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Jean-Bertrand Aristide à la rescousse de Maryse Narcisse

jeudi 1er octobre 2015

Pour briser son mutisme, Jean-Bertrand Aristide a choisi son gîte à Tabarre. L’ex-président, chassé du pouvoir en 2004, n’a pas fait dans la dentelle. Il a dénoncé un « coup d’État électoral », appelé ses milliers de partisans à la « mobilisation » et réitéré son « soutien » à sa dauphine Maryse Narcisse.

Trois ans, depuis qu’on attendait d’entendre sa voix. Pas meilleur prétexte qu’un 30 septembre, jour qui rappelle le sanglant coup d’État de 1991, dont il était victime. Jean-Bertrand Aristide, régimbeur comme lui seul, a du coup qualifié de « coup d’État ‘électoral » les législatives du 9 août dernier. Flanqué de Maryse Narcisse, sa dauphine, Aristide, calvitie prononcée, chemise blanche, apparaît calme à l’entrée de sa résidence privée sur le boulevard 15 octobre. « Ma décision de prendre la parole est mûrement réfléchie et récompense la confiance que les lavalassiens ont placée en moi », dit-il, sous les yeux éblouis de plusieurs milliers de partisans massés sur la chaussée et agrippés sur les murs, sur les arbres… Quand Jean-Bertrand Aristide fustige, dans sa tirade, ce « coup d’Etat électoral », y compris ses auteurs qu’il appelle « esclaves mentaux », la foule exulte. Il explique qu’en swahili, le mot « Ayiti » signifie désobéir. Toujours usant de son parler imagé et plein de figures de style, il invite ses sympathisants à la désobéissance. « Ayiti, jodi a di nou pa obeyi moun ki pa respekte dwa moun, pa obeyi esklav mantal nan koudeta elektoral, pa obeyi esklav mantal ki refize respekte vòt pèp la. Tout moun se moun, vòt tout moun dwe konte. » Applaudissements nourris. L’ancien prête de Saint-Jean Bosco, dans sa radiographie du « coup d’État électoral », a taclé les « malades mentaux » qui ne voient qu’« une seule facette de la réalité. « Ils voient les bulletins de vote et les armes lourdes avec lesquelles ils veulent imposer leur loi mais ils ignorent la majorité des Haïtiens qui exigent le respect de leur droit de voter. » Jean-Bertrand Aristide, chassé du pouvoir le 29 février 2004, a aussi identifié des « malades mentaux » qui refusent d’accepter leur maladie. Dans ce cas, il estime que la solution est d’abord la mobilisation. « Mobilisez-vous ! Vous qui ne voulez pas que le pays se précipite dans l’abysse d’un séisme politique sans précédent. » Pour s’assurer de la victoire de sa dauphine au scrutin du 25 octobre, JBA invite tous ses sympathisants à s’unir, à faire passer le message de porte à porte. Il diagnostique que notre pays est grièvement malade. Et pour éviter le pire, il croit qu’il faut se mobiliser contre ce coup d’Etat électoral, jusqu’à ce qu’ « ils [les lavalassiens] rentrent démocratiquement au palais national avec le Dr Maryse Narcisse ». Ann ret ansanm pou evite mal la vin pi mal […] Ann mobilize pou fè chodyè a sispann bouyi yon sèl bò », a-t-il soutenu, non sans penser aux pêcheurs en eau trouble pouvant jouer les troubles-fêtes. « Paske konplo a mare ak lajan ki pa rete ak lajan », JBA augure que « ce sera un grand défi », comme un pied de nez à ceux qui deboursent des millions de dollars dans leur campagne. « Sepandan, bouch an bouch, yonn di lòt, konplo ki fèt ak lajan ka demare ak fòs diyite nou. Bouch an bouch, yonn di lòt, se pa lajan, se diyite n. Si n pa sove diyite n, diyite n ap sove kite n ». Réapplaudissements. Maryse Narcisse, forte du support réitéré de son boss, sourit, les yeux grands ouverts sur le palais national. Jean-Bertrand Aristide, l’enfant terrible du terroir, appelle riches et pauvres à « recoudre le drapeau de l’unité. » La foule est galvanisée. L’émotion à son comble. Les vieilles chansons des rassemblements de Fanmi lavalas sont fredonnées. Un jeune garçon, t-shirt aux couleurs du parti, pleure d’émotions. « Je suis heureux d’avoir vu parler Titid », explique-t-il, non loin de ses « champions » Aristide et Narcisse qui prennent un bain de foule. Quelques heures auparavant, sur la piste de l’aviation, Maryse Narcisse et des membres du comité exécutif de son parti avaient commémoré le 24e anniversaire du coup d’État contre le premier président élu démocratiquement. Avec le soutien déclaré de celui-ci, pourra-t-elle devenir la première femme élue démocratiquement ?


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