique (comme s’il n’y en avait pas suffisamment ailleurs) en créant deux catégories distinctes de citoyens avec tous les écarts et déficits que cela entraîne : un petit groupe de bilingues et une majorité de monolingues.

En écoutant les discours d’installation des ministres, les uns anecdotiques, les autres mieux tournés et plus riches de contenu même si la lecture à voix hautes s’est révélée un exercice pénible et périlleux pour quelques dignitaires, j’ai été frappé par l’absence du créole ou sa faible présence. Or, ministre étant à la base synonyme de serviteur, ne serait-il pas bien que les serviteurs s’adressent en premier lieu à ceux qu’ils vont servir ? Et ceux qu’ils vont servir, dans leur majorité, ont plus de chances de comprendre si l’on s’adresse à eux dans la seule langue qu’ils maîtrisent. Si les ministres tiennent à prendre le risque de montrer qu’ils maîtrisent la langue française, il serait bien que le chef du gouvernement s’’impose et impose la règle d’au moins un résumé en créole.

La catastrophe Martelly dont on mettra longtemps à mesurer l’ampleur a produit du recul là aussi. Ces tergiversations autour de l’Académie créole, cette Constitution sournoisement amendée jamais traduite… Ce mépris affiché envers la masse de ceux qui ne font pas partie du petit cercle de nantis…

Il conviendrait que le nouveau gouvernement se dote d’une véritable politique linguistique en matière de communication. Le moment ne se prête guère à faire entendre au citoyen haïtien monolingue que l’on parle par-dessus sa tête. Il est toujours difficile de rompre avec des habitudes, et les nègres et les plumes qui hantent les cabinets ont le français facile. « E abitid se vis »… Mais ce que les enseignants, les commerçants, une partie de la presse ont compris, il est temps que les politiques, les hauts fonctionnaires en particulier, le mettent un peu plus en application en considérant cela comme leur devoir.
Qu’ont entendu l’agriculteur ou l’animateur de bande de rara de l’Artibonite des propositions de politique concernant les secteurs dans lesquels ils s’activent , qu’ils font vivre et qui les font vivre mal ?

Ce n’est pas démagogique de réclamer qu’on leur parle et qu’ils sentent qu’on leur parle enfin. Non pour jouer le mauvais œil comme tel qui conseillait de « naje pou w soti », ou les invectiver comme faisait tel bandit légal. Mais pour détailler la manière dont on entend les servir, qu’ils puissent comprendre, approuver, juger et critiquer.

AUTEUR

Antoine Lyonel Trouillot

zomangay@hotmail.com
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