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2 septembre 1666. Début de l’incendie qui calcinera la quasi totalité de Londres.

jeudi 3 septembre 2015

Pour calmer les esprits, un Français, pourtant arrivé deux jours après le drame, est désigné comme coupable et pendu.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le dimanche 2 septembre, le fournil de la famille Farynor, installé à Pudding Lane, prend feu. Bientôt, les flammes jettent le boulanger et sa famille dans la rue. Seule une servante, ayant eu trop peur pour sauter par la fenêtre, se retrouve cuite et calcinée. L’incendie se propage bientôt aux maisons voisines, car Londres est entièrement bâtie en bois, avec des rues très étroites. Il aurait fallu les abattre immédiatement à la hache pour isoler les flammes, mais leurs propriétaires ont hésité trop longtemps avant de les livrer à la hache.

Sauve qui peut

Lorsque le lord-maire de la cité, sir Thomas Bloodworth, arrive sur place, le feu court déjà vers les entrepôts de papier et les magasins installés sur les quais. Une grande partie de la ville est promise aux flammes, à moins de pratiquer des démolitions de masse sans tarder. Mais le maire, un incapable, refuse d’en donner l’ordre sous prétexte qu’il lui faut l’autorisation des propriétaires et que ceux-ci sont introuvables. Il se borne à minimiser la situation : "Fi ! Une femme pourrait l’éteindre en pissant dessus." L’imbécile. Avec le vent d’est qui souffle fort, c’est toute la ville à l’intérieur des murs romains qui flambe comme une pinède corse. Le maire de San Francisco envoie un SMS de soutien à son homologue londonien...

Dans son célèbre journal, le haut fonctionnaire de la marine Samuel Pepys décrit la panique saisissant les Londoniens, "chacun essayant de récupérer ses meubles et les jetant dans le fleuve ou les emportant sur des barges ; les pauvres restant dans leurs demeures jusqu’à ce que l’incendie soit tout proche et se ruant alors sur des bateaux ou grimpant d’un escalier à un autre sur le bord du fleuve". Le dimanche midi, les citadins renoncent à se battre contre le feu. Sauve qui peut. Le roi d’Angleterre, Charles II, propose d’envoyer ses troupes pour circonscrire l’incendie, mais le maire refuse. Le lendemain, effrayé par l’océan de flammes, le roi décide de passer outre et ordonne des destructions massives. Le feu est un ennemi coriace, il gagne le coeur de la cité. Les banquiers de Lombard Street embarquent leurs pièces d’or dans des charrettes pour qu’elles ne fondent pas. Le Royal Exchange, abritant la Bourse et de nombreux marchands, s’envole en fumée. L’agence Standard & Poor’s baisse la note financière de Londres à BB-.

La tour de Londres

Transportées par le vent, les étincelles allument de nouveaux foyers à plusieurs centaines de mètres, faisant croire à des actes criminels, forcément perpétrés par des étrangers. La paranoïa gagne les Londoniens, qui font la chasse aux Hollandais, aux Français et aux catholiques. Certains affirment avoir vu des étrangers jeter des boules de feu dans les maisons. Ainsi, un forgeron fait goûter de sa masse à un crâne français. Plusieurs dizaines d’étrangers et de catholiques anglais sont ainsi tués.

Le lundi, le lord-maire s’étant enfui, le roi charge son frère, le duc d’York, de prendre la direction des opérations. Le palais royal de Baynard, à Blackfriars, se volatilise. Le mardi, l’incendie redouble de violence. Il menace le palais de Whitehall. Vers le nord, il commence à croquer Cheapside. Même la cathédrale Saint-Paul, qu’on croyait à l’abri au milieu de sa place et derrière ses gros murs de pierres, se met à flamber, détruisant les biens entreposés par des centaines de Londoniens. Dans son journal, le mémorialiste anglais John Evelyn note : "Les pierres de Saint-Paul volaient comme des grenades, le plomb fondu courait dans les rues en déluge et les pavés luisaient d’un rougeoiement féroce, tel que ni cheval ni homme ne pouvaient les fouler." Le feu guigne maintenant la tour de Londres avec ses réserves de poudre. Pour la protéger, les troupes font exploser les maisons du voisinage par dizaines.

13 200 maisons brûlées

Heureusement, le vent tombe le mardi soir. Le mercredi, la situation est enfin maîtrisée. Mais la peur des incendiaires continue à enflammer les esprits. Une rumeur certifie que 50 000 immigrants français et hollandais marchent sur Moorfields pour égorger les hommes, violer les femmes et s’emparer des biens. Des bandes de Londoniens paniqués courent les rues pour exterminer tous les étrangers rencontrés. Même Charles II craint pour son trône. Le prince Harry, qui flambe à Las Vegas, décide de se rhabiller précipitamment pour rentrer à Londres.

Officiellement, le grand incendie de Londres fait huit morts ! Mais le bilan est forcément très sous-évalué. Des centaines, voire des milliers de personnes sont mortes carbonisées. Quant aux biens matériels, le feu aurait brûlé 13 200 maisons, 87 églises paroissiales, un palais et la cathédrale. Sur les 80 000 Londoniens habitant la ville intra-muros, 70 000 ont perdu leur logement. Il faut désigner un coupable pour calmer la foule. Un Français traînant dans le coin constitue le parfait bouc émissaire. Son nom : Robert Hubert. Il s’agit d’un horloger de 26 ans ne possédant, visiblement pas, toute sa raison. Ne s’accuse-t-il pas d’avoir mis le feu à Westminster, qui n’a pas flambé ? Peu importe, il est arrêté, jugé et pendu le 28 septembre à Tyburn. Et s’il apparaît qu’il n’a débarqué en Angleterre que deux jours après le départ du feu, peu importe. Il n’avait qu’à ne pas avouer.


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