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Syrie : "Le but n’est pas de frapper, mais de comprendre"

mardi 8 septembre 2015

Comme l’avait annoncé mardi François Hollande, une patrouille de Rafale a effectué un vol de reconnaissance en Syrie. Mais aucune frappe n’est encore décidée.

Depuis plusieurs semaines, l’éventualité d’une participation française aux vols et aux frappes conduits en Syrie par la coalition sous leadership américain était sérieusement à l’étude. Toujours sensible aux émotions de l’opinion publique, François Hollande a pris sa décision de monter d’un cran l’engagement militaire français dans la région à la suite de la publication de la photographie d’un jeune réfugié syrien noyé sur une plage de Turquie. Elle a été actée le 4 septembre en conseil de défense, annoncée le lendemain dans Le Monde et officialisée le 7 septembre lors d’une conférence de presse présidentielle.

Laurent Fabius a confirmé qu’une patrouille de Rafale avait effectué dès ce mardi matin sa première mission de reconnaissance au-dessus de la Syrie. L’objectif est de recueillir des renseignements et de « renforcer notre capacité d’appréciation autonome de la situation », selon une source citée par Reuters.
François Hollande a été très clair : « Aujourd’hui en Syrie, ce que nous voulons, c’est connaître, savoir ce qui se prépare contre nous et ce qui se fait contre la population syrienne. Aussi ai-je décidé qu’il y aurait dès demain (mardi) des vols de reconnaissance (...) et puis ensuite, selon les renseignements que nous aurons collectés, nous serons prêts à faire des frappes. »

Réalité transfrontalière

Le chef de l’État estime que les flux de réfugiés arrivant en Europe sont en large part le fruit du chaos sévissant en Syrie et on ne saurait lui donner tort, même si les migrants ne viennent pas seulement de cette partie du monde. La France estime donc que la réponse à cette situation est de sa responsabilité militaire, au motif que les bourreaux de Daesh font peser une menace directe sur la France. C’est un point de vue que l’on entend à la Défense, aussi bien chez les politiques que dans les armées.

On y relève souvent que la logique de l’opération Chammal – cadre actuel des frappes contre Daesh – imposait de ne plus agir seulement en territoire irakien, mais de tenir compte de la réalité « transfrontalière » de la stratégie du groupe terroriste. Dès lors que le centre de gravité et les lieux de pouvoir de l’organisation se trouvent en Syrie, où arrivent les combattants étrangers chair à canon de Daesh et où un califat se met en place, il fallait que la France en tienne compte. Et d’autant plus que plusieurs attentats récents ont démontré que les instructions des djihadistes agissant sur le sol français étaient parties de Syrie.

Significatif, mais modeste

À ce stade, le dispositif militaire français dans la région est significatif, mais modeste. Dans le concert de la coalition, les forces dépêchées par François Hollande ne jouent pas les solistes, mais tiennent leur place dans les choeurs. Selon le dernier point de situation publié par l’état-major des armées en date du 3 septembre dernier, l’armée de l’air française affecte en ce moment à l’opération Chammal douze avions de combat (6 Rafale et 6 Mirage 2000) ainsi qu’un avion spécialisé dans le recueil du renseignement (Atlantique 2 de la Marine nationale).

Ces appareils opèrent depuis la Jordanie et les Émirats arabes unis, qui accueillent en permanence une force aérienne française au titre des accords de défense entre les deux pays. 700 soldats français se trouvent dans la région, autour des avions, des états-majors en Irak et auprès des peshmergas kurdes, mais à ce stade, l’inflexion annoncée par François Hollande n’implique aucun renforcement quantitatif.

Pas frapper, mais comprendre

Au-dessus de la Syrie, la nouvelle mission des avions français consistera dans un premier temps à recueillir du renseignement : « Le but n’est pas de frapper mais de comprendre », dit une source militaire. Lorsque les militaires français auront complété leurs propres dossiers d’objectifs, étoffé les informations parcellaires qui leur sont fournies par la coalition, ils seront prêts à lancer des frappes le moment venu.

Agissant hors des zones encore contrôlées par le régime de Bachar el-Assad, les avions ne devraient pas être gênés par ses puissants moyens sol-air. Mais Paris assure que les contacts avec le dictateur de Damas n’ont pas été repris, laissant entendre que cet aspect des affaires est traité par Washington, qui dirige la coalition. Quant à la curieuse idée émise par plusieurs hommes politiques selon laquelle il serait judicieux d’envoyer des troupes au sol, elle a été balayée d’un revers de main par le président de la Ré&publique : « Il serait inconséquent et irréaliste » de prendre cette initiative, a-t-il indiqué : « Irréaliste parce que nous serions les seuls, inconséquent parce que ce serait transformer une opération en force d’occupation. »

Le Charles de Gaulle, sans tarder

D’ici quelques semaines, Paris annoncera l’envoi du porte-avions Charles de Gaulle dans le golfe persique, où il devrait séjourner de novembre à mars en prenant, c’est une nouveauté, la relève d’un porte-avions américain. Cette présence qui s’est organisée à la demande du Pentagone devrait entraîner un report à 2017 des lourds travaux de « remise en condition » du navire-amiral français, dont les avions seront fort utiles pour renforcer le dispositif aérien de l’opération Chammal.


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