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Triplées, siamoises, les bébés de Manoucheca ont 1 an

jeudi 26 novembre 2015

David Bernard et Manoucheca Kétan, les parents des trois fillettes (des triplées) dont deux siamoises nées le 24 novembre 2014, fêtent le premier anniversaire de leurs enfants. Au bout de six mois, les siamoises Marian et Michelle ont été séparées avec succès à l’Hôpital Universitaire de Mirebalais le 22 mai 2014. Avec nos vœux les plus sincères, nous publions ce texte écrit par les parents

La naissance d’un enfant est toujours un moment très spécial dans la vie des jeunes parents. L’expérience de la naissance multiple avec complexité constitue alors des émotions plus fortes encore. Ce qui marque non seulement un phénomène rare, mais aussi un témoignage de la splendeur de la reproduction humaine. Alors, célébrer un anniversaire est une opportunité d’honorer la vie et l’émerveillement de la naissance, mais aussi une histoire à raconter... Ainsi, le 24 novembre 2014, le couple Bernard a mis au monde trois filles ; des triplées, dont deux siamoises. Selon un rapport de l’Université de Maryland Medical Center, le siamois est un phénomène rare qu’on trouve une fois sur toutes les 200 000 naissances vivantes. Notre cas est encore plus rare, siamois au sein d’une grossesse gémellaire (triplée) survient une fois sur 1 000,000 de grossesses. La naissance des bébés Bernard devrait attirer l’attention par le fait que le siamois est une sévère malformation qui peut être irréversible soit pour les deux bébés, soit pour un des bébés. Dans une logique moins grave, si des bébés ne partagent pas d’organes vitaux sensibles, ils pourront subir une intervention chirurgicale visant à les séparer. Cependant, dans les deux cas, quand cela survient dans un pays à faibles ressources comme Haïti dont le système médical est très moyen, le risque de la mort n’est du tout pas à exclure. Au cours de cette expérience, notre couple est resté très positif, même si en cet instant où nous partageons avec vous ce moment inoubliable, nous revivons quelques réminiscences nous rappelant notre désarroi et notre angoisse. Faire face à un cas qui arrive une seule fois sur un million de grossesses, ce n’est pas dormir sur les lauriers. C’est pourquoi, à tous ceux qui nous ont aidés à surmonter le stress qui nous a envahis en faisant de nos enfants les bébés miracles du siècle, nous leur germons à n’en plus finir une pensée de gratitude et de reconnaissance. Alors qu’à l’annonce de la grossesse le couple était heureux, puisque Manoucheca, déjà 34 ans, attendait impatiemment un enfant et David, plus jeune, a fortement partagé le sentiment de sa femme. Quand la deuxième échographie révèle un triplée avec risque que deux d’entre eux peuvent être siamois, le calme s’imposait. Question après question, les futurs parents ne savaient plus à quel saint se vouer. Faisant incessamment des recherches sur un centre hospitalier capable de répondre favorablement à ce cas, ils ont enfin trouvé l’Hôpital Universitaire de Mirebalais (HUM) en août 2014. Les médecins étaient très heureux d’admettre un tel cas. Des démarches internationales ont été menées pour trouver une issue favorable, car la probabilité que les fillettes soient opérées par des spécialistes compétents et expérimentés était assez minime. Dieu merci, ces démarches étaient fructueuses ! Notre joie fut sans pareille, car à aucun moment, nous n’avons pas accepté de voirgrandir des enfants accolés surtout dans notre société qui n’est pas habituée à ces cas. Nous avons pensé aux multiples enfants qui n’ont qu’une légère malformation et qui en subissent des mépris. Nous nous souvenons même d’une personne qui a déclaré qu’il fallait enfermer les personnes handicapés dans un endroit où ils ne pourraient pas déranger la sensibilité des gens normaux. Là, nous parlons de petite malformation, mais exposer des enfants l’un attaché à l’autre en Haïti, pour nous, c’était presque impossible. Des pensées nous revenaient sans cesse à l’esprit : comment les transporter, comment les habiller, comment les garder hors de la vue des curieux, comment les éduquer, comment leur apprendre à marcher, entre autres. Le 22 mai 2015, Marian et Michelle ont été séparées avec succès à l’Hôpital Universitaire de Mirebalais. Première opération de séparation des bébés siamois en Haïti, pour ne pas dire dans la Caraïbe. Le moment était très dur pour la famille mais c’était irréversible, les fillettes devaient être séparées. Nous avons vécu mal leur accolement, personne ne peut comprendre la profondeur de notre tristesse à l’idée de voir grandir nos filles en ayant la certitude qu’elles ne pourraient jamais utiliser leurs fesses pour s’asseoir, leurs pieds pour marcher, bien que ces derniers n’aient aucun problème en soi. Pour le chirurgien pédiatre, la séparation des bébés siamois représente une intervention fragile, taux de réussite cinquante pour cent, la panique s’invite, à un moment David voulait les garder siamoises, Manoucheca n’entend jamais les garder avec cette malformation. Jeudi 21 mai 2015, 5 heures de l’après-midi, les parents ont signé avec HUM le formulaire de consentement, faisant confiance à leur équipe, bien que ce soit la première fois que l’Hôpital Universitaire de Mirebalais allait faire une telle intervention. Après huit heures d’attente, le calvaire a pris fin, nous pouvons voir nos bébés. Maintenant elles partagent deux lits séparés, ce fut une révélation pour nous. Depuis six mois nous vivons avec nos trois fillettes, dont deux ne formaient qu’un, et là nous étions devant le fait accompli ; les bébés sont vraiment trois en ce vendredi après-midi. Depuis, c’est la joie, la fête, chaque jour il y a une innovation à la maison. Les fillettes grandissent rapidement, tout le monde attend une quelconque retard des ex-siamoises mais ce n’est pas vraiment le cas. Michelle marche en premier, Tamar a peur pour ne pas tomber, il semble que Marian a une petite complication au niveau de ses pieds mais elle essaie de se tenir debout de temps à autre. Nous sommes plus qu’heureux de partager avec vous les conditions de naissance et les progrès de nos fillettes. Fêter le premier anniversaire de naissance de Marian, Michelle (ex-siamoises pendant 15 mois) et Tamar en vaut la peine, nos petites jumelles sont tellement adorables, après une opération de séparation miraculeuse dont nous sommes déjà tout émus maintenant, c’est le tour des fillettes de nous émouvoir ; quelle joie dans notre vie ! maintenant elles sont en train de fêter, c’est trois fois plus d’amour pour la famille, pour le staff médical de l’HUM, pour la première dame de la République et pour toutes les personnes qui ont, d’une manière ou d’une autre, contribué à la réussite de l’opération. Il y a une liste très longue de personnes que nous aimerions remercier, mais nous nous gardons de ne pas citer des noms, car nous n’avons pas eu le temps de leur demander leur consentement. Mais nous leur demandons de croire que nous sommes très reconnaissants envers eux pour leur noble et respectueux soutien et nous les considérons comme des parents spirituels de nos enfants. Un million de bougies pour ce premier anniversaire car nos filles viennent de loin pour être si gaies, si intelligentes et dynamiques. Bon anniversaire Marian, Michelle et Tamar !!!
- AUTEUR Manoucheca Kétan et David Bernard Parents des trois fillettes


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