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1er octobre 1995. Mort d’une tête brûlée en sautant les chutes du Niagara en jet-ski

jeudi 1er octobre 2015

L’Américain veut attirer l’attention sur le sort des SDF, mais le parachute qui doit freiner sa chute ne se déploie pas.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Mais quel sombre crétin ! En arriver à se tuer pour attirer l’attention sur le sort des sans-abris. Même Augustin Legrand n’aurait pas osé. À vrai dire, Robert Overcracker, 39 ans, n’a pas véritablement programmé sa mort quand il fonce vers le haut des chutes du Niagara, à cheval sur son jet-ski, le 1er octobre 1995. Ce Californien prévoit de déployer un parachute juste après le saut pour se poser comme une fleur au bas de la cataracte. A priori, rien de bien compliqué, mais suffisamment spectaculaire pour attirer l’attention des médias sur le sort des sans-abris.

Un peu trop tard, Bob constate qu’on ne s’improvise pas cascadeur. Le pétard chargé de déclencher l’ouverture du parachute au moment crucial lui fait faux bond. Superman aurait dû intervenir, mais il est occupé ailleurs... Bref, Bob l’éponge tombe comme une pierre dans les remous qui l’engloutissent en un instant. Le corps d’Overcracker est repêché quelques jours plus tard. Les SDF ne retirent aucun bénéfice de son plongeon. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que la photo de son "exploit" figurera sur une affiche incitant les parachutistes à vérifier leur matériel avant de sauter. Au moins ne sera-t-il pas mort pour rien.

Overcracker s’inscrit dans une longue lignée de casse-cous ayant défié les 52 mètres des chutes du Niagara. Le tout premier est un certain Sam Pach qui, en 1829, plonge à plusieurs reprises depuis une tour érigée juste sous les chutes. Une première fois depuis une hauteur de 30 mètres, puis une deuxième depuis 43 mètres. Mais le grand défi, c’est le saut en tonneau. Une sorte de roulette russe dont on sort sonné ou réduit en miettes. Incroyablement, l’inventeur de cette cascade est... une femme. Une institutrice nommée Annie Taylor qui désire fêter d’une manière originale son 63e anniversaire, tombant le 24 octobre 1901. C’est que la vieille femme est aussi gonflée que les pilotes d’Air France réclamant d’être payés après avoir foutu Air France dans la merde... Néanmoins, elle prend soin de vérifier ses chances de survie en organisant le 19 octobre une répétition avec son chat Lagara. Tout se passe au poil, il est récupéré vivant au pied des chutes. Traumatisé à tout jamais, mais vivant, ce qui la décide à tenter l’aventure.

Genoux brisés et mâchoire fracassée

Annie Taylor s’installe dans la barrique avec son coussin porte-chance. Une fois cette grande folle enfermée dans sa capsule de bois, elle demande à un ami d’y injecter de l’air avec une pompe à vélo. Puis le tonneau est simplement balancé à l’eau depuis la rive américaine. Le voilà entraîné vers le bord de la cataracte, il disparaît aux yeux des spectateurs... Au pied de la chute, les personnes chargées de le réceptionner mettent dix-sept minutes pour le retrouver dans les remous et la vapeur d’eau. On se croirait dans l’Hérault... Le tonneau est rapporté à terre. On l’ouvre avec angoisse. À l’intérieur, Annie Taylor est toujours vivante avec une petite coupure à la tête ! Incroyable Annie ! Par la suite, elle tentera de tirer profit de son exploit en se produisant dans des foires, mais sans grand succès.

Il faut attendre dix ans pour qu’un homme ose à son tour affronter les chutes depuis le sommet. Il s’agit d’un cascadeur d’origine anglaise de 52 ans, nommé Bobby Leach, employé du cirque Barnum. Ne faisant pas confiance à un vulgaire tonneau en bois, il se fait construire un gros cigare métallique qui lui paraît plus solide. Il s’y enferme et vogue la galère... Après 22 minutes de recherche, la capsule est retrouvée au pied des chutes avec son passager, les deux genoux brisés et la mâchoire fracassée. Il fait peur à voir. Ribéry lui envoie une photo dédicacée pour lui remonter le moral... Après un séjour de six mois à l’hôpital, Bobby reprend sa vie de cascadeur. C’est une glissade sur une peau d’orange qui le tuera.

En 1920, la première victime des chutes du Niagara est un dénommé Charles Stephens, alias le Barbier démoniaque, originaire de Bristol. C’est un habitué des cascades spectaculaires. Lui aussi fait fabriquer une longue capsule métallique. Il est tellement sûr de son coup qu’il ne la teste même pas. Il demande à un assistant de lui lier les bras à la paroi de son engin, et les pieds à une enclume. Une erreur fatale ! Lorsque sa capsule heurte brutalement l’eau en bas des chutes, l’enclume poursuit sa course, traverse le plancher métallique en l’entraînant avec lui. Les sauveteurs ne retrouvent que son bras droit, portant le tatouage "Ne m’oublie pas, Annie". Tu parles, un imbécile pareil...

En kayak, puis sans protection !

Le 5 juin 1990, c’est au tour de Jesse Sharp, 28 ans, d’y laisser la peau, après avoir tenté de descendre les chutes en kayak. Le jeune homme rêve de devenir cascadeur. Pour attirer l’attention sur lui, il décide donc de défier les chutes. Kayakiste accompli, il s’entraîne dans des chutes moins importantes, puis demande à trois amis de l’accompagner pour le filmer. Afin d’être reconnu à l’écran, il refuse de porter un casque. De même n’enfile-t-il pas de gilet de sauvetage qui pourrait s’accrocher à des rochers sous les chutes. Son kayak franchit le bord des chutes, plonge dans le vide avec son passager. Quelque temps plus tard, il est retrouvé, vide. Où est passé Jesse ? Personne ne le saura jamais.

Le 20 octobre 2003, enfin, Kirk Jones est le premier frappadingue à se jeter dans le grand bain sans aucune protection. Pas de tonneau, pas de kayak. Rien que ses vêtements habituels. Il bascule dans le vide, et se retrouve au pied des chutes, vivant. Estelle Denis, venu le recruter pour Splash le grand plongeon, le félicite chaudement. Kirk s’en tire avec quelques côtes cassées. Un pote mis dans la confidence avait acheté une caméra d’occasion pour filmer l’exploit. L’idiot n’a pas su mettre en marche la caméra. Pour échapper aux poursuites judiciaires, car le franchissement des chutes du Niagara est désormais interdit par la loi, Kirk Jones prétend avoir voulu se suicider. Ce qui ne l’empêche pas d’être condamné à une amende de 3 000 dollars.


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