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Décoré, salué par le tonnerre, sous une pluie fine, l’ati national Max Beauvoir a traversé -

jeudi 17 septembre 2015

Les obsèques de Max Beauvoir, l’ati national, ont été célébrées, mercredi après-midi, à son péristyle à Mariani puis il a été mis en terre dans son temple. Quelques heures auparavant, une cérémonie d’hommage national avait été organisée en son honneur au kiosque Occide Jeanty. Celui qui avait mis le vaudou debout, cofondé la plateforme œcuménique Religions pour la paix était membre de l’Akademi Kreyòl a été décoré, à titre posthume, de l’ordre national honneur et mérite au grade d’Officier par le président de la République Michel Martelly.

À Mariani, pour son dernier rendez-vous, Max Beauvoir a rencontré ses convives à la salle de conférence de son péristyle. Celle où il avait l’habitude de discuter avec des étudiants, des chercheurs, des étrangers et tout curieux fascinés par cette religion, le vaudou, dont il fut depuis 2008 l’ati national. Calme dans sa bière, le houngan des houngans paraissait se reposer tout près d’un « poto mitan », accompagné de sa dernière décoration de grand Officier. Entouré d’une série de photos qui résument son antan. L’assistance, plusieurs dizaines de personnes, dont ses plus proches parents et collaborateurs, ne cache ni sa douleur ni son émotion. Des plaintes, Des cris. Des larmes. Chacun salue à sa façon le départ de ce « mapou ». Dehors, les arbres de la grande cour aussi sont en deuil. Des éclairs zèbrent le ciel et un tonnerre claque avant que soudain dame pluie ne se mêle de la partie. « Ayibobo ! », scande un homme à la tempe grisonnante, comme pour répondre à la nature. Ici, dans ce péristyle, l’empreinte du vaudou sur les participants n’est pas à démontrer. C’est dans cette cour que Max Beauvoir aura sa dernière demeure. Après un dernier cérémonial d’invocation des loas, son cercueil, recouvert d’un drapeau et porté à bout de bras par des initiés est transporté –sous une fine pluie – dans sa sépulture. Malou, fille de Max Beauvoir, pleure. D’autres assistants de la mise en terre sanglotent. Il n’y a pas de discours. Le cercueil avance vers la dernière demeure avant de se heurter au passage étroit. Petit moment de flottement. Certains y voient un signe. La décision est prise de casser le muret qui encombre l’entrée du tombeau pour faire passer le cercueil. Il est 5 heures 16 de l’après-midi ce mercredi 16 septembre 2015, Haïti vient d’enterrer celui qui a passé plus de quarante ans de sa vie à défendre le vaudou et qui fut le premier à rassembler ses différentes branches. François Max Gesner Beauvoir n’est plus sur terre. Quelques heures avant, au Champ de Mars, une banderole marquée de « Zo ni maci ni maci ni maci », surplombant le kiosque Occide Jeanty, a accueilli ceux qui avaient fait le déplacement pour rendre un hommage officiel à François Max Gesner Beauvoir. Dans l’assistance, autour de la famille et des amis du défunt, le président de la République Michel Martelly, le Premier ministre Evans Paul, des ministres et des officiels ont pris place. Entre les chants et les conversations, de toutes les lèvres fusent les mots de « mapou », « baobab », « Legba » pour saluer la traversée de ce chimiste et vaudouisant qui fut cofondateur de la plateforme Religions pour la paix. Après une exécution haut de gamme de la fanfare de la PNH, une chorale met l’assistance en transe dans cette prière initiale. Des cloches, des tchachas, des roulements de tambour, le décor, les artilleries et le rite étaient là. Sauf Max Beauvoir. Son absence crée un vide presque tangible. La dernière fois qu’il officiait une cérémonie au Champ de Mars remonte à la mort de Lénor Fortuné, dit Azor. Cette fois, pour sa mort, il ne s’est pas présenté. Sa dépouille est restée à Mariani, chez lui, dans son houmfor. Cela n’enlève rien à cette cérémonie d’hommage national qui n’est pas une simple activité d’enterrement, souligne Évans Paul, chef du gouvernement. Car, argue-t-il, personne ne peut enterrer un message. « La vie du respectable ati national du vaudou est un message vivant qui vivra éternellement dans le sillage de l’esprit de la tolérance et du vivre-ensemble », dit le Premier ministre. C’est cet homme-message qui a été élevé –à titre posthume – à l’ordre national honneur et mérite au grade d’Officier, par Michel Martelly. Cette distinction récompense son engagement à la structuration et à l’épanouissement du vaudou haïtien, et sa contribution à la formation de Religions pour la paix. Évans Paul caractérise la consécration de Max Beauvoir à la cause du vaudou – malgré ses nombreux diplômes – comme un acte de leadership. « Un leader est un Legba. Selon la philosophie du vaudou, Legba ouvre des chemins là où il n’y en a pas », explique-t-il. Pour la maîtresse de cérémonie, Marie-Laurence Jocelyn Lassègue, la mort de ce « destin national », éponyme, affecte toutes les forces vives du pays. Sur le podium et dans les gradins du kiosque Occide Jeanty le cabinet ministériel, le corps diplomatique, les membres de l’Akademi Kreyòl, des figures de la classe politique, de l’Université, des sociétés du vaudou, nombreux sont ceux qui ont répondu à cet ultime rendez-vous. L’ombre de Max Beauvoir demeure dans un coin, marque chaque discours et témoignage. Monseigneur Pierre André Dumas, pasteur Pauris Jean-Baptiste, chaque ancien collaborateur trouve un mot pour parler de ce digne fils du terroir. Un homme atypique. Celui qui a su coaliser science, culture, philosophie et religion a été l’un des pionniers de l’Akademi Kreyòl. Il est presque 6 heures sur la route qui conduit de Mariani à Port-au-Prince. La longue journée bien remplie d’un grand homme s’achève. Et c’est la chanson de Carole Demesmin qui flotte sur l’embouteillage : « Lè yon branch wozo kase bò letan ranmye pa menm espantan, men lè s on mapou nan gran bwa ki tonbe, tout zwezo blije mande kote n pral poze ? » En attendant de trouver cette réponse, reposez en paix, Max Beauvoir.
Jean Daniel Sénat jdsenat@lenouvelliste.com


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