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Foire de l’Artisanat | Parc historique de la Canne à Sucre

« Artisanat en fête », là où l’artisan se fait artiste

vendredi 2 octobre 2015

Organisé par le journal Le Nouvelliste – l’un des plus vieux quotidiens de l’Amérique francophone – et l’Institut de Recherche et de Promotion de l’Art Haïtien (IRPAH), « Artisanat en fête » est sans doute la plus grande foire du pays qui met en valeur la riche production nationale. Qui donne vie à la création haïtienne.

Dieulermesson PETIT FRERE Le dix-huitième siècle est connu pour être un grand siècle. Siècle des Lumières, de la révolution, de la liberté, c’est donc aussi celui de grandes inventions et décisions politiques, économiques et de créations littéraires et artistiques. Si dans le temps, le travail de l’artiste se confondait plus ou moins avec celui de l’artisan, c’est au cours de ce siècle-là que le mot « art » tendait à désigner essentiellement la pratique de l’artiste. Ainsi débute une distinction entre la création de l’artiste qui n’a pas au prime abord une finalité immédiate parce qu’axée essentiellement sur le beau, et celui de l’artisan dont la finalité entend plutôt joindre l’agréable à l’utile. Si le premier pratique les beaux-arts – ce qui condense en même temps l’habileté, la technique de la chose et ses connaissances esthétiques et/ou intellectuelles -, le second est surtout lié à la pratique de l’artisanat – entendre par-là uniquement la technique ou l’habileté de son activité (une tâche purement manuelle). Cela dit, la frontière entre les deux repose surtout sur ces deux catégories distinctes : le beau et l’utile. En effet, si Platon voit en l’artiste un créateur inférieur à l’artisan, par le simple fait que l’artiste ne fait que reproduire ce que l’artisan fabrique, et que de l’autre côté, Hegel le voit comme supérieur parce qu’il représente mieux ce qu’il y a de plus profond en l’homme, s’appuyant sur Marc Jimenez, l’on pourrait donc préciser que les deux se complètent puisqu’ils « produisent des objets à finalité sociale ». Même si l’art comme expression de la pensée ne revêt pas une dimension matérielle, en ce sens qu’il s’agit, tout d’abord d’une création de l’esprit, en admettant qu’il est une forme d’imitation ou prolongement de la nature, il véhicule, de ce fait, (des aspects de) la réalité. Aussi la beauté de l’œuvre d’art réside-t-elle dans l’effet qu’elle crée sur les sens, c’est-à-dire, cette capacité de l’artiste, par le biais de création d’émouvoir le regardeur. Donc tout est dans l’émotion et le jugement. Dans son « Théorie de l’art moderne », Paul Klee écrit que « La force créatrice échappe à toute domination, elle reste en toute dernière analyse un mystère indicible. Mais non un mystère inaccessible incapable de nous ébranler jusqu’au tréfonds ». Ainsi, tout créateur (artiste ou artisan) dispose de cette qualité (le génie) qui est, pour reprendre l’expression des premiers romantiques allemands du dix-neuvième siècle, « la condition naturelle de l’homme ». Comme puissance créatrice, le génie, toujours selon Jimenez, est capable à tout moment et dans toute circonstance de promouvoir la nouveauté. À « Artisanat en fête », c’est, selon notre compréhension de la chose, ce génie enfoui dans chaque artisan qu’il est invité d’apprécier, et d’admirer. Nombreux sont en Haïti ces travailleurs du bois, du fer et du papier qui sont pourvus de cette capacité d’émerveiller plus d’uns. Perçu comme une belle vitrine en l’honneur de la production locale, « Artisanat en fête » est un acte qui témoigne de la bonne foi des organisateurs du développement et du changement d’Haïti. Ces derniers sont donc au fait des acteurs de ce changement. Ils lient la parole aux actes. Et n’ont pas besoin d‘être au timon des affaires pour accomplir une action de bonne volonté. Bien sûr que des gens diront que c’est une activité purement commerciale organisée par une équipe qui n’entend que tirer du profit. Mais savions-nous que cette activité qui se déroule pendant tout un week-end du mois d’octobre chaque année ne fait que mettre en valeur la production locale ? Savions-nous qu’il s’agit d’une certaine manière de promouvoir le travail de tous ces artisans qui travaillaient dans l’ombre et n’avaient peut-être jamais vu leur travail récompensé ? Qu’ils ont pu, par l’entremise de cette foire, non seulement se faire connaître et vivre de leur production ? De 2006, date de la toute première édition de la foire, à nos jours, organisateurs, sponsors et artisans tiennent leurs promesses. Dynamiser la production, valoriser les œuvres manuelles autant que celles de l’esprit et porter ces valeureux créateurs à croire qu’ils peuvent vivre de leurs mains, et du coup gagner une certaine indépendance économique. -


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