MosaikHub Magazine

La si jolie vie de Sylvie Joly

vendredi 4 septembre 2015

Créatrice du one-woman-show, une maladie la privait de scène depuis plusieurs années. Elle n’avait pas pour autant perdu son sens de l’humour.
Par Jean-Noël Mirande

En août 2012, notre journaliste s’était entretenu avec Sylvie Joly, alors privée de scène depuis deux ans à cause de la maladie. Une rencontre émouvante.

Sur sa table, une miniature de la reine Elizabeth II, souvenir du jubilé, salue le visiteur d’un incessant signe de la main. Sylvie Joly guette la réaction de son invité, heureuse de sa trouvaille. Lorsque l’effet est assuré, la réplique fuse :

- Moi aussi je fais la même chose, je ne suis pas fatiguée, même si je n’irais pas jusqu’à faire semblant de sauter en parachute comme la reine à l’ouverture des JO.

Une façon légère de vous rappeler, non sans sourire, que la maladie de Parkinson l’a éloignée de la scène... Pour l’instant.

Fâchée avec le Bon Dieu

À la ville, Sylvie Joly est toujours aussi drôle. À la campagne plutôt, car elle passe l’été en famille au milieu des champs du Vexin, avec l’un de ses petits-fils, Antonin, âgé de 5 ans. Avec lui, elle s’amuse beaucoup. Le rire est un mode de vie chez Sylvie, une façon de vous mettre à l’aise. En fond sonore passe « Comédie » de Paolo Conte. Cette ironie lui fait dire :

- Oui, enfin, comédie, comédie..., ça dépend des moments.

Des bribes de sketches lui reviennent en mémoire. À Léo Ferré chantant « Avec le temps, va, tout s’en va... » elle répondait :

- Qu’avec le temps, ça allait peut-être s’arranger !

Sale maladie, qui l’aura fâchée avec le Bon Dieu :

- Je lui ai dit de garder ses cadeaux pour lui.

Au risque de déplaire à sa mère qui vient de fêter son siècle, Sylvie ne veut plus entendre parler de Lui et de ses saints. Ce n’est pas faute d’avoir fréquenté sept institutions religieuses, d’où elle fut renvoyée à chaque fois. Enfant du 6e arrondissement de Paris, la petite Sylvie rentrait de l’école avec Bernadette Chodron de Courcel, future madame Chirac, qui reconnaît aujourd’hui avec tendresse :

- Mes parents ne voulaient pas que je la fréquente parce qu’ils trouvaient qu’elle avait mauvais genre.

Elle enfile la robe d’avocat

Un drôle de genre et un drôle d’oiseau. Elle appartiendrait plutôt à la lignée des loufoques que Sacha Guitry répertorie parmi les gens d’esprit. Avec eux, la situation la plus banale devient drolatique. Ces bourgeois sont en réalité de « doux dingues ». Il n’était pas question que la deuxième d’une fratrie de sept enfants devienne comédienne comme elle le désirait.

- Tu feras ton droit, lui ordonna son père, c’est la même chose.

Elle fit son droit, et tout le reste de travers. Pour l’examen final lui permettant de devenir avocate, elle tombe sur l’adultère. Elle ouvre sa plaidoirie en citant Guitry :

- À l’égard de celui qui vous prend votre femme, il n’est de pire vengeance que de la lui laisser.

Du prétoire à la scène, il n’y a qu’un pas. Encore faut-il le franchir. Elle quitte maître Isorni dont elle est l’assistante et ouvre la première boutique de fringues d’occasion, Le Saint-Frusquin, où elle accueille le Tout-Paris, dont Brigitte Bardot qui raffole de l’endroit. Le mari de Sylvie, Pierre, la pousse à traverser le Rubicon. Au cours de théâtre de Tania Balachova, elle met les bouchées doubles. Elle écrit en un été avec sa sœur Fanny, qui n’a que 16 ans, un premier spectacle. Leur frère Thierry viendra les rejoindre.

Sylvie Joly a inventé un genre nouveau, le « one-woman-show ». Elle est la première femme seule en scène dans une époque où cela ne se fait pas. Elle ouvre la voie avec Zouc, quelques années plus tard. Celle qu’emprunteront Muriel Robin ou Anne Roumanoff. Sylvie déchaîne le public, on dit qu’elle a le souffle à tenir en haleine le Parc des princes. Certains reviennent plusieurs fois et finissent par connaître ses sketches par cœur, les entonnant comme un refrain... Absolument, absolument !

Sylvie est fragile, sensible. Elle a une profonde tendresse pour tous ses personnages, de la coiffeuse à la bourgeoise névrosée. Elle va au bout, donne sans s’économiser. Tombe malade parfois et se relève toujours. On lui a beaucoup emprunté depuis sans jamais vraiment lui rendre la part du génie qui lui revient. Prête à aider ceux qui veulent faire ce métier, elle découvre Pierre Palmade et Dany Boon. Elle met en scène leur premier spectacle dans de toutes petites salles où elle est tous les soirs pour encourager ses poulains.

Égérie du rire, ses sketches sont des morceaux d’anthologie. Grâce à YouTube, son petit-fils découvre les inédits de sa grand-mère. La petite pâtissière en pleurs, terrorisée à l’idée d’être nationalisée lors de l’arrivée de la gauche en 1981, l’enchante. Sylvie Joly parle d’une soirée en petit comité où elle nous rappellera, selon les titres de ses premiers spectacles, que la vie, ce n’est pas de la rigolade ou qu’il ne faut jamais rire d’une femme qui tombe. On aura sûrement envie de rire, mais surtout d’applaudir.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie