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Cuba : ils veulent tous dîner avec le dictateur

lundi 1er février 2016

Dîner ce soir à l’Elysée en l’honneur du président cubain Raul Castro. Et toute la jet set s’y presse. Comme quoi la défense des droits de l’homme dépend aussi du temps qu’il fait.

On s’y presse. C’est le dîner chic de ce début d’année. David Guetta, Nathalie Cardone, Virginie Efira ou encore Christophe Baratier croiseront notamment Jean-Luc Mélenchon et Ségolène Royal. Le diner d’Etat en l’honneur de Raul Castro vire à la Cuba party de l’Elysée. Jamais la jet set parisienne n’aura autant joué des coudes pour dîner avec un dictateur.

"Cuba une dictature ? Non tu exagères", peut-on entendre. Car dès que l’on parle des Caraïbes, les droits de l’homme deviennent une donnée relative, là où quand il s’agit de l’Iran, de la Chine ou de la Russie on est prêt à se jeter par terre pour hurler sa colère ! Je ne viendrai pas me ranger derrière "les droit de l’hommiste" béats ; je reste convaincu que la diplomatie c’est justement de parler avec tous les pays et que c’est à notre contact qu’ils changeront. Mais au moins, que l’on reste lucide et que l’on appelle un chat un chat, une dictature une dictature, même si on y danse la salsa.

Raul mériterait plus la Cour pénale internationale plutôt que les dîners mondains

Une lucidité que François Hollande partageait en 2003 quand il déclarait à l’Obs que "Cuba avait transformé en cauchemar politique la belle révolution de 1959 détaillant l’arsenal complet de la dictature". De fait, Cuba remplit les critères basiques des régimes autoritaires. Pas d’élections libres ni pluralistes ; pas de presse indépendante ; pas de réseau internet suffisamment développé pour s’informer ailleurs (cf Libération du jour) ; des arrestations courtes plusieurs fois par mois de ceux qui ne suivent pas la ligne sont encore légion alimenté par la délation du voisinage ; des prisonniers politiques qui ont récemment été relâchés à la faveur de la levée de l’embargo, signe que jusqu’il y a encore 6 mois, Raul n’était pas dérangé à l’idée que l’on croupisse dans ses prisons pour des délits d’opinion.

D’ailleurs, Raul, rien ne le dérange vraiment. Au début de la révolution c’était lui l’exécuteur en chef qui envoyait au poteau les mous de la révolution ou ceux qui ne la voyaient pas comme ça. Le "nettoyeur de Fidel" qui l’a utilisé sans scrupule jusqu’au procès de 1989. A titre personnel, il mériterait sans doute la Cour pénale internationale, mais personne n’aura la grossièreté de le lui rappeler, à Raul, quand même, c’est un Castro ! Car à Cuba, le peuple a le pouvoir mais surtout quand il s’appelle Castro. Le frère étant trop fatigué pour exercer ses fonctions, c’est son frère qui a pris la relève. Ailleurs, on aurait hurlé au népotisme, à la confiscation du pouvoir, pour Cuba on parle de continuité. Sa réforme institutionnelle en 2002 a été de l’avis des spécialistes l’occasion de rigidifier un régime qui tombait en morceaux. La révolution vivra quoiqu’il en coûte, au nom du peuple !

À une autre époque, la gauche avait le poster du Che accroché au mur

Mais l’asphyxie guette. Pendant de longues années, le régime a été sous perfusion des pétrodollars vénézuéliens. Aujourd’hui que Chavez est mort et que le prix du pétrole s’est effondré, le Venezuela n’a plus les moyens d’être généreux. A Cuba, il faut ouvrir le système ou mourir. Et pour éviter d’être emporté par la vague, Raul a instauré 2 monnaies : le peso convertible qui permet aux dollars et aux euros d’arriver dans les caisses de l’État et le peso de tous les jours qui ne vaut rien et avec lesquels les Cubains essaient de survivre. Du coup, l’argument du marché économique qui s’ouvre aux entreprises françaises fait sourire. Les opportunités sont dérisoires. Cuba est pauvre et le restera sans doute encore longtemps faute de ressources conséquentes. On est loin des opportunités Iraniennes ou Chinoises...

Mais le mythe des "barboudos" reste plus fort que tout. C’est vrai qu’ils y ont cru, sincèrement, à cette révolution contre le cynisme et le mercantilisme américain qui avait transformé Cuba en une boite de nuit géante. Une partie de la gauche qui sera au dîner ce soir avait le poster du Che dans sa chambre et le clip d’"Hasta siempre" prouve que la fascination dure. Comme Régis Debray en son temps, on aurait aimé en être ! Mais c’était il y a 50 ans. Faire mine d’y croire aujourd’hui est criminel ou imbécile. Mais bon appétit quand même et comme ils ont le bon goût de boire de l’alcool, Cuba Libre pour tout le monde !


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