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Élections : La publication des résultats, entre contraintes et prudence

samedi 31 octobre 2015

Le Centre de tabulation, ce vendredi, bourdonne doucement, de tous ses ventilateurs et cliquetis de claviers d’ordinateurs. Des observateurs et candidats, dans des gilets verts, discutent ou supervisent d’un œil acéré. Un travail de fourmi est en cours, trahi seulement par quelques va-et-vient. Car le comptage du vote en Haïti contrairement à beaucoup d’autres pays est manuel, rallongeant considérablement le délai de publication des résultats.

Dix jours, c’est le délai fixé par le Conseil électoral provisoire (CEP) pour la publication des résultats. Selon Ginette Chérubin, il y aurait à cela une explication en lien avec les moyens dont dispose le pays. « Le pays n’a pas une flotte d’hélicoptères pour transporter les procès-verbaux depuis les endroits reculés. Parfois, cela se fait à dos d’âne et ensuite par hélicoptère », explique-t-elle. En plus, il n’y a pas de scanner pour tout numériser, et le vote n’est pas électronique, ajoute l’ancienne conseillère électorale. Ginette Chérubin signale que si dans certains pays, les résultats des élections sont publiés au fur et à mesure, en Haïti cette méthode pourrait provoquer au contraire beaucoup plus de contestations violentes. Le 25 octobre, il y a eu quatre scrutins (présidentiel, sénatorial, députation et municipal) et le Centre de tabulation reçoit quatre fois des procès-verbaux en provenance de chacun des milliers de bureaux de vote, explique Mosler Georges, directeur exécutif du Conseil électoral provisoire (CEP). « Aujourd’hui, nous avons un système manuel, le vote est manuel… Tout se fait à la main, il faut tout saisir à la main, transporter les procès-verbaux à Port-au-Prince. Donc tout cela prend du temp. », souligne-t-il. Jusqu’à 10 heures ce vendredi, 426 procès-verbaux pour la présidentielle, 449 pour les sénatoriales, 501 pour la députation, 663 pour les municipalités n’étaient pas encore arrivés au Centre de tabulation. « Mais cette année, nous avons fait des pas technologiques importants. Par exemple tous les procès-verbaux issus des bureaux de vote sont numérisés et accessibles à tout le monde », précise Mosler Georges. Aller vers la publication progressive est risqué, selon lui, car il n’y a pas « une culture de fair-play » chez les politiciens haïtiens. « Nous l’avons déjà tenté et nous avons vu ce que cela a donné. Une baignade dans la piscine de l’hôtel Montana, c’est ce que cela a donné. Donc nous ne pouvons pas faire la même erreur », explique-t-il, évoquant des « risques de dérapages ». En 2006, la publication des résultats de la présidentielle opposant René Préval à Lesly Manigat a donné lieu à une liesse mémorable et grotesque durant laquelle une foule a investi les locaux de l’hôtel Montana, logeant le CEP ; et certains ont plongé dans la piscine soulevant l’effarement d’une partie de l’opinion. Mosler Georges croit, pour sa part, que le problème ne se situe pas tant dans la stratégie de publication des résultats que dans l’attitude des partis politiques. « Il faut de l’éthique et de la morale dans la pratique politique », dit-il. « Tout le monde se proclame vainqueur et même celui qui ne se dit pas vainqueur affirme avoir perdu parce qu’il y a eu des magouilles », critique-t-il encore. Plusieurs candidats à la présidence ont déjà proclamé leur victoire dans les médias et dénoncé des magouilles qui auraient eu lieu à leur détriment.
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