MosaikHub Magazine

Pain : un décret pour sauver la "tradition française"

lundi 14 septembre 2015

Google célèbre le "décret pain" qui a encadré il y a 22 ans la fabrication de la baguette. Mais ce texte est loin de faire l’unanimité.
Par Le Point.fr

« À l’époque, le pain était au plus mal. » De New York à Londres, la presse internationale s’inquiète de la dérive d’un produit typiquement français : la baguette. Bourrée d’additifs (jusqu’à une quinzaine), la baguette ordinaire est alors au plus mal : insipide, trop légère, à la croûte trop fine, et désespérément sèche en quelques heures... Le gouvernement Balladur prend donc des mesures de sauvegarde. Ce sera le 13 septembre 1997, le « décret pain » encadre la fabrication de la baguette de « tradition française ». Preuve que décidément le sort du pain n’intéresse pas seulement la ménagère de moins de 50 ans - et les boulangers -, Google consacre ce dimanche son doogle à ce décret qui a sauvé l’un des symboles de notre pays - au même titre que son drapeau, son hymne vengeur et son coq bravache.

Pourtant, le décret pain reste insuffisant selon certains. Il n’interdit pas les additifs, se contentant d’en limiter la quantité. La farine de fève, la farine de soja, la farine de malt de blé sont ainsi toujours autorisées, tandis qu’amylases (une enzyme) et gluten ne sont pas considérés comme des adjuvants et restent donc de rigueur.

Le pain plus important que la baguette

Autre reproche : le décret concerne la seule baguette, en protégeant « la tradition française ». Mais de quelle tradition parle-t-on ? s’interrogeait ainsi Roland Feuillas, qui se présente comme paysan-meunier-boulanger à l’occasion des 20 ans du décret pain. En effet, la baguette est à peine centenaire, quand le pain, lui, est multimillénaire. Bref, la baguette est bien une invention française et c’est elle qui, finalement, a filé un mauvais coton. Le pain, lui, c’est de la farine, de l’eau, un peu de sel et du levain. Sur cette base toute simple, tout redevient possible en variant les farines notamment, en variant temps de levée, pétrissage, forme, etc. La baguette, c’est le pain des villes. Le pain, c’est l’aliment de base de l’humanité ! C’est lui qu’il faut protéger.

Les nutritionnistes rejoignent la préoccupation de ces artisans exigeants. Ainsi Christian Rémésy, directeur de recherche à l’Inra, réclamait ici même il y a trois mois un nouveau décret pain ! Il fustigeait la course effrénée au pain blanc, une course née des années de disette pendant la Seconde Guerre mondiale. Il saluait les bienfaits du décret du 13 septembre 1997 qui permit de mettre le holà aux dérives les plus grossières. Mais, enfin, déplorait-il, « le pain actuel n’a pas retrouvé sa valeur nutritionnelle d’antan, lorsqu’il était produit au levain avec des farines bises issues d’une mouture à meules de pierre. Après plus d’un demi-siècle de recherche technologique et de modernisation des boulangeries, le pain est loin d’avoir acquis les qualités nutritionnelles optimales que l’on est en droit d’espérer pour cet aliment de base ».


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie