MosaikHub Magazine

Les secondes morts de l’Empereur

vendredi 16 octobre 2015

Il y a huit ans, le groupe RAM fustigeait dans une méringue carnavalesque le fait que l’on commémore la mort de l’Empereur et non sa date de naissance comme si l’acte lâche et honteux de son assassinat au Pont Rouge mérite toujours d’être fêté. Il y a un an, tambour battant, des politiques dansaient à coeur joie sur son cadavre, sur un podium installé sur l’ancienne piste de Bowenfield. Un non-sens pour célébrer l’anniversaire de la mort de notre plus illustre héros. Aujourd’hui, alors que la célébration de l’anniversaire de la naissance de l’empereur Jacques 1er (le 20 septembre 1758) est toujours dans les oubliettes, des esprits, sans doute bien intentionnés, mais mal conseillés, nous offrent des spectacles sportifs à but lucratif en guise de forum de méditation et de réflexion sur le sort réservé au héros national deux ans après la proclamation de l’Indépendance d’Haïti. Cette année 2015 on aura, hélas ! un 17 octobre pour tout mélanger. Un marathonien, et non des moindres, sera honoré au terme d’une course de demi-fond. Deux voitures en primes seront convoitées par de jeunes coureurs âgés de 16 à 20 ans, alors qu’avec le prix de leur acquisition on pourrait, sur le plan de l’athlétisme, ouvrir la porte à des compétitions pour plus de disciplines. Il y a même des promoteurs qui affichent fièrement des bals, spectacles et bamboches en ce jour de deuil ou de réflexion que devrait être le 17 octobre. Dessalines est loin de nous. Loin de nos petites préoccupations quotidiennes. Nous avons nos élections, notre je-m’en-foutisme, nos rêves et nos attentes qui nous bouffent toutes nos cellules. Pourquoi devrions-nous nous encombrer de ce passé si glorieux et si lourd à porter que même bien l’honorer devient un pensum ? En 1804, en sortant des esclaves du système colonial pour fonder une nation libre, Dessalines et nos pères étaient devant un dilemme : concilier production et liberté. Plus de deux cents ans plus tard, nous sommes encore dans une impasse : comment construire un pays sur les ruines d’accomplissements si sublimes. Ah ! Dessalines, Raphaël Féquière a donc raison, c’est de honte que nous nous détournons de toi…
Frantz Duval duval@lenouvelliste.com

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