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A Gaza, les jeunes "n’ont rien à perdre" face aux soldats israéliens

mercredi 14 octobre 2015

Samir prend son élan et, de toutes ses forces, il jette sa petite bouteille enflammée vers une tourelle d’observation où sont postés des soldats israéliens. Pour ce Gazaoui de 20 ans, "la troisième Intifada doit continuer".

"L’Intifada d’Al-Aqsa a été lancée pour protéger la mosquée, et personne ne pourra l’arrêter", veut croire le jeune homme, en référence à la mosquée Al-Aqsa, dans la Vieille ville de Jérusalem, où les Palestiniens accusent Israël de planifier une partition de l’esplanade.

"On expulse les juifs ou on meurt. Ici, de toutes façons, on n’a rien à perdre. Notre vie, c’est le blocus, le chômage, les destructions, et personne qui s’intéresse à nous", poursuit-il.

Dans la bande de Gaza, étroite enclave côtière déjà ravagée par trois guerres et qui étouffe depuis neuf ans sous le blocus israélien, le désespoir est à son comble : la moitié des jeunes cherchent à s’exiler, les suicides sont en hausse, le chômage —l’un des plus forts taux au monde à 45%— n’a jamais été si haut et les perspectives d’avenir si lointaines.

Samir est venu jusqu’au point de passage d’Erez, dans le nord de la bande de Gaza, depuis Jabaliya où il vit, parcourant cinq kilomètres à pied avec ses copains, le visage masqué par des keffiehs, le foulard traditionnel palestinien.

"On est venu pour soutenir les jeunes de l’Intifada à Jérusalem et en Cisjordanie, on veut se battre, même avec des pierres et des cocktails Molotov", lance-t-il. Avec des centaines d’autres garçons et filles, il est allé affronter les soldats israéliens postés derrière le mur qui court tout le long de la frontière nord entre la bande de Gaza et Israël.

- Epais nuage de gaz -

En haut de la tourelle sur laquelle les jeunes jettent les projectiles, le canon d’une mitraillette dépasse alors qu’aucun soldat n’est visible. C’est de là-haut que tombent les grenades lacrymogènes et fusent les balles. Sous la pluie des projectiles et dans un épais nuage de fumée blanche, des silhouettes s’écroulent soudainement : fauchés par une balle ou asphyxiés par le gaz lacrymogène.

Au cours des heurts mardi, 35 Gazaouis ont été blessés, par des balles réelles, des balles en caoutchouc ou ont été intoxiqués par le gaz, selon les secours gazaouis.

Vendredi et samedi, des heurts similaires ont fait neuf morts parmi les lanceurs de pierre. Et dans la nuit de samedi à dimanche, une femme enceinte et sa fille de deux ans ont été tuées par un raid aérien israélien.

Selon un secouriste qui refuse de donner son nom, les ambulances sont prêtes à transférer les blessés mais elles peinent à faire face car "les soldats tirent dans tous les sens et les grenades lacrymogènes tombent en pluie".

En plus, "les jeunes ont bloqué les routes, ce qui empêche les ambulances de s’approcher vraiment du mur" et des blessés. C’est donc à pied que les secouristes vont chercher les blessés, qu’ils ramènent sur des brancards jusqu’aux ambulances qui repartent en trombe vers les hôpitaux.

- ’Génération de la liberté’ -

Souheil ramène des blessés sur sa moto. A 31 ans, cet enseignant dans le sud de la bande de Gaza a décidé de venir prêter main-forte après avoir vu les difficultés rencontrées par les ambulanciers dans un reportage télévisé.

"Je me suis dit que je devais venir avec mon ami pour aider à transporter les blessés", dit-il à l’AFP. "Je ne veux pas que nos jeunes meurent pour rien, ceux qui sont là sont poussés par le désespoir et réclament seulement une vie meilleure".

Le danger ne semble avoir aucune prise sur les lanceurs de pierre. "On sait que nos pierres ne tueront aucun soldat mais je vous jure qu’ils tremblent devant nous parce qu’on est la génération de la liberté", assure l’un d’eux, le visage masqué.

Un peu plus loin, les hommes de la police du Hamas, présents en nombre, restent en retrait. "Comment pourrait-on empêcher ces jeunes de crier leur refus de l’occupation et leur solidarité avec la mosquée Al-Aqsa et la Cisjordanie ?", affirme l’un d’eux.


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